Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille :
- de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
- d'annuler l'arrêté du 15 avril 2024 par lequel le préfet du Nord a décidé de la remettre aux autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile ;
- d'enjoindre au préfet du Nord, à titre principal, d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale ou à défaut, de procéder au réexamen de sa situation ;
- de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2404204 du 19 juin 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire de Mme A... (article 1), a annulé l'arrêté du 15 avril 2024 (article 2), a enjoint au préfet du Nord de procéder au réexamen de la situation de Mme A... (article 3), a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser au conseil de Mme A..., Me Danset-Vergoten, au titre des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 (article 4) et a rejeté le surplus des conclusions de la requête (article 5).
Procédures devant la cour :
I - Par une requête, enregistrée sous le n° 24DA01625, le 6 août 2024, le préfet du Nord, représenté par Me Nicolas Rannou, demande à la cour d'annuler le jugement du 19 juin 2024 en ses articles 2 à 4 et de rejeter la demande présentée en première instance par Mme A....
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 : l'entretien individuel a été mené par un agent qualifié de la préfecture ; en tout état de cause, l'audience devant le tribunal est de nature à remédier à l'éventuelle défaillance au stade de l'entretien ;
- les moyens invoqués par Mme A... en première instance et tirés du défaut d'examen particulier de sa situation, de la violation des articles 3.2, 4 et 17 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013, des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 53-1 de la Constitution et de l'erreur manifeste d'appréciation ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 octobre 2024, Mme B... A..., représentée par Me Sophie Danset-Vergoten, demande à la cour, par la voie de l'appel incident :
- de confirmer le jugement ;
- de rejeter la requête du préfet du Nord ;
- d'enjoindre au préfet du Nord d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;
- de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que le préfet n'a pas procédé à l'examen de sa situation particulière et que l'arrêté méconnaît les articles 4, 5 et 17 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013, l'article 53-1 de la Constitution, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Mme A... a été maintenue au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 septembre 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.
Par une ordonnance du 7 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 24 octobre 2024.
II - Par une requête, enregistrée sous le n° 24DA01771 le 28 août 2024, le préfet du Nord, représenté par Me Nicolas Rannou, demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du 19 juin 2024.
Il soutient que :
- les moyens qu'il invoque sont sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A... en première instance ;
- c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 : l'entretien individuel a été mené par un agent qualifié de la préfecture ; en tout état de cause, l'audience devant le tribunal est de nature à remédier à l'éventuelle défaillance au stade de l'entretien ;
- les moyens invoqués par Mme A... en première instance et tirés du défaut d'examen particulier de sa situation, de la violation des articles 3.2, 4 et 17 du règlement (UE) 604/2013, des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 53-1 de la Constitution et de l'erreur manifeste d'appréciation ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 novembre 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.
Par une ordonnance du 21 octobre 2024, la présidente de la 1ère chambre a dispensé d'instruction la requête n° 24DA01771, en application des dispositions de l'article R. 611-8 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- la directive n° 2013/33/UE du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Les rapports de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure, ont été entendus au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., ressortissante guinéenne (République de Guinée) née le 12 juin 1990, a déposé une demande d'asile auprès des services de la préfecture du Nord le 8 novembre 2023. A la suite de cette demande, le préfet du Nord, constatant que les empreintes de l'intéressée avaient été enregistrées dans la base dactyloscopique centrale de données informatisées du système Eurodac en Espagne le 7 juillet 2023, a saisi les autorités espagnoles le 4 décembre 2023, d'une demande de prise en charge de l'intéressée. L'Espagne a donné son accord le 13 décembre 2023 à sa prise en charge. Par un arrêté du 15 avril 2024, le préfet du Nord a décidé de remettre Mme A... aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par les deux requêtes susvisées, qu'il convient de joindre, le préfet du Nord interjette appel et demande qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 2404204 du 19 juin 2024, en tant que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 15 avril 2024, lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de Mme A... et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser au conseil de Mme A..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur la requête n°24DA01625 :
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
S'agissant du moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Lille :
2. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Entretien individuel - 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".
3. S'il ne résulte ni des dispositions citées au point précédent ni d'aucun principe que devrait figurer sur le compte-rendu de l'entretien individuel la mention de l'identité de l'agent qui a mené l'entretien, il appartient à l'autorité administrative, en cas de contestation sur ce point, d'établir par tous moyens que l'entretien a, en application des dispositions précitées de l'article 5.5 du règlement du 26 juin 2013, été " mené par une personne qualifiée en vertu du droit national ". Si un agent de préfecture est affecté au service des étrangers ou si figure au dossier mention d'éléments de son parcours professionnel le rendant apte à mener l'entretien prévu à l'article 5 du règlement du 26 juin 2013, l'agent doit être regardé comme qualifié en vertu du droit national pour conduire cet entretien.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a été reçue en entretien individuel le 8 novembre 2023 à la préfecture du Nord et qu'elle a signé le résumé de cet entretien. Ce résumé, s'il comporte la signature de la personne ayant mené l'entretien, ne contient aucune mention de son identité, même sommaire par des initiales, permettant de l'identifier. Il est cependant revêtu, en bas de la dernière page, d'un cachet administratif portant les mentions " République française ", " préfecture du Nord ", " D.I.I. Asile 3 ". A cet égard, l'administration fait valoir, pour la première fois en appel, que ce cachet administratif n'est pas le " cachet sommaire d'un service " mais un cachet individuel, répertorié dans un registre actualisé des tampons du contrôle interne de la fraude, et qu'il est dévolu à un agent de la préfecture affecté au sein du service des étrangers, précisément identifié, qui en dispose seul et qui le reçoit à sa prise de fonction. Dans ces conditions, le préfet du Nord doit être regardé comme rapportant la preuve que l'entretien a été mené par une " personne qualifiée en vertu du droit national " au sens de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013. Par suite, il est fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille s'est fondée, pour annuler l'arrêté du 15 avril 2024 prononçant le transfert de Mme A... aux autorités espagnoles, sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) 604/2013.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... en première instance et en appel.
S'agissant des autres moyens :
Quant au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 :
6. L'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dispose que : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".
7. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement.
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... s'est vu remettre la brochure A, intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' ", et la brochure B, intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", en langue française, langue officielle de la République de Guinée, en l'absence de version en langue soussou. Ces documents, signés par Mme A... lors de leur remise, lui ont été expliqués par le truchement d'un interprète en langue soussou lors de l'entretien individuel du 8 novembre 2023. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté.
Au titre de la légalité interne :
Quant aux moyens tirés de la méconnaissance de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 et de l'article 53-1 de la Constitution :
9. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2023 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". La mise en œuvre par les autorités françaises de cet article 17 doit être assurée à la lumière des exigences définies par le second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, aux termes duquel : " (...) les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif ". La faculté laissée à chaque État membre, par l'article 17 du règlement précité, de décider d'examiner une demande d'asile qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
10. Pour soutenir que le préfet aurait dû faire application des dispositions précitées, la requérante se prévaut de la présence en France de son conjoint sans toutefois en justifier, malgré les invitations de la préfecture à fournir des documents probants. Si elle se prévaut également de son état de grossesse, qu'elle avait signalé lors de son entretien individuel, celui-ci a été porté à la connaissance des autorités espagnoles qui ont accepté sa reprise en charge incluant son enfant à naître. Par suite, et alors qu'elle n'établit ni même n'allègue que le traitement par l'Espagne des demandes d'asile et l'accueil des demandeurs d'asile seraient défaillants, notamment pour les personnes vulnérables, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Nord aurait méconnu les dispositions des articles 53-1 de la Constitution et entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013.
Quant au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation :
11. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
12. Si Mme A... se prévaut de sa relation avec un compatriote vivant en France, elle ne fournit aucun renseignement sur celui-ci et notamment sur la durée et la régularité de son séjour sur le territoire français. Par ailleurs, Mme A... a déclaré lors de l'entretien du 8 novembre 2023 avoir trois enfants mineurs résidant en République de Guinée. La seule circonstance qu'elle soit enceinte et soit suivie médicalement pour sa grossesse, dont le terme est prévu en juin 2024, ne fait pas obstacle à ce qu'elle soit prise en charge en Espagne, dès lors que les certificats médicaux qu'elle fournit ne font pas état de soins particuliers ni d'impossibilité de transfert en Espagne et que les autorités de ce pays ont, ainsi qu'il a été dit précédemment, dûment été informées de son état de santé. Dans ces conditions, la mesure de transfert en litige ne peut être regardée comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
Quant au moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de Mme A... :
13. Compte tenu de ce qui a été dit en réponse aux autres moyens, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation personnelle.
14. Il suit de là que les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 avril 2024 par lequel le préfet du Nord a décidé de la remettre aux autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile et à ce qu'il soit enjoint au préfet du Nord d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation doivent être rejetées.
En ce qui concerne les frais de la première instance :
15. Partie perdante dans la première instance, Mme A... ne peut voir accueillies ses conclusions présentées en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
16. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 15 avril 2024, lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de Mme A... et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser au conseil de l'intéressée, au titre des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
En ce qui concerne les conclusions présentées par Mme A... par la voie de l'appel incident :
17. En premier lieu, compte tenu du rejet de sa demande d'annulation de l'arrêté du 15 avril 2024, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence.
18. En second lieu, partie perdante dans l'instance, Mme A... ne peut voir accueillies ses conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Sur la requête n°24DA01771 :
19. Le présent arrêt statuant sur la requête en annulation présentée contre le jugement n°2404204 du 19 juin 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille, la requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement devient sans objet.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 19 juin 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille est annulé en ses articles 2 à 4.
Article 2 : Les demandes présentées par Mme B... A... en première instance sont rejetées.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fins de sursis à exécution de la requête n° 24DA01771 du préfet du Nord.
Article 4 : Les conclusions présentées par Mme A... à fin d'injonction et en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Sophie Danset-Vergoten.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 28 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Vincent Thulard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
La présidente-rapporteure,
Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Nathalie Roméro
N°24DA01625, 24DA01771 2