Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Aimaira a demandé au tribunal administratif de Rouen d'ordonner le remboursement d'un crédit d'impôt prévu au k du II de l'article 244 quater B du code général des impôts pour des dépenses d'innovation qu'elle a exposées au titre des années 2018 et 2019, pour un montant total de 160 000 euros.
Par un jugement n° 2104613 du 13 mai 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2023, la SAS Aimaira, représentée par Me Marc Lefevre, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer le remboursement de ce crédit d'impôt pour les années 2018 et 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le rapport de la direction régionale interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) d'Ile-de-France du 27 juillet 2021 sur lequel l'administration s'est fondée pour refuser de lui accorder le bénéfice du crédit d'impôt est sommaire, incomplet et erroné dès lors que l'effectivité des fonctionnalités annoncées sur le site internet de ses concurrents n'a pas été vérifiée ;
- l'administration, qui s'est bornée à reprendre les conclusions de l'expertise de la DRIEETS, n'a pas exercé sa compétence ;
- les dépenses d'innovation qu'elle a exposées pour concevoir son logiciel de gestion entrent dans le champ du k du II de l'article 244 quater B du code général des impôts dès lors que ce logiciel, qui est hébergé sur le web et repose sur une seule base de données, offre des fonctionnalités en termes d'accessibilité et de flexibilité dont ne disposent pas les logiciels de ses concurrents, notamment ceux de la société Alcuin et la société Auriga.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Aimaira ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 5 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 septembre 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Minet, première conseillère, .
- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Aimaira, qui exerce son activité dans le secteur des systèmes et logiciels informatiques, a conçu un progiciel intégré de gestion du parcours des apprenants à destination des établissements de l'enseignement supérieur. A ce titre, elle a déposé une déclaration spéciale, pour les années 2018 et 2019, en vue de bénéficier d'un crédit d'impôt, sur le fondement du k du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, au titre de dépenses d'innovation d'un montant de 80 000 euros pour chacune de ces années. Elle en a sollicité le remboursement auprès de l'administration les 10 septembre et 14 octobre 2020.
2. L'administration fiscale a consulté la direction régionale interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) d'Ile-de-France qui, après avoir diligenté une expertise, a émis un avis défavorable le 27 juillet 2021. Par une décision du 28 septembre 2021, l'administration a rejeté la demande de la société Aimaira.
3. La société Aimaira relève appel du jugement du 13 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la restitution de ce crédit d'impôt.
4. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en 2018 : " I. - Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 octies A, 44 duodecies, 44 terdecies à 44 septdecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...). / II. - Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) k) Les dépenses exposées par les entreprises qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l'annexe I au règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité et définies comme suit : 1° Les dotations aux amortissements des immobilisations créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de conception de prototypes ou installations pilotes de nouveaux produits autres que les prototypes et installations pilotes mentionnés au a ; (...) Les dépenses mentionnées aux 1° à 6° entrent dans la base de calcul du crédit d'impôt recherche dans la limite globale de 400 000 € par an. / Pour l'application du présent k, est considéré comme nouveau produit un bien corporel ou incorporel qui satisfait aux deux conditions cumulatives suivantes : - il n'est pas encore mis à disposition sur le marché ; / - il se distingue des produits existants ou précédents par des performances supérieures sur le plan technique, de l'écoconception, de l'ergonomie ou de ses fonctionnalités. / Le prototype ou l'installation pilote d'un nouveau produit est un bien qui n'est pas destiné à être mis sur le marché mais à être utilisé comme modèle pour la réalisation d'un nouveau produit (...) ".
5. En premier lieu, l'expert de la DRIEETS d'Ile-de-France a procédé à l'analyse du projet ayant justifié la demande de la SAS Aimaira à partir des documents et pièces justificatives fournies par la société, puis a comparé le projet aux produits existants sur le marché des logiciels en ligne spécialisés dans la gestion de la scolarité et du parcours des étudiants. Si la SAS Aimaira reproche à l'expert de ne pas avoir vérifié les fonctionnalités des logiciels concurrents annoncées sur le site internet des fabricants, il ne résulte pas de l'instruction que les informations figurant sur ces sites internet auraient été erronées. Par suite, le moyen tiré des insuffisances de l'expertise réalisée par la DRIEETS en raison de son caractère trop sommaire doit, en tout état de cause, être écarté.
6. En deuxième lieu, même si l'administration fiscale s'est appuyée sur le contenu de l'expertise de la DRIEETS pour refuser à la société requérante la restitution du crédit d'impôt sollicité, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle se serait estimée liée par l'avis émis par l'expert.
7. En troisième lieu, il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, qu'une entreprise remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 244 quater B du code général des impôts.
8. La SAS Aimaira fait valoir que les travaux qu'elle a menés en 2018 et 2019 ont porté sur la mise au point d'un progiciel intégré de gestion à destination des établissements de l'enseignement supérieur qui permet la gestion administrative, pédagogique et financière du parcours des apprenants, de leur candidature à l'obtention du diplôme. Elle soutient que ce progiciel présente des fonctionnalités en termes d'accessibilité, de flexibilité et d'ergonomie supérieures aux produits de ses concurrents, principalement les sociétés Alcuin et Auriga, grâce à son hébergement sur le " cloud ", à la base de données unique sur laquelle il repose et à ses mises à jour en continu. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise réalisée par la DRIEETS d'Ile-de-France, que la société Alcuin a proposé dès 2014 un logiciel en ligne permettant la gestion intégrale du parcours des étudiants qui apparaît équivalent à celui conçu par la SAS Aimaira en 2018.
9. La SAS Aimaira soutient, d'une part, que le logiciel conçu par la société Alcuin, contrairement aux mentions du site internet de cette société, ne permettait pas la gestion des candidatures et des inscriptions et ne comportait pas de module de gestion financière pour le paiement des frais de scolarité et, d'autre part, que la mise à jour du logiciel, à l'origine de difficultés pour les clients, a pris fin en 2017. Toutefois, en se bornant à produire le témoignage de clients de la société Alcuin faisant état d'imperfections du logiciel qu'ils utilisaient, et un tableau comparatif, réalisé par la société requérante elle-même, des fonctionnalités des logiciels de gestion présents sur le marché sans l'accompagner de la moindre justification, la SAS Aimaira n'apporte pas d'éléments suffisamment probants à l'appui de ses allégations. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que le progiciel de la SAS Aimaira présentait des performances supérieures sur le plan technique, de l'écoconception, de l'ergonomie ou de ses fonctionnalités à celles des produits commercialisés par ses concurrents. Il suit de là que le progiciel développé par la société requérante ne saurait être regardé comme constituant un produit nouveau au sens et pour l'application k du II de l'article 244 quater B du code général des impôts. Par suite, la SAS Aimaira n'est pas fondée à soutenir que les travaux qu'elle a réalisés en 2018 et 2019 étaient éligibles au crédit d'impôt pour les dépenses d'innovation.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Aimaira n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Aimaira est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Aimaira et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 19 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
- M. François-Xavier Pin, président assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- Mme Alice Minet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2025.
La rapporteure,
Signé : A. Minet Le président de la
formation de jugement,
Signé : F.-X. Pin
La greffière,
Signé : E. Héléniak
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Elisabeth Héléniak
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N°23DA01519