Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... A... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen :
- d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
- d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour, valable un an, portant la mention " étudiant " ou, à défaut, de réexaminer sa demande de titre de séjour ;
- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2304698 du 1er mars 2024, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 27 octobre 2023 (article 1), a enjoint au préfet de délivrer à M. A... C... un titre de séjour d'un an portant la mention " étudiant " (article 2), a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à M. A... C... en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative (article 3) et a rejeté le surplus des conclusions de la requête (article 4).
Procédures devant la cour :
I - Par une requête n° 24DA00627, enregistrée le 27 mars 2024, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. B... D... A... C... tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 octobre 2023.
Il soutient que :
- il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 9 de la convention franco-béninoise ;
- il s'en remet à ses écritures de première instance en défense.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2025, M. M. B... D... A... C..., représenté par Me Djehanne Elatrassi, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de refus d'admission au séjour est entachée d'incompétence, insuffisamment motivée, est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle, méconnaît l'article 9 de la convention franco-béninoise et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'incompétence, est insuffisamment motivée, est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle, méconnaît le principe général du droit de l'Union européenne relatif au droit d'être entendu préalablement à toute décision défavorable, méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est entachée d'incompétence, est insuffisamment motivée, méconnaît le principe général du droit de l'Union européenne relatif au droit d'être entendu préalablement à toute décision défavorable, est dépourvue de base légale compte-tenu de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français qui lui sert de fondement, méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, méconnaît l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
II - Par une requête n°24DA00628, enregistrée le 27 mars 2024, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) de surseoir à l'exécution de ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. B... D... A... C... tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 avril 2023.
Il soutient que :
- les moyens qu'il invoque sont sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... D... A... C... en première instance ;
- c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article de la convention franco-béninoise ;
- il s'en remet à ses écritures de première instance en défense.
La requête a été communiquée à M. B... D... A... C... qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative à la circulation et au séjour des personnes entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin, signée à Cotonou le 21 décembre 1992 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... D... A... C..., ressortissant béninois né le 6 février 1999 à Cotonou (Bénin), est entré régulièrement en France le 30 septembre 2016 sous couvert de son passeport national revêtu d'un visa " mineur scolarisé ". Une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant - élève " lui a été accordée du 11 avril 2017 au 10 avril 2018, puis du 2 mars 2020 au 1er novembre 2020. Il a demandé le renouvellement de son titre de séjour le 10 février 2022 et obtenu une attestation de prolongation d'instruction du 6 mai au 5 août 2022. Le 3 avril 2023, il a présenté une demande de renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiant sur le fondement de l'article 9 de la convention franco-béninoise du 21 décembre 1992. Par un arrêté du 27 octobre 2023, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par la présente requête, le préfet de la Seine-Maritime demande l'annulation du jugement n° 2304698 du 1er mars 2024, par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 27 octobre 2023 (article 1), lui a enjoint de délivrer à M. A... C... un titre de séjour d'un an portant la mention " étudiant " (article 2) et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à M. A... C... en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative (article 3).
Sur la requête n° 24DA00627 :
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
S'agissant du moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Rouen :
2. Aux termes de l'article 9 de la convention franco-béninoise du 21 décembre 1992 : " Les ressortissants de chacun des États contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre État doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de pré-inscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou d'une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage, ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études ou du stage et de la possession de moyens d'existence suffisants. / Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études ou du stage et de la possession de moyens d'existence suffisants. " (...).
3. Pour l'application de ces stipulations, il appartient à l'administration, saisie d'une demande de renouvellement d'une carte de séjour en qualité d'étudiant, d'apprécier, sous le contrôle du juge, la réalité et le sérieux des études poursuivies.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... C... a suivi depuis 2016, dans un établissement d'enseignement supérieur privé, des études pour devenir expert en informatique, puis expert en management des systèmes d'information et a notamment " satisfait à l'ensemble des critères de validation " de la 5ème année en 2021-2022, ainsi que l'établit l'attestation de réussite délivrée par le directeur de l'établissement le 15 juin 2023. M. A... C... soutient, sans être sérieusement contredit, n'avoir pas pu valider sa quatrième année d'études, faute d'avoir pu réaliser un stage en entreprise, en l'absence du renouvellement de son titre de séjour. Il produit trois lettres datées entre juin et novembre 2023 dans lesquelles une entreprise lui propose un stage de formation de quatre mois dans le domaine du support informatique au cours de l'année académique 2023/2024, destiné à valider sa quatrième année d'études supérieures. Il doit ainsi être regardé comme justifiant de " l'accueil " de cette entreprise pour un " stage de formation de niveau supérieur ". En outre, M. A... C... produit une attestation d'hébergement à Rouen depuis le 1er décembre 2022 par une personne qu'il présente comme sa sœur. Cette attestation suffit à le faire regarder comme disposant de " moyens d'existence suffisants ". Certes, il produit également une attestation de versement à son profit de la somme mensuelle de 750 euros par une personne qu'il présente comme son cousin et qui exerce comme cadre dans un bureau d'études techniques. Toutefois, cette attestation, établie postérieurement à l'arrêté attaqué, ne précise pas la date depuis laquelle ce versement est en cours et ne saurait donc être utilement invoquée. Il n'en demeure pas moins que M. A... C... justifie de manière raisonnablement probante de la poursuite effective d'un stage de formation supérieure et de la possession de moyens d'existence suffisants. Il est ainsi fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté du 27 octobre 2023 méconnaît les stipulations de l'article 9 de la convention franco-béninoise et doit être annulée. Les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi doivent être annulées par voie de conséquence.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 27 octobre 2023, lui a enjoint de délivrer à M. A... C... un titre de séjour d'un an portant la mention " étudiant " et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à M. A... C... en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
En ce qui concerne les frais liés à l'instance d'appel :
6. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à M. B... D... A... C... en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Sur la requête n°24DA00628 :
7. Le présent arrêt statuant sur la requête en annulation présentée contre le jugement n°2304698 du 1er mars 2024 du tribunal administratif de Rouen, la requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement devient sans objet.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête n°24DA00627 du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. B... D... A... C... la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fins de sursis à exécution de la requête n° 24DA00628 du préfet de la Seine-Maritime.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Seine-Maritime
Délibéré après l'audience publique du 23 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Vincent Thulard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2025.
La présidente-rapporteure,
Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : S. Pinto Carvalho
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Suzanne Pinto Carvalho
N°24DA00627, 24DA00628