Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision par laquelle la commune de Lille a décidé de la démolition de l'immeuble situé au 76 rue Eugène Jacquet sur le territoire communal, d'annuler tous les actes subséquents, notamment les mesures d'exécution prises par la commune concernant le prix des travaux de démolition et d'ordonner la suspension de tout acte de poursuite tendant au recouvrement de cette créance.
Par un jugement no 2005412 du 29 novembre 2022 le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 janvier et 28 février 2023, M. B... A..., représenté par Me Potier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'acte initial sur la base duquel la commune de Lille a prononcé la démolition de l'immeuble situé au 76 rue Eugène Jacquet à Lille ;
3°) d'annuler tous les actes subséquents à celui-ci, notamment les mesures d'exécution prises par la commune concernant le prix des travaux de démolition, et dont l'exécution a été mise en œuvre par la trésorerie municipale de Lille ;
4°) d'ordonner en tant que besoin la suspension des poursuites relatives au recouvrement de cette créance ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Lille la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- ses conclusions de première instance dirigées contre la décision du 6 juin 2011 ne peuvent être regardées comme tardives ;
- cette décision est infondée dès lors qu'elle ne repose sur aucun texte et qu'aucune urgence n'est caractérisée ; la commune aurait dû l'avertir qu'elle entendait procéder à la démolition de l'immeuble ainsi que de la date envisagée pour cette démolition et lui communiquer le devis de démolition ;
- il existe une contradiction entre divers actes administratifs dès lors qu'il avait reçu, le 7 novembre 2024, une notification du préfet du Nord l'autorisant à affecter à usage commercial le rez-de-chaussée du bâtiment ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2023, la commune de Lille, représentée par la SELAS Seban et associés, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête d'appel de M. A... ;
2°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- c'est à bon droit que le tribunal administratif a retenu la tardiveté des conclusions de M. A... dirigées contre la décision du 6 juin 2011 sur le fondement des principes issus de la jurisprudence Czabaj ;
- ces conclusions sont irrecevables à un autre titre dès lors que la décision du 6 juin 2011 n'est qu'une mesure d'exécution de l'arrêté de péril du 19 juin 2003 homologué par le tribunal, devenu définitif, ou une décision purement confirmative de cet arrêté ;
- si les conclusions devaient être regardées comme dirigées contre l'arrêté de péril du 19 juin 2003, celles-ci sont également tardives ;
- c'est également à bon droit que le tribunal a estimé que les conclusions tendant à l'annulation des actes subséquents de la décision de démolition sont irrecevables faute d'être identifiées, et jointes à la requête ;
- les conclusions aux fins de suspension des poursuites relatives au recouvrement de cette créance non fiscale ne relèvent pas de la compétence du juge administratif et, en tout état de cause, il ne relève pas de son office de prononcer la suspension d'une procédure dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir ;
- les moyens soulevés ne sont en tout état de cause pas fondés.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Delahaye, président-assesseur ;
- les conclusions de Mme Regnier, rapporteure publique ;
- les observations de Me Delescluse représentant la commune de Lille.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a fait l'acquisition le 30 octobre 1998 d'un immeuble situé au 76 rue Eugène Jacquet à Lille, lequel a fait l'objet le 19 juin 2003 d'un arrêté de péril non imminent par le maire de Lille. Par un jugement du 12 février 2004, le tribunal administratif de Lille a homologué cet arrêté et a enjoint à M. A... d'exécuter les travaux de démolition prescrits dans un délai d'un mois, lesquels seraient à défaut réalisés d'office et à ses frais. Face à la carence persistante de M. A... dans l'exécution de ces travaux, la commune de Lille a, par un courrier du 6 juin 2011, informé l'intéressé de sa décision de faire réaliser à ses frais les travaux de démolition de cet immeuble. Ces travaux de démolition ont été réalisés au cours du second semestre de l'année 2011 et leur coût a été mis à la charge de M. A.... Ce dernier a saisi le tribunal administratif d'une requête tendant à l'annulation de l'acte par lequel la commune de Lille a décidé de la démolition de l'immeuble situé au 76 rue Eugène Jacquet à Lille, ainsi que de tous les actes subséquents, notamment les mesures d'exécution prises par la commune concernant le prix des travaux de démolition et à ce qu'il soit ordonné la suspension de tout acte de poursuite tendant au recouvrement de cette créance. M. A... relève appel du jugement du 29 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 de ce code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision.
3. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.
4. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal administratif de Lille a regardé les conclusions de la requête de M. A... tendant à l'annulation de " la décision par laquelle la ville de Lille a décidé de la démolition de l'immeuble ", comme étant dirigées contre l'acte du 6 juin 2011 par lequel la commune de Lille a fait part à l'intéressé de sa décision de faire réaliser à ses frais les travaux de démolition de cet immeuble, ce qui n'est pas contesté par l'appelant dont les conclusions sont formulées dans les mêmes termes qu'en première instance. Cet acte ne mentionne toutefois pas les voies et délais de recours et le pli de notification adressé à M. A... en recommandé avec accusé de réception a été retourné à la commune sans comporter de date de présentation susceptible de faire courir le délai de recours contentieux. Il ressort toutefois des pièces du dossier que par un courrier du 7 juillet 2011, le conseil de l'appelant a, à la demande de celui-ci, saisi la commune de Lille en vue d'obtenir des informations sur la démolition d'office de l'immeuble de M. A... qui avait alors été informé par l'entreprise à laquelle il envisageait de confier ces travaux de démolition de la circonstance que la commune avait d'ores et déjà mandaté une autre entreprise afin de mener ces travaux. En réponse à cette demande, par un courrier du 27 juillet 2011 réceptionné le 2 août suivant par ce même conseil, la commune de Lille a confirmé l'obligation dans laquelle elle s'est trouvée, en raison de la carence de M. A..., de faire réaliser d'office ces travaux de démolition tout en joignant à sa réponse une copie du courrier du 6 juin 2011. Eu égard à cette réponse, l'appelant doit être réputé avoir eu connaissance de l'acte du 6 juin 2011 en litige au plus tard le 2 août 2011. En l'absence de circonstances particulières, les conclusions de la requête de M. A... tendant à l'annulation de cet acte, enregistrées au greffe du tribunal administratif de Lille le 4 août 2020, excèdent ainsi le délai raisonnable durant lequel elles pouvaient être présentées. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal a considéré comme tardives ses conclusions dirigées contre l'acte du 6 juin 2011.
5. En second lieu, M. A... ne conteste pas le motif d'irrecevabilité opposé par les premiers juges à ses conclusions de première instance tendant à l'annulation de " tous les actes subséquents, et notamment de toutes les mesures d'exécution prises sur la base de la fixation du prix de la démolition par la ville et dont l'exécution a été mise en œuvre par la trésorerie municipale de Lille ", tiré de ce que ces conclusions ne satisfont ni aux dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ni à celles de l'article R. 412-1 du code de justice administrative et alors qu'il n'appartient pas au juge d'appel devant lequel l'appelant ne conteste pas la fin de non-recevoir opposée à ses conclusions par le juge de premier ressort de rechercher d'office si cette fin de non-recevoir a été soulevée à bon droit.
6. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté pour irrecevabilité ses conclusions aux fins d'annulation.
Sur les conclusions tendant à la suspension des poursuites :
7. Aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " (...) 1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur. / (...) 2° La contestation qui porte sur la régularité d'un acte de poursuite est présentée selon les modalités prévues à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales (...) ". Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / (...) / Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : / [...] / c) Pour les créances non fiscales des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé, devant le juge de l'exécution. "
8. Il ressort des dispositions précitées que l'ensemble du contentieux du recouvrement des créances non fiscales des collectivités territoriales est de la compétence du juge de l'exécution. Par suite, ainsi que le fait valoir la commune de Lille en défense, les conclusions de M. A... tendant à ce que la cour ordonne la suspension des poursuites relatives au recouvrement de la créance en litige, qui constitue une créance non fiscale de la commune, ne relèvent pas de la compétence du juge administratif.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Lille, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à M. A... une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre au même titre à la charge de celui-ci le versement à la commune de Lille d'une somme de 2 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera à la commune de Lille une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Lille.
Délibéré après l'audience publique du 21 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Benoit Chevaldonnet, président de chambre,
- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 février 2025.
Le président-rapporteur,
Signé : L. DelahayeLe président de chambre,
Signé : B. Chevaldonnet
La greffière,
Signé : A-S. Villette
La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
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N°23DA00166