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06/03/2025 | FRANCE | N°24DA00772

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 06 mars 2025, 24DA00772


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par trois demandes distinctes, la société civile immobilière (SCI) De Guisnes, M. C... A..., ainsi que M. et Mme D... E... ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles M. A..., d'une part et M. et Mme E..., d'autre part, ont été assujettis au titre des années 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes, et de mettre à

la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de jus...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par trois demandes distinctes, la société civile immobilière (SCI) De Guisnes, M. C... A..., ainsi que M. et Mme D... E... ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles M. A..., d'une part et M. et Mme E..., d'autre part, ont été assujettis au titre des années 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement nos 1904545, 2001297, 2001298 du 17 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille, après avoir joint ces trois demandes, a, par l'article 1er déchargé M. et Mme E... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils avaient été assujettis au titre des années 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes, par l'article 2 déchargé M. A... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il avait été assujetti au titre des années 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes et, par l'article 3, mis à la charge de l'Etat une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un arrêt n° 22DA00257 du 1er juin 2023, la cour administrative d'appel de Douai, saisie d'un appel du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique contre la partie du jugement concernant M. et Mme E..., a rejeté sa requête et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une décision n° 475632 du 22 avril 2024, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 1er juin 2023 de la cour administrative d'appel de Douai en tant qu'il se prononçait sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que sur les pénalités correspondantes, auxquelles M. et Mme E... avaient été assujettis au titre des années 2015 et 2016 en conséquence de la réduction du déficit foncier de la SCI De Guisnes au titre de l'année 2014, et il a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la cour pour qu'elle y statue de nouveau.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 février 2022, le 13 septembre 2022, le 23 mai 2024 et le 10 juillet 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour, dans la mesure du litige renvoyé à la cour et dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement du 17 décembre 2021 du tribunal administratif de Lille ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme E... devant le tribunal administratif de Lille ;

3°) de remettre à la charge de M. et Mme E... les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, ainsi que les pénalités correspondantes, dont ils ont été déchargés par le tribunal administratif de Lille, en tant qu'elles résultent de la réduction du déficit foncier dont s'était prévalue la SCI De Guisnes au titre de l'année 2014.

Il soutient, dans la même mesure, que :

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la SCI De Guisnes, qui avait indiqué au vérificateur son intention de scanner, avant leur remise, les documents dont les exemplaires originaux ont été remis au vérificateur, a nécessairement conservé une copie de ces documents, dont cette société ainsi que M. et Mme E... ont pu avoir la disposition pour formuler leurs observations sur la proposition de rectification qui leur a été adressée ;

- en tout état de cause, la SCI De Guisnes n'a pas informé l'administration de ce qu'elle lui aurait transmis, contrairement à son projet, des documents originaux sans en garder de copie ;

- la SCI De Guisnes n'a pas fait état d'une difficulté liée à la dépossession de ces documents dans la demande de prorogation du délai pour présenter ses observations qu'elle a formée le 2 août 2018 et n'a pas présenté de nouvelles observations après que les documents lui ont été restitués par un courrier recommandé qui leur a été adressé par le service vérificateur le 28 septembre 2018, alors qu'elle a disposé d'un délai suffisant pour ce faire avant la mise en recouvrement des suppléments d'impôt et de contributions sociales en litige ;

- la SCI De Guisnes n'a donc été privée d'aucune garantie procédurale ;

- à supposer que la cour estime que la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité, cette irrégularité ne peut entraîner qu'une décharge partielle des impositions supplémentaires mises à la charge de M. et Mme E..., dès lors que les documents dont les exemplaires originaux avaient été remis au vérificateur ne concernaient pas les rectifications notifiées à la SCI De Guisnes en ce qui concerne l'année 2014 ;

- il entend se référer aux écritures produites par l'administration au nom de l'Etat devant les premiers juges s'agissant des autres moyens soulevés par M. et Mme E... devant le tribunal administratif de Lille ;

- aucun des justificatifs annoncés n'a été produit s'agissant des frais d'administration et de gestion qui auraient été exposés par la SCI De Guisnes au titre de l'année 2014, de sorte que la déduction de ceux-ci a été remise en cause à bon droit ; M. et Mme E... ne sont, dans ces conditions, pas fondés à soutenir, pour la première fois après le renvoi de l'affaire à la cour, que la somme portée en déduction à ce titre pourrait correspondre à certains des travaux dont l'administration n'a restitué les factures qu'en annexe à la réponse aux observations des contribuables ;

- les suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels M. et Mme E... ont été assujettis en conséquence des rectifications notifiées à la SCI De Guisnes au titre de l'année 2014 sont fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2022, et par un mémoire enregistré le 17 juin 2024, M. et Mme D... E..., représentés par la SELARL Philaw, concluent, d'une part, au rejet de la requête, dans la mesure des conclusions renvoyées à la cour, d'autre part, à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de même que les entiers dépens.

Ils soutiennent, dans la même mesure, que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la SCI De Guisnes avait été privée d'un débat oral et contradictoire ;

- l'absence de débat oral et contradictoire entache d'irrégularité, dans son ensemble, la procédure d'imposition mise en œuvre à l'égard de la SCI De Guisnes et affecte tous les rehaussements qui trouvent leur origine dans cette procédure irrégulière ;

- faute de pouvoir disposer, en temps utile, de l'ensemble des pièces remises au service vérificateur, la SCI De Guisnes s'est trouvée, de même que ses associés, dans l'impossibilité de justifier des dépenses portées par cette société en déduction du revenu foncier généré par l'immeuble en cause au titre de l'année 2014, dans une situation dans laquelle il avait été indiqué au service que la qualification de frais d'administration et de gestion, attribuée à ces dépenses par la SCI De Guisnes, résultait d'une erreur déclarative ;

- dans l'hypothèse où la cour remettrait en cause la solution retenue par les premiers juges, elle devrait alors constater qu'aucune analyse précise des travaux effectués par la SCI De Guisnes et à l'origine du déficit foncier remis en cause n'avait été réalisée par le service vérificateur ;

- les travaux de restructuration partielle en cause, qui n'ont pas affecté le gros œuvre ni entraîné d'augmentation de la surface habitable, présentent le caractère de travaux d'amélioration ; la doctrine administrative publiée le 3 février 2014 sous la référence BOI-RFPI-BASE-20-30-10, en ses paragraphes n° 100 et n° 140, ainsi que celle publiée le 30 mai 2016 sous la référence BOI-RFPI-BASE-20-30- 20, en son paragraphe n° 230, confortent leur analyse.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. La société civile immobilière (SCI) De Guisnes, qui a été créée en 2013, a pour objet la gestion et la location d'immeubles. Elle a pour associés M. C... A..., qui détient 50 % de ses parts et qui en est le gérant, ainsi, jusqu'en 2017, que M. D... E..., qui détenait 25 % des parts sociales. Cette société, qui n'a pas opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés et qui relève donc de l'article 8 du code général des impôts, ce qui implique que ses bénéfices sont soumis à l'impôt sur le revenu entre les mains de ses associés à due proportion de leur participation, est propriétaire d'un immeuble dont elle a fait l'acquisition à Tourcoing (Nord) et dans lequel elle a fait réaliser des travaux.

2. A l'issue d'un contrôle sur pièces des déclarations souscrites par la SCI De Guisnes, l'administration a remis en cause le déficit foncier dont cette société avait entendu se prévaloir, lequel était constitué, pour 69 519 euros, de dépenses de travaux et, pour 46 870 euros, de frais d'administration et de gestion. L'administration a estimé que les travaux en cause étaient, par leur objet et leur importance, assimilables à une construction ou une reconstruction, de sorte que les dépenses correspondantes n'étaient pas déductibles parmi les charges de la propriété, et que la réalité des frais d'administration et de gestion n'était pas justifiée. L'administration a fait connaître son analyse à la SCI De Guisnes par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 24 juillet 2018. Le même jour, l'administration a adressé à ses associés une proposition de rectification destinée à leur faire connaître l'incidence de ces rectifications sur l'imposition de leur foyer fiscal au titre des années 2015 et 2016.

3. La SCI De Guines, ainsi que M. A... et M. et Mme E... ont présenté des observations qui n'ont pas convaincu l'administration de reconsidérer son analyse. Dans ces conditions, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux résultant, pour M. et Mme E..., des rehaussements notifiés ont été mis en recouvrement le 31 décembre 2018, à hauteur d'un montant total de 9 283 euros en droits et pénalités.

4. Leur réclamation ayant été rejetée, la SCI De Guisnes, M. A..., ainsi que M. et Mme E... ont, chacun pour ce qui le concerne, porté le litige devant le tribunal administratif de Lille, en lui demandant, pour la première, de rétablir le déficit foncier dont elle s'était prévalue et, pour les autres, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils avaient été assujettis en 2015 et 2016.

5. Par un jugement unique du 17 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille a déchargé, en droits et pénalités, M. A..., ainsi que M. et Mme E..., des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige et a mis à la charge de l'Etat une somme globale de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

6. Par un arrêt du 1er juin 2023, la cour administrative d'appel de Douai, saisie d'un appel du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique contre la partie du jugement concernant M. et Mme E..., a rejeté sa requête et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

7. Sur un pourvoi en cassation introduit par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, le Conseil d'Etat a, par une décision du 22 avril 2024, annulé l'arrêt de la cour en tant qu'il se prononçait sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que sur les pénalités correspondantes, mises à la charge de M. et Mme E... en conséquence de la réduction du déficit foncier de la SCI De Guisnes au titre de l'année 2014, et il a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la cour pour qu'elle y statue.

Sur le motif de décharge retenu par le tribunal administratif :

8. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales : " En ce qui concerne les sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, la procédure de vérification des déclarations déposées par la société est suivie entre l'administration des impôts et la société elle-même ". Lorsque la rectification des revenus d'un associé d'une société de personnes procède directement de la rectification des résultats de cette société à l'issue d'une vérification de comptabilité, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie à l'encontre de la société de personnes, soulevé par l'associé, est opérant.

9. D'autre part, si un contrôle sur pièces, qui n'est pas entouré des mêmes garanties qu'une vérification de comptabilité, implique certes l'obligation, qui est une garantie pour le contribuable, de restituer avant l'envoi de la proposition de rectification des documents obtenus de celui-ci, une absence de restitution ou la restitution tardive des documents reste sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition s'ils n'ont pas été utilisés pour fonder le redressement.

10. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 28 février 2018, le service vérificateur a demandé à la SCI De Guisnes de produire des justificatifs des dépenses de travaux exposées en 2013, pour un montant de 69 519 euros, et des frais d'administration et de gestion supportés en 2014, pour un montant de 46 870 euros, que la société avait déduits de ses revenus fonciers. En réponse, M. A..., gérant de la société, a, le 2 mai 2018, transmis au service les exemplaires originaux des factures de travaux demandées, lesquelles n'ont été restituées à la SCI De Guisnes que fin septembre 2018, concomitamment à la réponse aux observations du contribuable, et donc postérieurement à la notification de la proposition de rectification adressée à la société le 24 juillet 2018.

11. Toutefois, à supposer même que la SCI De Guisnes n'ait effectivement pas conservé, contrairement à ce qu'elle avait initialement envisagé, une copie des pièces ainsi transmises, sur sa demande, à l'administration, il est constant, d'une part, que cette demande de l'administration s'inscrivait dans le cadre d'un contrôle sur pièces et non d'une vérification de comptabilité et, d'autre part, que la réduction du déficit foncier déclaré par la SCI De Guisnes au titre de l'année 2014 n'était pas fondée sur l'examen de ces pièces, mais sur le constat que les frais d'administration et de gestion portés en déduction du revenu foncier au titre de cette année n'étaient pas justifiés.

12. M. et Mme E... rappellent que, dans les observations qu'elle a présentées, par son conseil, sur la proposition de rectification qui lui avait été adressée, la SCI De Guisnes a soutenu que le libellé de frais d'administration et de gestion qu'elle avait attribué à cette déduction procédait d'une erreur déclarative et qu'en réalité, " ce sont des travaux d'amélioration qui auraient dû être déduits " et ils soutiennent que la restitution tardive des factures remises au service vérificateur a empêché cette société de justifier cette assertion.

13. Toutefois, les intéressés n'ont apporté aucun élément au soutien de ce récit, invoqué pour la première fois devant le juge du fond après le renvoi de l'affaire à la cour par le Conseil d'Etat et contesté par la défense, alors que, ayant à ce jour la disposition des pièces utiles, ils ont été à même d'établir la réalité de l'erreur de libellé dont ils font état et, par suite, l'utilité des documents tardivement restitués par l'administration pour apporter les justifications attendues.

14. Il résulte de ce qui vient d'être dit au point précédent que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels M. et Mme E... ont été assujettis en 2015 et 2016 en conséquence de cette réduction de ce déficit foncier, le tribunal administratif de Lille a retenu que ces suppléments trouvaient leur origine dans une procédure d'imposition irrégulièrement mise en œuvre à l'égard de la SCI De Guisnes et qui avait été susceptible de priver cette dernière de la garantie tenant au bénéfice d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, au demeurant non invocable par un contribuable qui fait l'objet d'un contrôle sur pièces.

15. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner, dans les limites du litige qui lui a été renvoyé, les autres moyens invoqués par M. et Mme E... tant devant le tribunal administratif de Lille que devant elle.

Sur les autres moyens :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

16. En vertu de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dont les dispositions sont applicables lorsque, comme en l'espèce à l'égard de la SCI De Guisnes, la procédure de rectification contradictoire a été mise en œuvre, l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. L'article R. 57-1 du même livre précise que la proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée.

17. Il ressort des motifs de la proposition de rectification adressée le 24 juillet 2018 à la SCI De Guisnes à l'issue du contrôle sur pièces dont ses déclarations ont fait l'objet, qu'au terme d'une présentation des conditions, énoncées au a du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts, auxquelles est subordonnée la déduction du revenu foncier généré par un immeuble donné en location des dépenses de réparation et d'entretien, de même que des frais de gestion exposés pour cet immeuble, ces motifs ont exposé les raisons de fait et de droit sur lesquelles l'administration avait entendu fonder la remise en cause partielle du déficit foncier dont la SCI De Guisnes avait fait état au titre de l'année 2014 en conséquence de la déduction, en tant que charges de la propriété au titre de cette année, de frais d'administration et de gestion afférents à un immeuble lui appartenant à Tourcoing, à savoir que la réalité des frais portés en déduction en tant que charges de la propriété au titre de cette année n'était pas justifiée.

18. Ainsi, par ces motifs, l'administration a donné à la proposition de rectification adressée à la SCI De Guisnes une motivation suffisante et ayant mis à même les représentants de cette société, puis, dans le cadre de la contestation des rectifications en résultant pour leur propre revenu imposable, ses associés, de présenter d'utiles observations, s'agissant de ceux des rehaussements résultant de la réduction du déficit revendiqué par la SCI De Guisnes au titre de l'année 2014, sur le raisonnement suivi par le service vérificateur, ce qu'ils ont d'ailleurs fait.

19. Il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisante motivation, au regard des exigences énoncées par les dispositions des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales, de la proposition de rectification adressée à la SCI De Guisnes manque en fait.

20. M. et Mme E... ne sont pas fondés à se prévaloir, au soutien de ce moyen afférent à la régularité de la procédure d'imposition, des énonciations du paragraphe n° 130 de la doctrine administrative publiée le 30 mai 2016 sous la référence BOI-RFPI-BASE-20-30-20, qui, en tout état de cause, ne peuvent être regardées comme comportant, sur cette question, une interprétation formelle de la loi fiscale qui soit susceptible d'être opposée à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le bien-fondé des suppléments d'impôt et de prélèvements sociaux en litige :

21. Il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification adressée le 24 juillet 2018 à la SCI De Guisnes, que, pour justifier la réduction, de 60 112 euros à 13 242 euros, du déficit foncier dont s'était prévalue la SCI De Guisnes au titre de l'année 2014, l'administration a constaté que, selon la déclaration souscrite pour cette société, ce déficit correspondait, à concurrence de 46 870 euros, à des frais d'administration et de gestion et qu'aucune pièce n'avait été produite pour justifier du bien-fondé de cette déduction à ce titre.

22. Comme il a été dit précédemment, M. et Mme E... soutiennent, en se référant aux termes des observations formulées par la SCI De Guisnes sur la proposition de rectification qui lui a été adressée et pour la première fois devant le juge du fond après le renvoi de l'affaire à la cour, que le libellé de frais d'administration et de gestion procède d'une erreur déclarative et qu'en réalité, la SCI De Guisnes entendait déduire, en 2014, des dépenses de travaux.

23. Toutefois, les intéressés n'ont apporté aucun élément au soutien de ce moyen, alors qu'ils ont disposé de l'ensemble des factures restituées par l'administration, dans une situation dans laquelle, d'ailleurs, le ministre conteste que des factures de travaux correspondant à une somme de 46 870 euros aient été produites à l'administration au titre de l'année 2014.

24. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a réduit le déficit foncier déclaré par la SCI De Guisnes de cette somme de 46 870 euros après avoir estimé que la réalité des frais d'administration et de gestion auxquels cette somme correspondrait n'était pas établie.

25. Enfin, il n'est pas nécessaire d'examiner, dans le cadre du litige renvoyé à la cour, qui concerne exclusivement l'année 2014, le bien-fondé du moyen tiré, par M. et Mme E..., de ce que les dépenses de travaux exposées par la SCI De Guisnes en 2013 étaient déductibles, tant au regard de la loi fiscale qu'au regard de l'interprétation qui en est donnée par la doctrine administrative.

26. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que s'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels M. et Mme E... ont été assujettis au titre des années 2015 et 2016, en tant qu'elles résultent de la réduction du déficit foncier dont avait fait état la SCI De Guisnes au titre de l'année 2014.

27. Le ministre est également fondé, par voie de conséquence, à demander que les suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux ainsi déchargés à tort par ce jugement soient remis, en droits et pénalités, à la charge de M. et Mme E....

Sur les frais liés au litige :

28. Par voie de conséquence de l'ensemble de ce qui précède, les conclusions que M. et Mme E... présentent sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées et il doit en être de même, en tout état de cause, de leurs conclusions afférentes aux dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement nos 1904545, 2001297, 2001298 du 17 décembre 2021 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il prononce la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles M. et Mme E... ont été assujettis au titre des années 2015 et 2016, en tant qu'elles résultent de la réduction du déficit foncier dont avait fait état la SCI De Guisnes au titre de l'année 2014.

Article 2 : Les suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mentionnés à l'article 1er ci-dessus et déchargés à tort par le jugement mentionné au même article 1er sont remis, en droits et pénalités, à la charge de M. et Mme E....

Article 3 : Les conclusions correspondantes, présentées par M. et Mme E... devant le tribunal administratif de Lille, ainsi que les conclusions qu'ils présentent en appel sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre chargée des comptes publics, ainsi qu'à M. et Mme D... E....

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 20 février 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2025.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : M. B...Le rapporteur,

J.-F. PapinLe président de la formation de jugement,

F.-X. Pin

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La greffière,

E. Héléniak

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

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N°24DA00772

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA00772
Date de la décision : 06/03/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL PHI LAW

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-06;24da00772 ?
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