Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2024 par lequel le préfet du Finistère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Par une ordonnance n° 2400386 du 1er février 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 mai 2024, M. B..., représenté par Me Madeline, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Finistère en date du 28 janvier 2024 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Finistère de lui délivrer, dans un délai de 8 jours à compter du jugement à intervenir, une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, sa requête de première instance est recevable dès lors que le délai de recours de 48 heures ne lui est en l'espèce pas opposable ; son droit au recours effectif prévu à l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance du droit d'être entendu ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen de son droit au séjour prévu à l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation
En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire:
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est insuffisamment motivée ;
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale par exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 septembre 2024, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le tribunal a jugé à bon droit que la requête de première instance de M. B... était tardive ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2024
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la charte des droits fondamentaux de l'union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Delahaye, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant marocain né le 10 septembre 1978, s'est vu opposer le 28 janvier 2024 par le préfet du Finistère un arrêté l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui interdisant de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. B... relève appel de l'ordonnance du 1er février 2024 par laquelle la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté pour tardiveté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de la mesure (...) ". Aux termes du II de l'article R. 776-2 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au litige : " Conformément aux dispositions de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification par voie administrative d'une obligation de quitter sans délai le territoire français fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester cette obligation et les décisions relatives au séjour, à la suppression du délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément. (...) ". Aux termes du II de l'article R. 776-5 de ce code, dans sa version applicable au litige : " Les délais de quarante-huit heures mentionnés aux articles R. 776-2 et R. 776-4 (...) ne sont susceptibles d'aucune prorogation (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes de l'article R. 776-15 du même code : " Les jugements sont rendus, sans conclusions du rapporteur public, par le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cet effet. / (...) / Il peut, par ordonnance : / (...) / 4° Rejeter les recours entachés d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 744-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour permettre l'exercice effectif de leurs droits, les étrangers maintenus dans un local de rétention peuvent bénéficier du concours d'une personne morale, à leur demande ou à l'initiative de celle-ci, dans des conditions définies par convention conclue par le préfet ou, à Paris, par le préfet de police. Dans chaque local de rétention, ce concours est assuré par une seule personne morale. ". Aux termes de l'article R. 776-19 du même code, applicable à la date de l'arrêté en litige : " Si, au moment de la notification d'une décision mentionnée à l'article R. 776-1, l'étranger est retenu par l'autorité administrative, sa requête peut valablement être déposée, dans le délai de recours contentieux, auprès de ladite autorité administrative. / Dans le cas prévu à l'alinéa précédent, mention du dépôt est faite sur un registre ouvert à cet effet. / Un récépissé indiquant la date et l'heure du dépôt est délivré au requérant. L'autorité qui a reçu la requête la transmet sans délai et par tous moyens au président du tribunal administratif ".
4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français pris à l'encontre de M. B..., qui comportait l'indication des voies et délais de recours, lui a été notifié par voie administrative le dimanche 28 janvier 2024 à 18h10. L'intéressé a ensuite été placé au local de rétention administrative de Brest avant d'être transféré le 30 janvier 2024 à 17 h au centre de rétention administrative de Oissel. Sa requête n'a toutefois été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Rouen que le 31 janvier 2024, soit postérieurement à l'expiration du délai de 48 heures prévu par les dispositions citées au point 2. Contrairement à ce que fait valoir l'appelant, il ressort de la mention relative aux voies et délais de recours porté à sa connaissance qu'il a été informé de la possibilité de présenter directement son recours auprès de l'autorité administrative chargée de la rétention administrative conformément aux dispositions précitées de l'article R. 776-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, si M. B... soutient qu'aucune association n'est habilitée à intervenir au sein du local de rétention administrative de Brest, la CIMADE ayant notamment refusé de signer la convention à cette fin prévue à l'article R. 744-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé s'est vu notifier ses droits dès son placement en rétention et, à ce titre, a été informé de la possibilité de solliciter l'assistance d'un interprète et d'un avocat, de contacter le représentant de la CIMADE assurant une permanence au centre de rétention administrative de Rennes, dont les coordonnées téléphoniques lui ont été communiquées, et d'avoir accès à un téléphone dont l'intéressé n'établit pas avoir été privé. Lors de son arrivée au centre de rétention de Oissel le 30 janvier, il s'est également vu notifier ses droits à 17 h, et à ce titre a été informé de la possibilité de contacter notamment l'association France Terre d'asile pour lui permettre l'exercice effectif de ses droits, l'intéressé ayant alors précisé qu'il disposait d'un avocat choisi. Par suite, l'impossibilité alléguée par M. B... dans laquelle il aurait été mis de présenter un recours devant la juridiction administrative dans le délai qui lui était imparti n'est pas établie en l'espèce. Dans ces conditions, c'est à bon droit que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a considéré comme tardive la requête de première instance de M. B... et l'a rejetée comme irrecevable.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. B..., qui n'a pas été privé de son droit au recours effectif prévu à l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort de ce que, par l'ordonnance attaquée, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et à Me Madeline.
Copie en sera transmise au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 25 février 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,
- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2025.
Le président-rapporteur,
Signé : L. DelahayeLe président de chambre,
Signé : B. Chevaldonnet
La greffière,
Signé : A-S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°24DA00966