Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de prononcer la réduction de l'obligation de payer résultant de la mise en demeure émise le 11 février 2021 par le comptable public du service des impôts des particuliers de Tourcoing pour le recouvrement de la somme totale de 37 176,53 euros correspondant au reliquat des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2005 et 2006, ainsi qu'aux pénalités s'y rapportant, et, d'autre part, de prononcer la réduction, à hauteur de 7 253,31 euros, de l'obligation de payer la somme de 52 182,90 euros procédant de deux saisies administratives à tiers détenteur du 11 février 2021 et par voie de conséquence la mainlevée partielle, à concurrence du même montant, desdites saisies, enfin, de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2105510 du 7 mars 2024, le tribunal administratif de Lille a déchargé M. C... de l'obligation de payer la somme de 1 534 euros, qui lui a été réclamée par les saisies administratives à tiers détenteur qui lui ont été adressées le 11 février 2021 au titre des frais de poursuites et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 mai 2024, M. C..., représenté par la SELARL Wiblaw, demande à la cour :
1°) de prononcer la décharge partielle, à concurrence d'un montant de 11 232,65 euros, de l'obligation de payer la somme de 52 182,90 euros procédant des deux saisies administratives à tiers détenteur datées du 11 février 2021, ainsi que la mainlevée partielle, à due concurrence, desdites saisies administratives à tiers détenteur ;
2°) de réformer, en ce qu'il a de contraire, le jugement du 7 mars 2024 du tribunal administratif de Lille ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, le premier alinéa de l'article L. 209 du livre des procédures fiscales fait obstacle à ce qu'une dette correspondant à des impositions majorées de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts, comme l'ont été les impositions dont le paiement lui est réclamé, donne lieu à l'application d'intérêts moratoires, comme l'a retenu la cour par un précédent arrêt devenu irrévocable, de sorte que la ventilation, opérée par le comptable public, des sommes payées par lui, telle qu'elle figure sur le bordereau de situation produit devant les premiers juges, a été prise en compte à tort par le tribunal administratif pour limiter à 1 534 euros le montant de la décharge de l'obligation de payer prononcée par le jugement attaqué ;
- dans ces conditions le montant des frais de poursuites demeurant à sa charge au titre des deux avis à tiers détenteurs émis le 11 février 2021 s'élève à 14 571,65 euros et non seulement à 4 873 euros, après imputation des versements effectués, de sorte que la décharge prononcée par les premiers juges aurait dû s'élever à 11 232,65 euros.
La requête a été communiquée au directeur régional des finances publiques des Hauts-de-France et du département du Nord, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une correspondance qui lui a été adressée le 11 décembre 2024, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, le directeur régional des finances publiques des Hauts-de-France et du département du Nord a été mis en demeure de présenter des observations en défense dans un délai d'un mois.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. Par une mise en demeure adressée à M. A... C..., contribuable résidant dans la métropole lilloise, le 11 février 2021, le service des impôts des particuliers de Tourcoing a demandé à l'intéressé de s'acquitter d'une somme de 37 176,53 euros correspondant, selon le comptable public, au reliquat dont il demeurerait redevable au titre des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales établies à raison des années 2005 et 2006, majorées des frais de poursuites, ainsi que des intérêts moratoires dus à l'Etat en application de l'article L. 209 du livre des procédures fiscales. En outre, le même service a informé M. C..., par deux courriers également adressés à ce dernier le 11 février 2021, de la notification de saisies administratives à tiers détenteurs à deux établissements bancaires auprès desquels des comptes étaient ouverts à son nom, afin d'obtenir de ces établissements une somme 52 182,90 euros, à valoir sur le règlement des mêmes impositions et contributions, ainsi qu'une somme de 14 571,65 euros au titre des frais de poursuite.
2. Par une réclamation adressée, le 19 mars 2021, au directeur régional des finances publiques des Hauts-de-France et du département du Nord, M. C... a formé opposition à ces actes de poursuites, conformément aux dispositions des articles L. 281 et R. 281-1 et suivants du livre des procédures fiscales. Cette réclamation a fait l'objet, le 10 mai 2021, d'une décision d'admission partielle conduisant l'administration à prononcer une décharge, à concurrence d'une somme de 3 979,34 euros, de l'obligation de payer résultant des deux avis à tiers détenteur, en conséquence de l'abandon du recouvrement d'une partie des frais de poursuite.
3. Insatisfait de cette issue, M. C... a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille, en lui demandant, d'une part, de prononcer la réduction de l'obligation de payer résultant de la mise en demeure émise le 11 février 2021 par le comptable public du service des impôts des particuliers de Tourcoing pour le recouvrement de la somme totale de 37 176,53 euros correspondant au reliquat des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2005 et 2006, ainsi qu'aux pénalités s'y rapportant, et, d'autre part, de prononcer la réduction, à hauteur de 7 253,31 euros, de l'obligation de payer la somme de 52 182,90 euros procédant des deux saisies administratives à tiers détenteur du 11 février 2021 et par voie de conséquence la mainlevée partielle, à concurrence du même montant, desdites saisies, enfin, de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
4. Par un jugement du 7 mars 2024, le tribunal administratif de Lille a déchargé M. C..., à concurrence d'une somme de 1 534 euros correspondant à des frais de poursuites, de l'obligation de payer procédant des saisies administratives à tiers détenteur qui lui ont été adressées le 11 février 2021 et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande. M. C... relève appel de ce jugement en tant qu'il ne lui donne pas entière satisfaction.
Sur l'applicabilité des intérêts moratoires :
5. D'une part, aux termes de l'article L. 209 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Lorsque le tribunal administratif rejette totalement ou partiellement la demande d'un contribuable tendant à obtenir l'annulation ou la réduction d'une imposition établie en matière d'impôts directs à la suite d'une rectification ou d'une taxation d'office, les cotisations ou fractions de cotisations maintenues à la charge du contribuable et pour lesquelles celui-ci avait présenté une réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires (...). Ces intérêts moratoires ne sont pas dus sur les cotisations ou fractions de cotisations d'impôts soumises à l'intérêt de retard mentionné à l'article 1727 du code général des impôts. / (...) / Les intérêts courent du premier jour du treizième mois suivant celui de la date limite de paiement jusqu'au jour du paiement effectif des cotisations. Ils sont recouvrés dans les mêmes conditions et sous les mêmes garanties, sûretés et privilèges que les impositions auxquelles ils s'appliquent. ".
6. D'autre part, il résulte de ces dispositions que ces intérêts moratoires ne sont pas dus à raison des cotisations ou fractions de cotisations soumises à l'intérêt de retard visé à l'article 1727 du code général des impôts.
7. Aux termes du 4 du IV de l'article 1727 du code général des impôts : " Lorsqu'il est fait application de l'article 1729, le décompte de l'intérêt de retard est arrêté au dernier jour du mois de la proposition de rectification ou, en cas d'échelonnement des impositions supplémentaires, du mois au cours duquel le rôle doit être mis en recouvrement ".
8. Il résulte de l'instruction, notamment de l'état annexé à la lettre du 11 février 2021 par laquelle l'administration a informé M. C... de l'envoi, le même jour, de saisies administratives à tiers détenteurs à deux établissements bancaires détenteurs de comptes ouverts à son nom, que les frais induits par ces actes s'élevaient à un montant de 14 571,65 euros. Pour prononcer, à concurrence d'une somme de 1 534 euros correspondant à des frais de poursuites, la décharge de l'obligation de payer procédant des saisies administratives à tiers détenteur, les premiers juges ont notamment estimé que, selon les mentions d'un bordereau de situation établi le 10 mai 2021 et produit devant le tribunal administratif par l'administration, qui faisait valoir que ces frais avaient été recalculés à cette date, le montant de 14 571,65 euros correspondait, en réalité, à concurrence de 4 873 euros, aux frais de poursuites proprement dits et, à concurrence de 9 698,65 euros, à des intérêts moratoires.
9. Or, il résulte de l'instruction que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales dont M. C... demeure redevable au titre des années 2005 et 2006 ont initialement été assorties de la majoration d'assiette de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées du a de l'article 1729 du code général des impôts. Si, à la suite de la contestation, introduite par M. C..., du bien-fondé de ces impositions, cette majoration a fait l'objet d'un dégrèvement, cette circonstance est demeurée sans incidence sur l'intérêt de retard appliqué à ces impositions et contributions, qui a été calculé conformément aux dispositions précitées du 4 du IV de l'article 1727 du même code, c'est-à-dire que son décompte a été arrêté au dernier jour du mois de la proposition de rectification et qui est demeuré à la charge de M. C... après ce dégrèvement.
10. Dans ces conditions, les sommes dues par M. C... au titre de ces mêmes impositions et contributions doivent être regardées, au sens des dispositions précitées de l'article L. 209 du livre des procédures fiscales, comme ayant été soumises à l'intérêt de retard mentionné à l'article 1727 du code général des impôts. Ces sommes n'ont, par suite, pu légalement être assorties de l'intérêt moratoire prévu par ces dispositions de cet article L. 209.
11. Il suit de là que M. C... peut prétendre, à concurrence d'une somme de 9 698,65 euros à la décharge de l'obligation de payer les intérêts moratoires qui demeureraient à sa charge à la date du présent arrêt.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a limité à la somme de 1 534 euros la décharge de l'obligation de payer prononcée sur sa demande et que cette décharge doit être portée à la somme de 11 232,65 euros.
Sur les frais de procédure :
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : M. C... est déchargé, à concurrence du montant de 9 698,65 euros, de l'obligation de payer les intérêts moratoires dont procèdent la mise en demeure et les avis de saisies administrative à tiers détenteurs qui lui ont été adressés le 11 février 2021, en tant que cette obligation demeurerait à sa charge à la date du présent arrêt.
Article 2 : Le jugement n° 2105510 du 7 mars 2024 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., ainsi qu'à la ministre chargée des comptes publics.
Copie en sera transmise au directeur régional des finances publiques des Hauts-de-France et du département du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 20 mars 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,
Signé : M. B...Le rapporteur,
J.-F. PapinLe président de la formation de jugement,
F.-X. Pin
La greffière,
Signé : E. Héléniak
La greffière,
E. Héléniak
La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Elisabeth Héléniak
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N°24DA00880