La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/04/2025 | FRANCE | N°24DA02165

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 03 avril 2025, 24DA02165


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 mars 2023 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'autre part, d'enjoindre au préfet d

u Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire, sous astreinte de 150 euros par jo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 mars 2023 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la notification du jugement, ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 2 000 euros, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2304622 du 10 octobre 2024, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 3 mars 2023 par laquelle le préfet du Nord a interdit le retour sur le territoire français de M. D... avant l'expiration du délai d'un an et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête, enregistrée le 24 octobre 2024 sous le n° 24DA02165, le préfet du Nord demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il prononce l'annulation de l'interdiction de retour prononcée à l'égard de M. D... ;

2°) de rejeter les conclusions correspondantes de la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Lille.

Il soutient que :

- c'est à tort que, pour annuler la décision faisant interdiction à M. D... de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an, les premiers juges ont retenu que cette décision procédait d'une erreur d'appréciation ;

- les autres moyens présentés, en première instance, par M. D... à l'encontre de cette décision ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. D..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.

II - Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2025 sous le n° 25DA00036, M. D..., représenté par Me Dewaele, demande à la cour :

1°) d'annuler le même jugement en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 3 mars 2023 du préfet du Nord en tant qu'il lui refuse le renouvellement de son titre de séjour, qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et qu'il fixe le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il n'est pas établi que l'auteur des décisions prises par l'arrêté contesté avait été valablement habilité ;

- l'arrêté contesté, pris dans son ensemble, est insuffisamment motivé ;

- contrairement à ce qu'ont retenu, à tort, les premiers juges, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas été précédée d'un examen suffisamment sérieux et attentif de sa situation ;

- contrairement à ce qu'a estimé, également à tort, le tribunal administratif, pour refuser de le faire bénéficier de l'admission exceptionnelle au séjour prévue par les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Nord a méconnu ces dispositions et commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision de refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français devra être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de séjour ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours et celle fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office devront être annulées par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée au préfet du Nord, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une décision du 17 décembre 2024, M. D... a été admis à l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu, au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. M. C... D..., ressortissant ivoirien né le 11 juillet 2003 à Daloa (Côte d'Ivoire), est entré sur le territoire français le 17 mai 2019, selon ses déclarations. Il a sollicité du préfet du Nord, le 18 octobre 2021, la régularisation de sa situation administrative au titre de l'admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 3 mars 2023, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a fait obligation à M. D... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et interdiction de retour sur ce territoire avant l'expiration d'un délai d'un an, enfin, a fixé le pays à destination duquel l'intéressé pourra être reconduit d'office.

2. Par un jugement du 10 octobre 2024, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 3 mars 2023 par laquelle le préfet du Nord a interdit le retour sur le territoire français de M. D... avant l'expiration du délai d'un an et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande. Le préfet du Nord relève appel de ce jugement en tant qu'il prononce l'annulation de l'interdiction de retour prise à l'égard de M. D... et ce dernier relève appel du même jugement en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de sa demande.

Sur la jonction :

3. La requête enregistrée au greffe de la cour le 24 octobre 2024 sous le n° 24DA02165, présentée par le préfet du Nord, et la requête enregistrée à ce greffe le 8 janvier 2025 sous le n° 25DA00036, présentée pour M. D..., sont dirigées contre le même jugement, ont trait à la situation du même ressortissant étranger et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur le refus de titre de séjour :

En ce qui concerne la légalité externe :

4. Il ressort des mentions de l'arrêté contesté que celui-ci a été signé par M. B... F..., attaché d'administration de l'Etat, adjoint à la cheffe du bureau du contentieux et du droit des étrangers. Il ressort des pièces du dossier que M. F... bénéficiait d'une délégation de signature qui lui avait été donnée par un arrêté du 15 février 2023 du préfet du Nord, publié le même jour au n°42 du recueil des actes administratifs de la préfecture, et qui l'habilitait notamment à signer, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme E..., cheffe du bureau, les décisions de refus de délivrance d'un titre de séjour. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme E... n'aurait pas été absente ou empêchée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur du refus de séjour doit être écarté.

5. Il ressort des mentions mêmes de l'arrêté du 3 mars 2023 pris à l'égard de M. D... que cet acte comporte, dans ses motifs, l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet du Nord s'est fondé pour refuser de délivrer à l'intéressé un titre de séjour. Les motifs de cet arrêté rendent notamment compte de ce que le préfet a examiné les perspectives d'intégration et d'insertion professionnelle dont pouvait justifier M. D... et révèlent que cette autorité a tenu compte de la durée et des conditions du séjour de l'intéressé, ainsi que de sa situation personnelle et familiale, de même que des liens conservés par lui dans son pays d'origine, pour retenir que ces éléments ne constituaient pas des raisons humanitaires, ni des motifs exceptionnels de nature à justifier qu'il soit admis, à titre exceptionnel, au séjour et qu'une décision de refus ne méconnaîtrait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet n'avait pas, dans ces motifs, à se livrer à un exposé exhaustif des éléments caractérisant la situation de M. D..., mais seulement d'y préciser ceux sur lesquels il a entendu fonder sa décision. Il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. D... au regard de l'exigence posée par l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration manque, en tout état de cause, en fait. La circonstance, à la supposer même établie, que certaines des mentions de cet arrêté seraient erronées demeure sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation de la décision portant refus de séjour.

En ce qui concerne le caractère suffisant de l'examen de la situation de l'intéressé :

6. Eu égard notamment à ce qui vient d'être dit au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord ne se serait pas livré à un examen suffisamment attentif de la situation de M. D... avant de refuser de lui délivrer un titre de séjour. A cet égard, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord n'aurait pas pris en compte, à partir des éléments d'information en sa possession, la date d'entrée en France de l'intéressé, son niveau de maîtrise de la langue française, la nature des liens conservés par lui dans son pays d'origine et ses perspectives d'insertion professionnelle.

En ce qui concerne l'admission exceptionnelle au séjour :

7. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...) ".

8. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de ces dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". L'article L. 435-1 ne fait, en tout état de cause, pas obstacle à l'exercice, par l'autorité administrative, du pouvoir discrétionnaire qui lui appartient, dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit, de régulariser la situation d'un étranger, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle dont il justifierait.

9. Il ressort des pièces du dossier que, si M. D... a fait preuve d'une bonne implication dans la formation préparant à l'obtention du certificat d'aptitude à la profession de peintre applicateur de revêtements, débutée par lui en 2020, et si, en dépit de ses difficultés et du contexte de la crise sanitaire, il est parvenu à obtenir ce diplôme à la session de juin 2022, l'intéressé n'a pu, depuis lors, justifier d'aucune perspective sérieuse d'insertion professionnelle en France, si ce n'est l'obtention, à une date postérieure à celle de l'arrêté contesté, d'un contrat d'apprentissage, d'ailleurs sur un emploi de maçon. En outre, M. D..., qui n'a fait état d'aucun lien particulier sur le territoire français, ne justifie pas d'une intégration notable dans la société française, tandis qu'il n'établit pas, par ses seules allégations, qu'il serait, en dépit du décès de son père, en le tenant pour établi, dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident ses frères et sœurs. Dès lors, l'admission exceptionnelle au séjour de M. D... a été sans erreur manifeste d'appréciation regardée par le préfet du Nord comme ne répondant pas à des considérations humanitaires et comme de se justifiant pas au regard de motifs exceptionnels. Par suite, pour refuser, par l'arrêté contesté, de faire droit à la demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. D..., le préfet du Nord n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions. M. D... ne peut utilement se prévaloir, à cet égard, des énonciations de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur, qui, quand bien même elles seraient reprises sur le site internet de la préfecture, ne comportent pas d'orientations qui s'imposeraient à l'autorité préfectorale dans son appréciation des situations des demandeurs à l'admission exceptionnelle au séjour.

En ce qui concerne l'atteinte portée à la vie privée et familiale :

10. Eu égard à ce qui a été dit au point précédent, il ne peut être tenu pour établi que, pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. D..., qui, entré sur le territoire français le 17 mai 2019 selon ses déclarations, est célibataire, sans enfant et qui n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, le préfet du Nord aurait, eu égard à la durée ainsi qu'aux conditions du séjour de l'intéressé, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, ni, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

11. La délégation de signature mentionnée au point 4 habilitait M. F..., signataire de l'arrêté contesté, à l'effet de signer les décisions portant obligation de quitter le territoire français. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision faisant obligation à M. D... de quitter le territoire français manque en fait.

12. Si, en vertu des dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision faisant obligation à un ressortissant étranger de quitter le territoire français doit être motivée, ces dispositions n'imposent pas qu'elle le soit de façon spécifique lorsqu'elle est adossée à un refus de titre de séjour. Or, ainsi qu'il a été dit au point 5, il ressort des motifs de l'arrêté contesté que ceux-ci comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet du Nord s'est fondé pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. D.... La décision de refus de titre de séjour étant suffisamment motivée, la décision portant obligation de quitter le territoire français doit également être tenue comme telle. Il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision faisant obligation à M. D... de quitter le territoire français manque en fait. L'intéressé ne peut, à cet égard, utilement invoquer les dispositions générales de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration en présence d'une disposition particulière, énoncée à l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fondant l'obligation de motivation des décisions portant obligation de quitter le territoire français.

13. Ainsi qu'il a été dit, les moyens dirigés contre la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. D... doivent être écartés. Il en résulte que le moyen tiré de ce que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de ce refus de titre de séjour n'est pas fondé.

14. Pour les motifs énoncés au point 10, la décision par laquelle le préfet du Nord a fait obligation à M. D... de quitter le territoire français ne peut être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, ni, par suite, comme ayant été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision relative au délai de départ volontaire :

15. La délégation de signature mentionnée au point 4 habilitait M. F..., signataire de l'arrêté contesté, à l'effet de signer les décisions relatives au délai de départ volontaire accordé aux ressortissants étrangers faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision refusant d'accorder à M. D... un délai de départ volontaire supérieur à trente jours manque en fait.

16. Il ne ressort pas des pièces du dossier, ni n'est d'ailleurs allégué, que M. D... aurait fait état, auprès des services préfectoraux, de circonstances tirées de sa situation particulière justifiant que le préfet du Nord lui accorde, pour satisfaire volontairement à l'obligation de quitter le territoire français prise à son égard, un délai supérieur au délai de droit commun de trente jours. Par suite, le préfet du Nord n'avait pas à exposer, dans les motifs de son arrêté, les raisons pour lesquelles il décidait d'accorder seulement à l'intéressé ce délai de départ volontaire de trente jours. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision au regard de l'exigence posée par les dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ne peut qu'être écarté.

17. Ainsi qu'il a été dit, les moyens dirigés contre la décision faisant obligation à M. D... de quitter le territoire français doivent être écartés. Il en résulte que le moyen tiré de ce que la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire supérieure à trente jours devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette mesure d'éloignement n'est pas fondé.

Sur la décision fixant le pays de destination :

18. La délégation de signature mentionnée au point 4 habilitait M. F..., signataire de l'arrêté contesté, à l'effet de signer les décisions fixant le pays à destination duquel les ressortissants étrangers faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français pourront être reconduits d'office. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision fixant le pays de destination de l'obligation de quitter le territoire français prise à l'égard de M. D... manque en fait.

19. Il ressort des motifs mêmes de l'arrêté contesté que ceux-ci font état de la nationalité de M. D... et précisent que celui-ci n'a pas établi que sa vie ou sa liberté serait menacée dans son pays d'origine, ni qu'il serait susceptible d'y être exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, et alors que M. D... n'allègue pas avoir fait part au préfet du Nord, dans le cadre de sa demande de titre de séjour, de risques particuliers en cas de retour en Côte d'Ivoire, la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée.

20. Ainsi qu'il a été dit, les moyens dirigés contre la décision faisant obligation à M. D... de quitter le territoire français doivent être écartés. Il en résulte que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette mesure d'éloignement n'est pas fondé.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre l'arrêté du 3 mars 2023 du préfet du Nord en tant qu'il a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Sur l'interdiction de retour :

22. En vertu de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, c'est-à-dire lorsque l'octroi d'un délai de départ volontaire ne lui a pas été refusé ou que l'intéressé ne s'est pas maintenu irrégulièrement sur le territoire français au-delà du délai de départ volontaire qui lui a été accordé, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Le même article L. 612-8 précise, dans sa rédaction applicable au litige, que les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français.

23. Il ressort des motifs mêmes de l'arrêté du 3 mars 2023 contesté que, pour faire interdiction à M. D... de retour sur le territoire français et pour fixer à un an la durée de cette mesure, le préfet du Nord a, conformément aux dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tenu compte de la durée de présence de l'intéressé sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de l'intervention éventuelle de précédentes mesures d'éloignement le concernant et de la menace qu'était susceptible de représenter sa présence pour l'ordre public.

24. Ainsi, le préfet du Nord a relevé que M. D... était entré récemment en France, en mai 2019, selon ses déclarations, qu'il n'avait fait état d'aucune attache privée et familiale sur le territoire français et qu'il n'établissait pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Enfin, le préfet a retenu, en tenant compte de ce que M. D... n'avait pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et de ce que sa présence sur le territoire français ne représentait pas une menace pour l'ordre public, qu'il y avait lieu, dans ces circonstances, de lui faire interdiction de retour sur ce territoire avant l'expiration d'un délai limité à un an.

25. S'il incombait au préfet du Nord, ainsi qu'il a été dit au point 23, en application des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de tenir compte notamment, pour apprécier l'opportunité de prononcer une mesure d'interdiction de retour et pour en déterminer la durée, de ce que M. D... n'avait pas précédemment fait l'objet d'une mesure d'éloignement et de ce que sa présence ne représentait pas une menace pour l'ordre public, ces circonstances ne faisaient, par elles-mêmes, pas légalement obstacle au prononcé de cette interdiction et, même rapprochées des éléments rappelés précédemment, concernant la situation personnelle et familiale de M. D..., ces circonstances ne révèlent pas que, pour prononcer, à l'égard de l'intéressé, une interdiction de retour sur le territoire français en en limitant la durée d'effet à un an, le préfet du Nord aurait commis une erreur d'appréciation pour l'application des dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet du Nord est fondé à soutenir que, pour annuler sa décision faisant interdiction à M. D... de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an, les premiers juges ont retenu à tort ce motif.

26. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige afférent à la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, d'examiner les autres moyens présentés, en première instance comme en appel, par M. D... à l'encontre de cette décision.

27. La délégation de signature mentionnée au point 4 habilitait M. F..., signataire de l'arrêté contesté, à l'effet de signer les décisions d'interdiction de retour sur le territoire français prises en application des dispositions des articles L. 612-6 à L. 612-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision faisant interdiction à M. D... de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an manque en fait.

28. Eu égard à ce que, comme il a été dit aux points 22 et 23, il ressort des motifs mêmes de l'arrêté contesté que, pour prononcer une interdiction de retour à l'égard de M. D... et en fixer la durée, le préfet du Nord s'est prononcé, au regard de la situation particulière de l'intéressé, sur l'ensemble des critères prévus par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.

29. Pour les motifs énoncés aux points 24 et 25, les moyens tirés de ce que, pour prononcer une interdiction de retour à l'égard de M. D... et pour en fixer la durée à un an, le préfet du Nord aurait méconnu dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, compte tenu, en outre, de ce qui a été dit aux points 9 et 10 quant à la situation personnelle et familiale, aurait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont pas fondés.

30. Ainsi qu'il a été dit, les moyens dirigés contre la décision faisant obligation à M. D... de quitter le territoire français doivent être écartés. Il en résulte que le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour avant l'expiration d'un délai d'un mois devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette mesure d'éloignement n'est pas fondé.

31. Il résulte de ce qui précède, aux points 22 à 30, que M. le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé sa décision du 3 mars 2023 faisant interdiction de retour sur le territoire français à M. D... avant l'expiration du délai d'un an.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

32. Par voie de conséquence de l'ensemble de ce qui précède, les conclusions de M. D... tendant à ce que la cour prononce des injonctions sous astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais de procédure :

33. Par voie de conséquence de l'ensemble de ce qui précède, les conclusions que M. D... présente sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2304622 du 10 octobre 2024 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il a prononcé l'annulation de la décision du 3 mars 2023 par laquelle le préfet du Nord a interdit le retour sur le territoire français de M. D... avant l'expiration du délai d'un an.

Article 2 : Les conclusions correspondantes de la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Lille sont, de même que sa requête n°25DA00036, rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., ainsi qu'au ministre de l'intérieur et à Me Dewaele.

Copie en sera transmise au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 20 mars 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : M. A... Le rapporteur,

J.-F. Papin Le président de la formation de jugement,

F.-X. Pin

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La greffière,

E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

Nos24DA02165, 25DA00036 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA02165
Date de la décision : 03/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-03;24da02165 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award