Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Créer Promotion a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2022 par lequel le maire de Sainghin-en-Mélantois a refusé de lui délivrer un permis de construire 29 logements collectifs sur un terrain situé 2111 rue de Lille sur le territoire de la commune, comprenant la démolition d'une maison individuelle et de son annexe.
Par un jugement n°2300325 du 23 mai 2024, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 24 novembre 2022.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2024 et des mémoires de production de pièces enregistrés les 29 et 31 juillet 2024, la commune de Sainghin-en-Mélantois, représentée par Me Eric Forgeois, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de la SAS Créer Promotion ;
3°) de mettre à la charge de la SAS Créer Promotion la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a considéré qu'elle n'avait pas régulièrement justifié, dans le courrier du 25 juillet 2022, des motifs de la modification du délai d'instruction de la demande de permis de construire ; le courrier a pourtant eu pour effet de majorer le délai d'instruction de la demande de permis de construire ;
- c'est à tort que le tribunal a considéré qu'elle n'avait pas régulièrement demandé à la société pétitionnaire une pièce pour compléter l'instruction du dossier dans le courrier du 25 juillet 2022, ce qui avait empêché d'interrompre le délai d'instruction de la demande de permis ; sa demande tendant à obtenir un plan de masse complété du traitement paysager des aires de stationnement était conforme aux dispositions de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme ; le courrier a ainsi eu pour effet d'interrompre le délai d'instruction de la demande de permis de construire ;
- c'est à tort que le tribunal a considéré que la société était titulaire d'un permis de construire tacite né le 29 septembre 2022 et que l'arrêté du 24 novembre 2022 devait s'analyser comme une décision de retrait d'un permis tacite ; la procédure contradictoire préalable prévue par les articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ne s'appliquait pas ;
- aucun des autres moyens développés par la société en première instance n'est fondé : le maire n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en considérant que la défense extérieure du projet contre l'incendie n'était pas assurée dans des conditions satisfaisantes ;
- la commune demande que d'autres motifs soient substitués aux motifs illégaux dès lors qu'elle aurait pris la même décision en se fondant sur les motifs suivants : le projet méconnaît les dispositions de la section II du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) relatif à la zone UVD4.1, les dispositions du Livre I - Dispositions Générales, Titre 1, Chapitre 2, Section VI, II, F. " Stationnement des cycles " du règlement du PLU, les dispositions du Livre I - Dispositions Générales, Titre 1, Chapitre 2, Section III, I. " Espaces libres et plantations " du règlement du PLU, les dispositions de l'Orientation d'Aménagement et de Programmation (OAP) Thématique Hémicycle Val de Marque et les dispositions du Livre I - Dispositions Générales, Titre 3, Section II, III, A. " Des accès carrossables " du règlement du PLU.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2024, la société par actions simplifiée (SAS) Créer promotion, représentée par Me Jean-Baptiste Dubrulle, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la commune de Sainghin-en-Mélantois en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable, faute pour la commune de justifier avoir procédé à la notification de la requête d'appel en application des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme et avoir régulièrement habilité le maire à ester en justice par une délibération du conseil municipal ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Stéphane Eustache, rapporteur public,
- et les observations de Me Eric Forgeois, représentant la commune de Sainghin-en-Mélantois et de Me Alexandre Blanco, représentant la SAS Créer Promotion.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Créer Promotion a déposé le 28 juin 2022 une demande de permis de construire un bâtiment collectif de 29 logements sur une parcelle cadastrée ZH 441 située 2111 rue de Lille dans la commune de Sainghin-en-Mélantois (59262). Par une lettre du 25 juillet 2022, le maire de Sainghin-en-Mélantois a informé la société, d'une part, que son dossier de demande était incomplet, d'autre part, que le délai d'instruction était porté à quatre mois du fait de la situation du projet en zone d'archéologique préventive. Puis, par un arrêté du 24 novembre 2022, il a refusé de lui accorder le permis sollicité. La commune de Sainghin-en-Mélantois interjette appel du jugement n°2300325 du 23 mai 2024 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté .
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptible de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ". Saisi d'un jugement ayant annulé une décision refusant ou retirant une autorisation d'urbanisme, il appartient au juge d'appel, pour confirmer cette annulation, de se prononcer sur les différents motifs d'annulation que les premiers juges ont retenus, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui et d'apprécier si l'un au moins de ces motifs justifie la solution d'annulation.
3. Pour annuler l'arrêté attaqué, le tribunal a considéré qu'il procédait au retrait du permis de construire tacite dont la SAS Créer Promotion bénéficiait depuis le 29 septembre 2022 et que la commune n'avait pas, avant son édiction, respecté la procédure préalable contradictoire, en méconnaissance de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration.
S'agissant de l'intervention d'un permis de construire tacite :
4. D'une part, s'agissant des délais généraux d'instruction d'une demande de permis de construire, aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire (...) sont présentées et instruites dans les conditions et délais fixés par décret en Conseil d'État. / (...) / Aucune prolongation du délai d'instruction n'est possible en dehors des cas et conditions prévus par ce décret. / Pour l'instruction des dossiers d'autorisations (...), le maire (...) peut déléguer sa signature aux agents chargés de l'instruction des demandes. (...) ". Aux termes de l'article R.423-18 du même code : " Le délai d'instruction [des demandes de permis de construire] est déterminé dans les conditions suivantes : / a) Un délai de droit commun est défini par la sous-section 2 ci-dessous [à l'article R. 423-23]. En application de l'article R. 423-4, il est porté à la connaissance du demandeur par le récépissé ; / b) Le délai de droit commun est modifié dans les cas prévus par le paragraphe 1 de la sous-section 3 ci-dessous [aux articles R. 423-24 à R. 423-33]. La modification est notifiée au demandeur dans le mois qui suit le dépôt de la demande ; / c) Le délai fixé en application des a ou b est prolongé dans les cas prévus par le paragraphe 2 de la sous-section 3 ci-dessous [aux articles R. 423-34 à R. 423-37-3], pour prendre en compte des obligations de procédure qui ne peuvent être connues dans le mois qui suit le dépôt de la demande. ". Aux termes de l'article R.423-19 de ce code : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet. ". Aux termes de l'article R. 423-22 de ce code : " (...) le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41 ". Aux termes de l'article R. 423-23 du même code : " Le délai d'instruction de droit commun est de : / (...) / b) Deux mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle, au sens du titre III du livre II du code de la construction et de l'habitation, ou ses annexes ; / c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire (...) ".
5. D'autre part, s'agissant de la notification de la modification des délais d'instruction, aux termes de l'article R. 423-42 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable au litige : " Lorsque le délai d'instruction de droit commun est modifié en application des articles R. 423-24 à R. 423-33, l'autorité compétente indique au demandeur (...), dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie : / a) Le nouveau délai et, le cas échéant, son nouveau point de départ ; / b) Les motifs de la modification de délai ; / c) Lorsque le projet entre dans les cas prévus à l'article R. 424-2, qu'à l'issue du délai, le silence éventuel de l'autorité compétente vaudra refus tacite du permis. (...) ". Aux termes de l'article R. 423-43 du même code : " Les modifications de délai prévues par les articles R. 423-24 à R. 423-33 ne sont applicables que si les notifications prévues par la présente sous-section ont été faites. (...) ".
6. En outre, s'agissant des pièces devant figurer à l'appui d'une demande de permis de construire, aux termes de l'article R. 431-4 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire comprend : /a) Les informations mentionnées aux articles R. 431-5 à R. 431-12 ; /b) Les pièces complémentaires mentionnées aux articles R. 431-13 à R. 431-33-1 ; /c) Les informations prévues aux articles R. 431-34 et R. 431-34-1. /Pour l'application des articles R. 423-19 à R. 423-22, le dossier est réputé complet lorsqu'il comprend les informations mentionnées au a et au b ci-dessus. /Aucune autre information ou pièce ne peut être exigée par l'autorité compétente ". Aux termes de l'article R. 431-7 du même code : " Sont joints à la demande de permis de construire : /a) Un plan permettant de connaître la situation du terrain à l'intérieur de la commune ; /b) Le projet architectural défini par l'article L. 431-2 et comprenant les pièces mentionnées aux articles R. 431-8 à R. 431-12. ". Aux termes de l'article R. 431-8 de ce code : " Le projet architectural comprend une notice précisant : /1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; /2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : /a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; (...) /c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; (...) /e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; /f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement ". Aux termes de l'article R.431-9 de ce code : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. (...). ".
7. Par ailleurs, s'agissant de la demande de pièces manquantes en cas de dossier de demande incomplet, aux termes de l'article R. 423-38 du code de l'urbanisme : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre [livre IV de la partie réglementaire du code relatif au régime applicable aux constructions, aménagements et démolitions], l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l'auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d'avis de réception, indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes ". Aux termes de l'article R. 423-39 du même code : " L'envoi prévu à l'article R. 423-38 précise : / a) Que les pièces manquantes doivent être adressées à la mairie dans le délai de trois mois à compter de sa réception ; / b) Qu'à défaut de production de l'ensemble des pièces manquantes dans ce délai, la demande fera l'objet d'une décision tacite de rejet en cas de demande de permis ou d'une décision tacite d'opposition en cas de déclaration ; / c) Que le délai d'instruction commencera à courir à compter de la réception des pièces manquantes par la mairie. ". Aux termes de l'article R.423-40 de ce code : " Si dans le délai d'un mois mentionné à l'article R. 423-38, une nouvelle demande apparaît nécessaire, elle se substitue à la première et dresse de façon exhaustive la liste des pièces manquantes et fait courir le délai mentionné au a de l'article R. 423-39. ". Aux termes de l'article R.423-41 de ce code : " Une demande de production de pièce manquante notifiée après la fin du délai d'un mois prévu à l'article R.423-38 ou ne portant pas sur l'une des pièces énumérées par le présent code n'a pas pour effet de modifier les délais d'instruction définis aux articles R.423-23 à R.423-37-1 et notifiés dans les conditions prévues par les articles R.423-42 à R.423-49. ".
8. Enfin, s'agissant de la naissance d'un permis tacite, aux termes de l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme : " Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction. / Un décret en Conseil d'Etat précise les cas dans lesquels un permis tacite ne peut être acquis. ". Aux termes de l'article R. 424-1 du même code : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III [du titre II du livre IV de la partie réglementaire du code de l'urbanisme] ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : / (...) / b) Permis de construire (...) tacite ". L'article R. 423-4 de ce code prévoit que : " Le récépissé [de la demande de permis] précise (...) la date à laquelle un permis tacite doit intervenir, en application du premier alinéa de l'article L. 424-2. (...) ", tandis que l'article R. 423-5 de ce même code dispose que : " Le récépissé précise également que l'autorité compétente peut, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier : a) Notifier au demandeur que le dossier est incomplet ; / b) Notifier au demandeur un délai différent de celui qui lui avait été initialement indiqué, lorsque le projet entre dans les cas prévus aux articles R. 423-24 à R. 423-33 ; / Le récépissé indique également que le demandeur sera informé dans le même délai si son projet se trouve dans une des situations énumérées aux articles R. 424-2 et R. 424-3, où un permis tacite ne peut pas être acquis ou ne peut être acquis qu'en l'absence d'opposition ou de prescription de l'architecte des Bâtiments de France. ".
Quant à la demande de pièces complémentaires :
9. Il résulte des dispositions des articles L. 423-1, L. 424-2, R. 423-19, R. 423-22, R.423-38, R. 423-39, R. 423-40, R. 423-41 et R. 424-1 du code de l'urbanisme, citées aux points 4, 7 et 8 que, lorsqu'un dossier de demande de permis de construire est incomplet, l'administration doit inviter le demandeur, dans un délai d'un mois à compter de son dépôt, à compléter sa demande dans un délai de trois mois en lui indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes. Si le demandeur produit, dans ce délai de trois mois à compter de la réception du courrier l'invitant à compléter sa demande, l'ensemble des pièces manquantes répondant aux exigences du livre IV de la partie réglementaire du code de l'urbanisme, le délai d'instruction commence à courir à la date à laquelle l'administration les reçoit et, si aucune décision n'est notifiée à l'issue du délai d'instruction, un permis de construire est tacitement accordé. A l'inverse, si le demandeur ne fait pas parvenir l'ensemble des pièces manquantes répondant aux exigences du livre IV dans le délai de trois mois, une décision tacite de rejet naît à l'expiration de ce délai. Lorsque l'administration estime, au vu des nouvelles pièces ainsi reçues dans ce délai de trois mois, que le dossier reste incomplet, elle peut inviter à nouveau le pétitionnaire à le compléter, cette demande étant toutefois sans incidence sur le cours du délai et la naissance d'une décision tacite de rejet si le pétitionnaire n'a pas régularisé son dossier au terme de ce délai. Enfin, le délai d'instruction n'est ni interrompu, ni modifié par une demande, illégale, tendant à compléter le dossier par une pièce qui n'est pas exigée en application du livre IV de la partie réglementaire du code de l'urbanisme. Dans ce cas, un permis tacite naît à l'expiration du délai d'instruction, sans qu'une telle demande puisse y faire obstacle.
10. Dans sa lettre du 25 juillet 2022, le maire de Sainghin-en-Mélantois a informé la SAS Créer Promotion de l'incomplétude de son dossier de demande de permis de construire compte tenu de l'absence du plan de masse PC2 des constructions à édifier ou à modifier, en méconnaissance de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme, le traitement paysager des aires de stationnement étant à revoir au regard des dispositions générales du livre 1 du plan local d'urbanisme (PLU).
11. S'il résulte des dispositions de l'article R. 431-4 et de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme que le plan de masse fait partie des pièces exigibles pour l'instruction d'une demande de permis de construire, la mention du " traitement paysager des aires de stationnement à revoir (Livre 1 - Dispositions générales du PLU) " ne concerne, en revanche, pas une pièce manquante mais porte une appréciation sur l'adéquation entre le projet et les prévisions du PLU intercommunal de la métropole européenne de Lille (MEL). Si la société pétitionnaire a produit des plans complémentaires le 2 août 2022, rectifiant en particulier la superficie des surfaces éco-aménageables attenantes aux stationnements, force est de constater, que le dossier initialement déposé comportait, d'une part, les plans de masse A01 et A02 qui indiquaient clairement les constructions existantes à démolir, d'autre part, les plans de masse 02 " géomètre existant ", " voies et réseaux divers ", " rez-de-chaussée " et " toitures ", faisant apparaître les constructions à édifier et les plantations maintenues et créées, conformément aux prescriptions de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme.
12. Par suite, la demande de pièce complémentaire n'étant pas justifiée, elle n'a pu retarder le point de départ du délai d'instruction qui a commencé à courir à compter de la demande initiale déposée le 28 juin 2022.
Quant à la modification du délai d'instruction du permis :
13. Il résulte des dispositions des articles L. 423-1, L. 424-2, R. 423-18, R. 423-4, R. 423-5, R. 423-42, R. 423-43 et R. 424-1 du code de l'urbanisme, citées aux points 4, 5 et 8, qu'à l'expiration du délai d'instruction tel qu'il résulte de l'application des dispositions du chapitre III du titre II du livre IV du code de l'urbanisme relatives, notamment, à l'instruction des demandes de permis de construire ou de démolir, naît un permis tacite. Une modification du délai d'instruction notifiée après l'expiration du délai d'un mois prévu à l'article R. 423-18 de ce code ou qui, bien que notifiée dans ce délai, ne serait pas motivée par l'une des hypothèses de majoration prévues aux articles R. 423-24 à R. 423-33 du même code, n'a pas pour effet de modifier le délai d'instruction de droit commun à l'issue duquel naît un permis tacite. S'il appartient à l'autorité compétente, le cas échéant, d'établir qu'elle a procédé à la consultation ou mis en œuvre la procédure ayant motivé la prolongation du délai d'instruction, le bien-fondé de cette prolongation est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Il résulte des dispositions de l'article R. 423-42 du code de l'urbanisme citées au point 5 que le demandeur d'un permis de construire dont le délai d'instruction est modifié doit être informé que sa demande fait l'objet d'un délai d'instruction modifié ainsi que des motifs de cette modification du délai d'instruction.
14. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la lettre du 25 juillet 2022 informant la société pétitionnaire, outre de l'incomplétude de son dossier, de la majoration du délai d'instruction de sa demande a été portée à sa connaissance le même jour, par un courriel adressé par le service instructeur de Lesquin l'invitant à trouver ce courrier sur le guichet numérique à partir duquel elle avait effectué sa demande de permis. La SAS Créer Promotion ne conteste pas que cette lettre lui a été notifiée dans le délai d'un mois suivant le dépôt de sa demande, le 28 juin 2022, et ne peut utilement critiquer les modalités de sa notification.
15. En deuxième lieu, la lettre du 25 juillet 2022 indique que le délai d'instruction de la demande est modifié " conformément aux dispositions du code de l'urbanisme " et porté de trois à quatre mois, car son " projet [est] situé dans une zone d'archéologie préventive " et nécessite, de ce fait, la consultation, notamment, de la direction des affaires culturelles des Hauts-de-France. Certes, la lettre ne cite aucune disposition précise servant de fondement légal à la prolongation du délai d'instruction. Cependant, la décision majorant le délai d'instruction n'étant pas une décision faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, elle n'est pas soumise à l'obligation de " comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait " posée par l'article L.2115 du code des relations entre le public et l'administration mais seulement à celle instituée par l'article R. 423-42 du code de l'urbanisme de mentionner " les motifs de la modification de délai " sans autre précision. Or, la lettre du 25 juillet 2022 indique de manière suffisamment précise le motif qui la fonde. Elle doit ainsi être regardée comme régulièrement motivée.
16. En troisième lieu, la commune ne justifie certes pas que la délégation accordée par un arrêté du 3 juillet 2015 du premier adjoint au maire à la signataire de la lettre du 25 juillet 2022 était toujours en vigueur à la date de son édiction. Cependant, la décision relative au permis de construire ne trouve pas sa base légale dans cette lettre et n'a pas été prise pour son application. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette lettre est inopérant.
17. Il suit de là que la lettre du 25 juillet 2022 a eu pour effet de modifier le délai d'instruction de droit commun de la demande de permis de construire de la SAS Créer Promotion, qui a été régulièrement porté à quatre mois. Ayant commencé à courir à dater du 28 juin 2022, ce délai a expiré le 28 octobre 2022, de sorte que la société s'est retrouvée bénéficiaire d'un permis tacite le 29 octobre 2022.
S'agissant du retrait du permis de construire tacite :
18. Aux termes de l'article L. 240-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Au sens du présent titre, on entend par : / 1° Abrogation d'un acte : sa disparition juridique pour l'avenir ; / 2° Retrait d'un acte : sa disparition juridique pour l'avenir comme pour le passé ". Aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : " (...) le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire (...) ".
19. Si l'arrêté du 24 novembre 2022 se présente formellement comme un refus du permis de construire, il doit s'analyser comme le retrait d'un permis tacite obtenu par la SAS Créer Promotion. Ce retrait est intervenu dans le délai de trois mois, conformément aux dispositions de l'article L.424-5 rappelées au point précédent.
S'agissant de la méconnaissance de la procédure préalable contradictoire :
20. Aux termes de l'article L .211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. /A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; (...) ". Aux termes de l'article L. 121-1 du même code : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 122-1 de ce code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) ".
21. La décision portant retrait d'un permis de construire est au nombre de celles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Elle doit, par suite, être précédée d'une procédure contradictoire, permettant au titulaire du permis de construire d'être informé de la mesure qu'il est envisagé de prendre, ainsi que des motifs sur lesquels elle se fonde, et de bénéficier d'un délai suffisant pour présenter ses observations. Les dispositions précitées font également obligation à l'autorité administrative de faire droit, en principe, aux demandes d'audition formées par les personnes intéressées en vue de présenter des observations orales, alors même qu'elles auraient déjà présenté des observations écrites. Ce n'est que dans le cas où une telle demande revêtirait un caractère abusif qu'elle peut être écartée.
22. Le respect du caractère contradictoire de la procédure prévue par les articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration constitue une garantie pour le titulaire du permis de construire que l'autorité administrative entend rapporter. Eu égard à la nature et aux effets d'un tel retrait, le délai de trois mois, prévu par l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme oblige l'autorité administrative à mettre en œuvre la procédure contradictoire préalable à cette décision de retrait de manière à éviter que le bénéficiaire du permis ne soit privé de cette garantie.
23. Il n'est pas établi ni même allégué et il ne ressort pas des pièces du dossier que la société pétitionnaire aurait été informée de l'intention de la commune de Sainghin-en-Mélantois de retirer son permis tacite et aurait été mise à même de présenter ses observations sur les motifs susceptibles de fonder ce retrait. Une telle irrégularité dans la procédure a, dans les circonstances de l'espèce, privé la SAS Créer Promotion de la garantie prévue par les articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du non-respect de la procédure contradictoire préalable est fondé et de nature à justifier l'annulation de l'arrêté du 24 novembre 2022.
24. L'arrêté du 24 novembre 2022 étant entaché d'un vice de procédure, la commune de Sainghin-en-Mélantois ne peut utilement faire valoir que sa décision de retrait est fondée sur le non-respect par le projet des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, comme indiqué dans son arrêté, et sur sa méconnaissance des dispositions de la section II du règlement de la zone UVD4.1 relatives à l'alignement et les dispositions générales du livre 1 relatives au stationnement des cycles, aux espaces libres et plantations et aux accès carrossables du règlement du PLUi de la MEL ainsi que de l'orientation d'aménagement et de programmation thématique Hémicycle Val de Marque, motifs qu'elle demande à la cour de substituer au motif contenu dans son arrêté.
25. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non -recevoir opposée par la SAS Créer Promotion, que la commune de Sainghin-en-Mélantois n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 23 mai 2024, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 24 novembre 2022, a mis à sa charge le versement à la SAS Créer Promotion de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté ses conclusions présentées sur le même fondement.
Sur les frais liés au litige :
26. Partie perdante dans la présente instance, la commune de Sainghin-en-Mélantois ne saurait voir accueillies ses conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
27. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Sainghin-en-Mélantois une somme de 2 000 euros à verser à la SAS Créer Promotion sur ce même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Sainghin-en-Mélantois est rejetée.
Article 2 : La commune de Sainghin-en-Mélantois versera à la SAS Créer Promotion une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Sainghin-en-Mélantois et à la SAS Créer Promotion.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord
Délibéré après l'audience publique du 27 mars 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Vincent Thulard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 avril 2025.
La présidente-rapporteure,
Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Nathalie Roméro
N°24DA01378 2