Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens :
- d'annuler la décision du 20 novembre 2020 par laquelle le président de la communauté de communes de la Plaine d'Estrées (CCPE) a rejeté leur demande d'abrogation partielle du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Chevrières, approuvé le 13 décembre 2017, en tant que l'orientation d'aménagement et de programmation (OAP) " La rue Fouquet " ne comprend pas la parcelle cadastrée n°153 dont ils sont propriétaires ;
- d'enjoindre à la CCPE d'engager la procédure de modification du PLU de la commune de Chevrières ;
- de mettre à la charge de la CCPE la somme de 1 600 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 21000174 du 7 février 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande et mis à leur charge le versement à la CCPE de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 avril 2023, M. et Mme C..., représentés par Me Pierre-Edouard Szymanski, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 20 novembre 2020 ;
3°) d'enjoindre à la CCPE d'engager la procédure de modification du PLU de la commune de Chevrières ;
4°) de mettre à la charge de la CCPE la somme de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les premiers juges ont commis une erreur de droit ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle est entachée d'un détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2024, la CCPE, représentée par Me Arnaud Andrieu, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme C... au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 29 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Stéphane Eustache, rapporteur public,
- et les observations de Me Arnaud Andrieu, représentant la CCPE.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C... sont propriétaires de la parcelle cadastrée AA 153, située rue du Fouquet sur le territoire de la commune de Chevrières (60710). Par une délibération du 13 décembre 2017, la commune a approuvé le plan local d'urbanisme (PLU) révisé. Celui-ci comprend notamment une orientation d'aménagement et de programmation (OAP) rue de Beauvais (au lieu-dit " la rue Fouquet "). Cette OAP couvre l'entièreté de la parcelle AA 150 et une partie de la parcelle AA 151, restées libres de construction au sein de la trame urbaine déjà constituée du bourg, et prévoit la création de 6 à 10 logements afin de répondre aux objectifs chiffrés du plan d'aménagement et de développement durables (PADD). A compter du 1er janvier 2019, la communauté de communes de la plaine d'Estrées (CCPE) est devenue compétente en matière d'élaboration des PLU et documents d'urbanisme de ses communes membres, dont la commune de Chevrières. Par un courrier du 13 octobre 2020 reçu le 15 octobre 2020, M. et Mme C... ont demandé au président de la CCPE l'abrogation partielle du PLU de Chevrières en tant qu'il n'intègre pas leur parcelle AA 153 à cette OAP. Leur demande ayant été rejetée par une décision du 20 novembre 2020, M. et Mme C... ont saisi le tribunal administratif d'Amiens aux fins d'obtenir l'annulation de cette décision. Par la présente requête, ils interjettent appel du jugement du 7 février 2023, par lequel le tribunal a rejeté leur demande et a mis à leur charge le versement à la CCPE de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la régularité du jugement :
2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.
3. Le moyen de M. et Mme C... tiré de ce que les premiers juges ont entaché leur décision d'erreur de droit ne ressortit pas à la régularité du jugement mais à son bien-fondé. Il appartient donc à la cour de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision du 20 novembre 2020 dans le cadre de l'examen du bien-fondé du jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé. / L'administration est tenue d'abroger expressément un acte non réglementaire non créateur de droits devenu illégal ou sans objet en raison de circonstances de droit ou de fait postérieures à son édiction, sauf à ce que l'illégalité ait cessé ".
5. D'une part, lorsqu'il est saisi de conclusions aux fins d'annulation du refus d'abroger un acte réglementaire, le juge de l'excès de pouvoir est conduit à apprécier la légalité de l'acte réglementaire dont l'abrogation a été demandée au regard des règles applicables à la date de sa décision. Cette règle trouve notamment à s'appliquer à la décision par laquelle le maire d'une commune refuse de convoquer le conseil municipal afin que puissent être abrogées, conformément à l'article L. 243-2 précité, les dispositions réglementaires de son plan local d'urbanisme qui sont entachées d'illégalité.
6. Si, dans le cadre de la contestation d'un acte réglementaire intervenant après l'expiration du délai de recours contentieux contre cet acte, par la voie de l'exception ou sous la forme d'un recours pour excès de pouvoir contre le refus de l'abroger, la légalité des règles qu'il fixe, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux.
7. Dès lors qu'il résulte de ses termes mêmes que les règles qu'il fixe s'appliquent aux moyens soulevés par voie d'exception, et non pas aux moyens dirigés contre un refus d'abrogation, l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme, qui prévoit que certains vices de procédure peuvent être soulevés contre un PLU sans condition de délai, ne fait pas obstacle à l'application des principes rappelés au point précédent.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation :
8. Aux termes de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme applicable à la date du présent arrêt : " Les orientations d'aménagement et de programmation comprennent, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, des dispositions portant sur l'aménagement, l'habitat, les transports, les déplacements (...) ". Aux termes de l'article UA 6 (" implantation par rapport aux voies et emprises publiques ") du règlement du PLU de la commune de Chevrières : " (...) Dans tous les cas, toute construction nouvelle à usage d'habitation, de bureaux, de services, ne peut être implantée à plus de 25 mètres de profondeur mesurés à partir de l'alignement sur la voie publique qui dessert le terrain. / - Cette disposition ne s'applique pas : / * dans les emprises soumises aux OAP (...) ".
9. Il ressort du PADD que la population de la commune de Chevrières a augmenté de près de 50 % au cours des quarante dernières années et que " le stock de logements vacants et de résidences secondaires est quasiment épuisé et n'offre dorénavant guère de possibilités de création de résidences principales ". S'inscrivant dans une démarche de développement durable et de modération de la consommation d'espaces agricoles ou naturels à des fins urbaines, il promeut la création de logements dans la trame urbaine déjà constituée par l'augmentation de la densité moyenne du bâti et la limitation corrélative de l'urbanisation en épaisseur des terrains déjà construits afin de préserver les surfaces perméables nécessaires à la bonne régulation des eaux de ruissellement et de maintenir des espaces de transition avec le secteur agricole ou les espaces naturels.
10. Il ressort du rapport de présentation du PLU que, sur la base d'un taux d'évolution annuel moyen de la population de la commune de Chevrières de 0,75 %, conforme au schéma de cohérence territoriale, les auteurs du PLU ont considéré, d'une part, que la trame urbaine déjà constituée était susceptible d'accueillir 90 logements par le remplissage des dents creuses, la transformation de résidences secondaires et logements vacants en résidences principales, la division et la mutation du bâti existant et les deux opérations engagées (cœur de bourg, rue du Fayel), d'autre part, qu'une vingtaine de nouveaux logements étaient à réaliser sur des terrains à rendre urbanisables pour moins de 1,2 hectare. Dans ce cadre, deux emprises présentant un caractère immédiatement constructible ont été identifiées, la première située au lieu-dit " La rue Fouquet " d'une surface de 0,4 hectare environ, la seconde située impasse Meurinne d'une surface de 0,3 hectare.
11. Il ressort de la notice explicative de l'OAP rue de Beauvais (au lieu-dit " La rue Fouquet ") qu'elle couvre une emprise, comprenant l'intégralité de la parcelle AA 150 et une partie de la parcelle AA 151, demeurée libre de construction au sein de la trame urbaine déjà constituée du bourg. Elle prévoit la réalisation de 6 à 10 logements selon une architecture homogène, de manière à intégrer les nouvelles constructions aux habitations existantes le long de la rue de Beauvais, avec la réalisation en limite nord de l'emprise, sur une partie de la parcelle AA 151, d'une frange végétale avec gestion des eaux de ruissellement, afin de faciliter l'insertion paysagère du bâti réalisé et de créer un espace de transition avec les terres agricoles voisines. Elle répond ainsi à l'objectif défini dans le PADD et le rapport de présentation du PLU d'exploiter et d'optimiser des parcelles vides de construction, entourées de parcelles bâties, desservies par des équipements publics et réseaux.
12. Il ressort des pièces du dossier que les deux parcelles AA 150 et AA 151 couvertes par l'OAP, classées en zone UA et représentant une superficie de 3960 m2, répondent aux objectifs poursuivis par le PADD de créer des logements en densifiant des parcelles vierges de toute construction mais déjà constructibles. Si les appelants soutiennent que leur parcelle AA 153 aurait dû être intégrée dans le périmètre de cette OAP, ils n'allèguent pas que la superficie des deux parcelles couvertes par l'OAP ne serait pas suffisante pour permettre la réalisation de l'opération de construction de logements prévue.
13. Au surplus, il ressort des plans et documents joints que la configuration de leur parcelle, étroite et en longueur, sa superficie de seulement 821 m2 ainsi que sa construction déjà avérée en premier rang et projetée en second rang par rapport à l'alignement ne la prédisposaient pas à accueillir l'opération d'aménagement envisagée. Il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier, d'une part, que, dans leur courrier du 3 novembre 2017 au commissaire-enquêteur, M. et Mme C... n'ont pas sollicité l'inclusion de leur parcelle dans l'OAP mais l'extension à leur profit de la possibilité de construire au-delà des 25 mètres de l'alignement prévue pour les seules parcelles couvertes par l'OAP. Enfin, ils n'ont pas contesté la délibération du 13 décembre 2017 par laquelle la commune a approuvé son PLU lorsqu'elle a été adoptée, alors que leur demande d'abrogation ne se fonde sur aucun changement de circonstances de fait et de droit. A cet égard, il ressort des pièces du dossier que les appelants ne se sont pas privés de la faculté, permise pas le classement de leur parcelle en zone UA, de solliciter des autorisations successives de construire sur celle-ci et y ont d'ailleurs édifié deux constructions indépendantes. La réalisation de ces constructions fait, en tout état de cause, obstacle à ce que leur parcelle puisse être rattachée à une OAP qui prévoit une opération globale de construction de logements.
14. Par suite, M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ou méconnaîtrait le principe d'égalité de traitement.
En ce qui concerne le moyen tiré du détournement de pouvoir :
15. M. et Mme C... soutiennent que le périmètre de l'OAP a été délimité dans l'intérêt privé d'un membre du conseil municipal, propriétaire des parcelles AA 150 et AA 151.
16. Toutefois, à supposer même que l'intégration des parcelles AA 150 et AA 151 dans le périmètre de l'OAP réponde à l'intérêt privé d'un élu, cette décision, qui, tout en augmentant la constructibilité de ses parcelles, leur impose des contraintes d'aménagement global, est conforme, ainsi qu'il a été dit précédemment, aux orientations et aux prescriptions d'intérêt général de l'OAP. Dès lors que le périmètre retenu n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation et ne méconnaît pas le principe d'égalité de traitement, le moyen tiré d'un détournement de pouvoir doit être écarté.
17. Au surplus, les appelants font valoir que l'élu ne s'est pas déporté mais était présent, ainsi qu'en attestent les comptes-rendus joints au dossier, à quinze réunions d'élaboration du projet de révision du PLU qui se sont tenues entre le 18 février 2015 et le 2 mars 2018 et a pu en profiter pour exprimer son inquiétude que la révision du PLU aboutisse à empêcher la constructibilité en profondeur des parcelles, au-delà de l'alignement. Toutefois, un tel vice de procédure n'est pas invocable à l'appui d'une demande d'abrogation du PLU et ne pouvait l'être que dans le cadre d'un recours direct contre la délibération du 13 décembre 2017 par laquelle le conseil municipal de Chevrières a approuvé son PLU.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 7 février 2023, le tribunal administratif d'Amiens a, d'une part, rejeté leur demande d'annulation de la décision du 20 novembre 2020 par laquelle le président de la CCPE a rejeté leur demande d'abrogation partielle du PLU de Chevrières et, d'autre part, mis à leur charge le versement à la communauté de communes de la Plaine d'Estrées de la somme de 1 500 euros au titre des frais de première instance.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
19. Compte tenu du rejet des conclusions à fin d'annulation présentées par M. et Mme C..., leurs conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance d'appel :
20. Parties perdantes à la présente instance, M. et Mme C... ne peuvent voir accueillies leurs conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
21. Il y a, en revanche, lieu de mettre à leur charge la somme de 2 000 euros à verser à la communauté de communes de la Plaine d'Estrées sur ce même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme C... verseront à la communauté de communes de la Plaine d'Estrées une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... et M. A... C... et à la communauté de communes de la Plaine d'Estrées.
Copie en sera transmise pour information à la commune de Chevrières.
Délibéré après l'audience publique du 30 avril 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Damien Vérisson, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2025.
La présidente-rapporteure,
Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au préfet de l'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Nathalie Roméro
N°23DA00600 2