Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... F... A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille :
- d'annuler l'arrêté du 16 mars 2023 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit tout retour sur le territoire national pendant une durée d'un an ;
- d'enjoindre, sous astreinte, au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa demande ;
- de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Lefebvre, avocat de Mme A... B..., de la somme de 2 000 euros, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2306909 du 3 avril 2024, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 16 mars 2023 par laquelle le préfet du Nord a interdit à Mme A... B... tout retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 avril 2024, le préfet du Nord demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il annule la décision du 16 mars 2023 faisant interdiction à Mme A... B... de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... B... devant le tribunal administratif à l'encontre de cette décision.
Il soutient qu'il n'a pas méconnu les dispositions des articles L.612-8 et L.612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prononçant une interdiction de retour d'une durée d'un an à l'encontre de Mme A... B....
La procédure a été communiquée, le 26 avril 2024, à Mme A... B... qui n'a pas produit de mémoire.
Par une ordonnance du 6 février 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 février 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Legrand, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante tchadienne née le 7 juin 1996 à Ndjamena (Tchad), est entrée sur le territoire français le 22 septembre 2021, sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant ", valable du 24 août 2021 au 24 août 2022. Elle a présenté le 23 août 2022 une demande tendant au renouvellement de ce titre de séjour. Par un arrêté du 16 mars 2023, le préfet du Nord a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Saisi par Mme A... B..., le tribunal administratif de Lille a annulé la décision portant interdiction de retour et a rejeté le surplus de ses conclusions. Par la présente requête, le préfet du Nord interjette appel de ce jugement en tant qu'il a annulé la décision portant interdiction de retour.
Sur le moyen accueilli par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".
3. Si Mme A... B... est arrivée en France le 22 septembre 2021, elle n'établit pas avoir noué des relations privées ou sociales, ni avoir fait la preuve d'une particulière intégration dans la société française. Ses allégations selon lesquelles résident en France son frère étudiant à Bordeaux, son compagnon avec qui elle serait mariée religieusement et des membres de sa famille en région parisienne ne sont pas corroborées par la moindre justification probante. Dans ces conditions, bien que l'intéressée n'ait pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et ne représente pas une menace pour l'ordre public, le préfet du Nord n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées, compte tenu du peu de consistance des liens de l'intéressée avec la France, en lui interdisant d'y retourner pendant une durée d'un an.
4. Par suite, le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des articles L.612-8 et L.612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il appartient, toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués en première instance par Mme A... B..., qui n'a pas produit de mémoire en appel, à l'encontre de la décision portant interdiction de retour en France.
Sur les autres moyens invoqués par Mme A... B... :
6. En premier lieu, par un arrêté du 15 février 2023, publié le même jour au recueil spécial n°042 des actes administratifs de l'Etat dans le département du Nord, le préfet du Nord a donné délégation à M. D... E..., adjoint à la cheffe du bureau du contentieux et du droit des étrangers, signataire de l'arrêté du 16 mars 2023, à l'effet de signer, notamment, les décisions d'interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté.
7. En second lieu, par le jugement attaqué du 3 avril 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, sans que Mme A... B... ne forme d'appel principal ou incident à l'encontre de cette partie du jugement, qui est donc devenue définitive. Dès lors, l'intéressée n'est pas fondée à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour en France pendant une durée d'un an.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé sa décision du 16 mars 2023 portant interdiction de retour sur le territoire français de Mme A... B... pendant une durée d'un an.
DECIDE:
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 2306909 du 3 avril 2024 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par Mme A... B... devant le tribunal administratif de Lille sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A... B....
Copie en sera transmise, pour information, au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 30 avril 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Damien Vérisson, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2025.
La présidente-rapporteure,
Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Nathalie Roméro
N°23DA00683 2