Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille :
1°) d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2023 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé son pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an ;
2°) d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n°2307173 du 24 avril 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 27 septembre 2024 et le 28 février 2025, M. A... C..., représenté par Me Naudin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 24 avril 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2023 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé son pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :
- il est insuffisamment motivé.
En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement de certificat de résidence :
- elle est entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle retient qu'un traitement approprié à son état de santé est effectivement disponible en Algérie et méconnaît par suite les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien modifié ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle par le préfet du Nord au regard de son pouvoir de régularisation.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale dès lors qu'elle fixe l'Algérie comme son pays de destination alors qu'un traitement approprié à son état de santé n'y est pas effectivement disponible.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an :
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2025, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai a accordé à M. A... C... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 août 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Thulard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... C..., ressortissant algérien né le 23 mai 1965 à Azzaba (Algérie), est entré régulièrement en France le 15 novembre 2015. Il a obtenu la délivrance d'un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " en raison de son état de santé le 17 mai 2017. Ce titre lui a ensuite été régulièrement renouvelé jusqu'au 21 juillet 2022. Il en a sollicité le renouvellement le 31 mai 2022. Par un arrêté du 4 juillet 2023, le préfet du Nord a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé son pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... C... a demandé l'annulation de cet arrêté au tribunal administratif de Lille qui, par un jugement du 24 avril 2024, a rejeté sa demande. M. A... C... interjette appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le moyen commun aux décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination et tiré de leur insuffisante motivation :
2. L'arrêté contesté comporte l'exposé des considérations de droit et de fait sur lesquelles s'est fondé le préfet du Nord pour rejeter la demande de certificat de résidence de M. A... C..., l'obliger à quitter le territoire français sans délai, fixer son pays de destination et lui interdire de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an. En particulier, le préfet pouvait évoquer la condamnation pénale dont l'intéressé avait fait l'objet afin d'examiner son droit au séjour sur le fondement de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien modifié sans justifier explicitement les raisons pour lesquelles il n'en avait pas tenu compte à l'occasion de ses décisions précédentes portant renouvellement de certificat de résidence. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation des décisions contestées doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement de certificat de résidence :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. ".
4. En l'espèce, par un avis du 5 janvier 2023, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que si l'état de santé de M. A... C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et pouvait voyager sans risque vers ce dernier.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'appelant souffre de troubles psychiatriques se traduisant par des dépressions récurrentes associées à des idées suicidaires et à des hallucinations auditives. Il bénéficie d'un suivi en centre médico-psychologique (CMP) et d'un traitement médicamenteux associant plusieurs spécialités, dont le Tercian et le Zopiclone. M. A... C... n'a apporté aucun élément relativement à l'indisponibilité en Algérie des consultations en psychiatrie que son état de santé nécessite, alors même que, dans le rapport destiné au collège médical de l'OFII en date du 20 décembre 2022, il est noté par le médecin rapporteur de l'Office que l'intéressé avait été suivi en hôpital psychiatrique dans son pays d'origine. Par ailleurs, alors que les soins dans le pays d'origine de M. A... C... n'ont pas à être équivalents à ceux offerts en France ou en Europe, ce dernier n'a pas démontré ni même allégué que les principes actifs des médicaments Tercian et Zopiclone, qu'il n'a pas même identifiés dans ses écritures, seraient indisponibles en Algérie ni qu'ils seraient indispensables à la stabilisation de son état de santé ou, enfin, qu'ils ne seraient pas substituables par d'autres molécules disponibles dans son pays d'origine. Les éléments qu'il a fournis, qui se limitent à des attestations de pharmaciens algériens sur l'indisponibilité en officine du Tercian et du Zopiclone, à une attestation peu détaillée d'un médecin algérien et à l'attestation d'un psychiatre français postérieure à la décision attaquée et qui se contente d'énoncer que " l'offre de soins décrites dans son pays d'origine, l'Algérie, laisse à penser qu'il ne pourrait pas y bénéficier d'un traitement approprié ", sont insuffisants pour contredire l'avis du collège médical de l'OFII sur la disponibilité effective d'un traitement approprié à l'état de santé de M. A... C... en Algérie. Enfin, ce dernier n'apporte aucun élément circonstancié pour remettre en cause l'appréciation de cet avis selon laquelle il peut voyager sans risque vers son pays d'origine.
6. Par conséquent, en l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord aurait commis une erreur de fait en retenant dans son arrêté qu'un traitement approprié à l'état de santé de M. A... C... était effectivement disponible en Algérie, ni, par suite, qu'il aurait méconnu les dispositions précitées du 7°) de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié en refusant de renouveler à l'appelant son certificat de résidence.
7. En second lieu, M. A... C... est entré pour la première fois en France à l'âge de 50 ans. Il n'est pas dépourvu de liens familiaux en Algérie, pays dans lequel résident son épouse, sa fille mineure, sa mère et un de ses frères. Il ne se prévaut d'aucune insertion sociale ou professionnelle sur le territoire français, alors qu'il est constant qu'il a été condamné pour vol en 2017 et qu'il résidait sur le territoire national depuis près de huit ans à la date de la décision contestée. Dans ces conditions et alors que, ainsi qu'il vient d'être dit, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé en Algérie et peut s'y rendre sans risque, il n'est pas fondé à soutenir que la décision refusant de lui renouveler son certificat de résidence serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation au regard du pouvoir de régularisation du préfet.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Au regard des conditions du séjour en France de M. A... C... telles que rappelées au point 7 et de la possibilité pour ce dernier de bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé en Algérie, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision d'éloignement sur la situation personnelle de l'appelant.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
9. Compte tenu de ce qui a été dit au point 5 du présent arrêt, M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que la décision du préfet du Nord fixant comme pays de destination l'Algérie serait illégale en ce qu'il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an :
10. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de son article L. 612-10 : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".
11. En l'espèce, il est constant que M. A... C... n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement. S'il a été condamné pour vol en 2017, cette circonstance est trop ancienne en l'absence de toute réitération pour retenir que sa présence en France constituerait une menace pour l'ordre public à la date du 4 juillet 2023, ce qu'a au demeurant admis le préfet du Nord dans son arrêté litigieux. L'intéressé demeurait enfin sur le territoire national depuis près de huit ans à la date de la décision contestée et y était en situation régulière depuis plus de six ans. Dans ces conditions, quand bien même M. A... C... ne prouve pas être intégré professionnellement ou socialement en France et dispose en Algérie de sa femme et de sa fille mineure, il est fondé à soutenir que le préfet du Nord a commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui interdisant de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an.
12. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête dirigé contre cette décision et tiré de son insuffisante motivation, que M. A... C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation de la décision du préfet du Nord lui interdisant de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
13. Eu égard à l'étendue de l'annulation qu'il prononce, le présent arrêt n'implique pas d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à un nouvel examen de la situation de M. A... C... au regard de son droit au séjour ni de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent par suite être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par M. A... C... soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie principalement perdante dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 4 juillet 2023 par laquelle le préfet du Nord a interdit à M. A... C... de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an est annulée.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 24 avril 2024 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... C... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... C..., Me Naudin et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Vincent Thulard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2025.
Le rapporteur,
Signé : V. Thulard
La présidente de la 1ère chambre
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : S. Pinto Carvalho
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Suzanne Pinto Carvalho
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N°24DA01997