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11/06/2025 | FRANCE | N°24DA02283

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 11 juin 2025, 24DA02283


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen :



1°) d'annuler l'arrêté du 26 avril 2024 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé son pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an ;



2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui déliv

rer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreint...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen :

1°) d'annuler l'arrêté du 26 avril 2024 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé son pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder dans le même délai au réexamen de sa situation et lui délivrer sous huit jours une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte de cent euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°2401976 du 24 octobre 2024, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 novembre 2024, M. B..., représenté par Me Kengne, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 octobre 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 avril 2024 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé son pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder dans le même délai au réexamen de sa situation et lui délivrer sous huit jours une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a commis des erreurs de droit en conditionnant la délivrance d'un titre de séjour à l'exécution préalable de précédentes décisions d'éloignement et en considérant que la cellule familiale de M. A... pouvait se reconstituer au Sénégal.

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît manifestement les dispositions de son article L. 435-1 ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation par le préfet au regard de son pouvoir de régularisation.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale dès lors qu'il devait se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an :

- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2025, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant,

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires signé à Dakar le 23 septembre 2006 et l'avenant à cet accord, signé le 25 février 2008,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Thulard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., ressortissant sénégalais né le 8 juin 1980, a sollicité du préfet de la Seine-Maritime le 20 février 2023 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 26 avril 2024, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sous trente jours, a fixé son pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an. M. B... a demandé l'annulation de cet arrêté au tribunal administratif de Rouen qui, par un jugement du 24 octobre 2024, a rejeté sa demande. M. B... interjette appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. ".

3. Pour l'application de ces dispositions relatives à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire", un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. B... séjourne en France depuis 2011, soit environ 13 ans à la date de la décision de refus de titre de séjour contestée. Il justifie par ailleurs travailler de manière quasi-continue par la production de bulletins de salaire depuis novembre 2016, soit environ sept ans et demi à la date de la décision attaquée, et disposer du fait de son activité professionnelle de revenus substantiels de nature à subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille depuis 2018. Il a connu une évolution professionnelle dans le domaine du bâtiment et des travaux publics, en travaillant d'abord comme manœuvre puis à compter de juin 2021 en qualité de technicien, ainsi que l'établissent ses bulletins de salaire. A la date de la décision attaquée, il disposait en outre d'un contrat de travail à durée indéterminée conclu avec une entreprise de ce secteur comme conducteur d'engins de terrassement. Enfin, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la commission du titre de séjour a donné un avis favorable à sa régularisation le 21 mars 2024.

5. Dans les conditions très particulières de l'espèce, au regard de l'ancienneté de son séjour en France, ainsi que de son expérience et de son évolution professionnelle particulièrement notables, M. B... est fondé à soutenir que préfet de la Seine-Maritime a manifestement méconnu les dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de l'admettre exceptionnellement au séjour en qualité de salarié.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

7. Eu égard au motif qui le fonde, le présent arrêt implique nécessairement d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " salarié " dans un délai de deux mois à compter de sa notification et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours. Il n'y a pas lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de l'instance :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 24 octobre 2024 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 26 avril 2024 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté la demande de titre de séjour de M. B..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé son pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Maritime de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " salarié " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours.

Article 4 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au préfet de la Seine-Maritime et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Vincent Thulard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2025.

Le rapporteur,

Signé : V. Thulard

La présidente de la 1ère chambre

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : S. Pinto Carvalho

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Suzanne Pinto Carvalho

2

N°24DA02283


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24DA02283
Date de la décision : 11/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Vincent Thulard
Rapporteur public ?: M. Eustache
Avocat(s) : KENGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-11;24da02283 ?
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