Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 22 août 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle doit être éloignée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un mois.
Par un jugement n° 2304658 du 23 mai 2024, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 août 2024, Mme A..., représentée par Me Mahieu, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime en date du 22 août 2023 ;
3°) d'enjoindre à ce préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de procéder à un réexamen de sa situation en lui remettant dans l'attente, dans un délai de huit jours et sous la même astreinte, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros hors taxe au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur de droit pour procéder d'un défaut d'examen personnalisé ;
- elle méconnaît les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour sur laquelle elle est fondée ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle est fondée ;
- elle méconnaît les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un mois est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle est fondée ;
- elle méconnaît les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2024, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête de Mme A....
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 juillet 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Toutias, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., née le 29 novembre 1982, de nationalité arménienne, est entrée irrégulièrement en France le 21 mars 2014 aux fins d'y solliciter l'asile. Sa demande en ce sens a été successivement rejetée par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 11 août 2015 et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 26 avril 2016. Le 7 octobre 2015, elle a fait l'objet d'un arrêté du préfet de la Seine-Maritime portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, confirmé par un jugement n° 1600760 du 24 mai 2016 du tribunal administratif de Rouen. Le 16 avril 2018, elle a déposé une demande d'admission au séjour qui a fait l'objet d'une décision de classement sans suite. Le 14 avril 2023, elle a réitéré sa demande. Par un arrêté du 22 août 2023, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle doit être éloignée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un mois. Mme A... relève appel du jugement du 23 mai 2024 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, l'arrêté attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de la Seine-Maritime s'est fondé pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme A.... En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime n'aurait, préalablement au prononcé de la décision attaquée, pas procédé à l'examen de la situation personnelle de l'intéressée. En particulier, si l'arrêté attaqué mentionne que Mme A... a par le passé fait preuve de négligence en ne joignant pas à sa précédente demande d'admission au séjour les documents nécessaires à l'étude de sa situation, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas tenu compte de l'ensemble des éléments qu'elle a fournis à l'appui de sa dernière demande. Au contraire, les termes mêmes de l'arrêté attaqué rendent compte de ce que le préfet a procédé à l'examen des liens privés et familiaux dont Mme A... justifie en France et dans son pays d'origine et qu'il a apprécié la qualité de son insertion socio-professionnelle sur le territoire. Les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen personnalisé doivent, dès lors, être écartés.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
5. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".
6. Il ressort des pièces du dossier que, si Mme A... justifie de plus de neuf années de présence en France à la date de la décision attaquée, elle s'y est maintenue en toute irrégularité, malgré les précédentes décisions de refus de séjour et d'éloignement prises à son encontre et les décisions juridictionnelles ayant rejeté ses recours. Si sa fille aînée, âgée de 20 ans à la date de la décision attaquée, réside régulièrement sur le territoire, celle-ci est majeure, autonome et ne vit plus au domicile de sa mère puisqu'elle est elle-même mariée à un ressortissant français et est mère d'une enfant de nationalité française. La décision attaquée ne compromet pas en elle-même la poursuite des relations de Mme A... avec sa fille et la famille de celle-ci, notamment à l'occasion de visites familiales de l'une ou de l'autre en France ou en Arménie. Si Mme A... a également la charge de ses deux autres enfants, mineurs âgés de 16 ans et 5 ans à la date de la décision attaquée, elle n'a pas vocation à être séparée d'eux dès lors qu'ils détiennent comme elle la nationalité arménienne et peuvent la suivre en Arménie, pays que l'époux de Mme A..., père des intéressés, a au demeurant rejoint volontairement en 2022 dans le cadre du dispositif d'aide au retour. Mme A... ne justifie d'aucune autre attache familiale en France. Par ailleurs, malgré la durée de son séjour sur le territoire, elle ne justifie, à la date de la décision attaquée, d'aucune expérience dans un emploi et ne présente aucun projet sérieux d'insertion professionnelle. Enfin, sa situation matérielle apparaît des plus précaires puisqu'elle ne pourvoit à ses besoins essentiels et à ceux de ses deux enfants à charge qu'au bénéfice de l'hébergement à titre gracieux que lui procure un organisme social et des aides financières que celui-ci lui octroie. Il s'ensuit qu'en dépit de la durée de son séjour en France et de la présence en situation régulière de sa fille sur le territoire, les pièces du dossier ne permettent pas de regarder son admission au séjour comme s'imposant au nom du respect du droit à la vie privée et familiale ou comme répondant à des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels. En refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de la Seine-Maritime n'a donc ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du même code et des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle de l'intéressée. Les moyens en ce sens doivent, dès lors, être écartés.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
8. En l'espèce, la décision attaquée n'a par elle-même ni pour objet ni pour effet de séparer Mme A... de ses deux enfants mineurs, lesquels sont, comme elle, de nationalité arménienne et sont donc à même de la suivre. S'ils étaient scolarisés en France à la date de la décision attaquée, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils ne pourraient pas reprendre leur scolarité dans leur pays d'origine. De plus, la décision attaquée, prononcée pendant la période estivale, n'a pas pour effet d'interrompre une année entière de scolarité ou de nuire à la progression des intéressés dans leur cursus. Enfin, si Mme A... se prévaut de ses relations avec sa petite fille de nationalité française, la décision attaquée n'exerce aucune influence sur sa prise en charge et son éducation, celles-ci étant assurées par son gendre, de nationalité française, et sa fille, qui détient un droit au séjour pérenne sur le territoire. Elle n'a pas davantage pour objet ou pour effet de compromettre durablement la poursuite de leurs relations affectives. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations citées au point précédent doit être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents (...) ". Aux termes de l'article L. 611-3 du même code, dans sa version applicable au litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués ".
11. En premier lieu, l'arrêté attaqué cite les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui constituent le fondement légal de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Il ressort également sans ambiguïté des énonciations de cet arrêté que l'obligation de quitter le territoire français qu'il prononce à l'encontre de Mme A... est fondée sur le refus de séjour qui lui est également opposé. L'arrêté attaqué comporte à cet égard, ainsi qu'il a été dit au point 2, les considérations de fait et de droit qui fondent cette décision de refus de séjour. Dans ces conditions, l'obligation de quitter le territoire français n'avait, en application des dispositions citées au point précédent de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pas à faire l'objet d'une motivation distincte. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée est insuffisamment motivée doit être écarté.
12. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 2 à 9, Mme A... n'établit pas que l'arrêté attaqué, en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour, serait illégal. Par suite, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale au motif qu'elle a été prise sur le fondement de ce refus de séjour et son moyen en ce sens doit, dès lors, être écarté.
13. En troisième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de ce que la décision attaquée procèderait d'une erreur manifeste d'appréciation, au soutien desquels Mme A... n'apporte pas d'arguments différents de ceux qu'elle a avancés au soutien des moyens équivalents dirigés contre la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 et 8.
14. En quatrième lieu, si Mme A... mentionne qu'elle est atteinte d'une dépression majeure caractérisée, elle n'établit pas par les rares documents médicaux qu'elle produit que l'interruption de sa prise en charge l'exposerait à des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que celle-ci ne pourrait pas être assurée dans les mêmes conditions dans son pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
15. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas davantage fondée à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Sur la décision fixant le pays de destination :
16. Aux termes de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français mentionne le pays, fixé en application de l'article L. 721-3, à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ". Aux termes de l'article L. 721-3 du même code : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français (...) ". Aux termes de l'article L. 721-4 du même code : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité (...) ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". L'article 3 de cette convention stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
17. En premier lieu, pour décider que la mesure d'éloignement prononcée à l'encontre de Mme A... pourra être exécutée à destination du pays dont elle a la nationalité, à savoir l'Arménie, ou de tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où elle est légalement admissible, l'arrêté attaqué vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il rappelle qu'elle a la nationalité arménienne, qu'elle est venue depuis ce pays en 2014, qu'elle ne justifie pas y être démunie d'attaches dès lors que son époux y est volontairement retourné en 2022 et qu'elle n'établit pas y être exposée à des peines ou traitements inhumains ou dégradants alors que sa demande d'asile a par le passé été successivement rejetée par le directeur général de l'OFPRA et la CNDA. Cette motivation, en droit et en fait, a ainsi mis à même Mme A... de comprendre les motifs de la décision prise à son encontre. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée est insuffisamment motivée doit être écarté.
18. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 10 à 15, Mme A... n'établit pas que l'arrêté attaqué, en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français, serait illégal. Par suite, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination est illégale au motif qu'elle a été prise sur le fondement de cette obligation de quitter le territoire français et son moyen en ce sens doit, dès lors, être écarté.
19. En troisième lieu, la décision contestée désigne au titre des pays vers lesquels Mme A... est susceptible d'être renvoyée d'office en l'absence d'exécution volontaire de la mesure d'éloignement prononcée à son encontre, notamment, son pays de nationalité, à savoir l'Arménie. Ainsi qu'il a été dit au point 6, Mme A... n'établit pas être isolée dans ce pays où réside encore au moins son époux et où ses deux enfants mineurs à charge peuvent la suivre. Ainsi qu'il a également été dit au point 14, elle n'établit pas davantage que son retour vers ce pays l'exposerait à des risques caractérisés pour sa santé. Enfin, elle n'a apporté devant le préfet comme devant le tribunal administratif de Rouen ainsi que la cour aucun élément circonstancié de nature à justifier de craintes pour sa sécurité, alors au demeurant que sa demande d'asile a été successivement rejetée par le directeur général de l'OFPRA et par la CNDA. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation doivent, dès lors, être écartés.
20. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas davantage fondée à demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
21. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".
22. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise et cite les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constituant la base légale de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français. Par ailleurs, il ressort des énonciations de cet arrêté que, pour décider de prononcer cette interdiction et déterminer sa durée, le préfet de la Seine-Maritime a procédé à un examen de la situation de Mme A... au regard des critères de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a tenu compte en particulier de la durée et des conditions de son séjour en France, de ce qu'elle a fait échec à une précédente mesure d'éloignement décidée à son encontre, de la nature des liens privées et familiaux en France et dans son pays d'origine et de la qualité de son insertion socio-professionnelle sur le territoire. Si la motivation de l'arrêté attaqué ne fait pas référence au critère relatif à la menace à l'ordre public que représenterait sa présence sur le territoire, il ne ressort en l'occurrence pas des pièces du dossier que Mme A... représenterait une telle menace et que l'autorité préfectorale aurait retenu de telles circonstances à son encontre. Ainsi, le préfet de la Seine-Maritime a suffisamment motivé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un mois qu'il a prise à son encontre. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée doit, dès lors, être écarté.
23. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 10 à 15, Mme A... n'établit pas que l'arrêté attaqué, en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français, serait illégal. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité, invoquée par voie d'exception, de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
24. En troisième lieu, si Mme A... justifie d'un peu plus de neuf ans de présence en France à la date de la décision attaquée, si sa fille y séjourne en situation régulière et si elle ne constitue pas une menace pour l'ordre public, il ressort en revanche des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit aux points 6, 8, 14 et 19, qu'elle a détourné les règles de l'entrée, du séjour et de l'asile pour s'établir en toute irrégularité sur le territoire français, qu'elle a fait échec à une précédente mesure d'éloignement décidée à son encontre, que ses enfants mineurs à charge peuvent l'accompagner dans son pays d'origine où ils peuvent poursuivre leur scolarité, qu'elle n'y est pas isolée puisque son époux y est retourné volontairement en 2022 et qu'elle n'établit pas y être exposée à des craintes pour sa santé ou sa sécurité. Dans ces conditions, l'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de seulement un mois prononcée à son encontre ne méconnaît pas les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant tant dans son principe que sa durée et n'est pas davantage entachée d'erreur d'appréciation. Les moyens en ce sens doivent, dès lors, être écartés.
25. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas davantage fondée à demander l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
26. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Mahieu.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 10 juin 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,
- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2025.
Le rapporteur,
Signé : G. ToutiasLe président de chambre,
Signé : B. Chevaldonnet
La greffière,
Signé : A-S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°24DA01667