Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 29 mai 2018 par lesquelles la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné un pays de destination.
Par un jugement n° 1801028 du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ces décisions.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 29 janvier, 29 mars et 28 juin 2019, la préfète de l'Allier demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 31 décembre 2018 ;
2°) de rejeter la demande de M. B... devant le tribunal administratif.
Elle soutient qu'elle a établi l'absence d'authenticité des actes d'état civil produits par M. B..., qui ne justifie pas être dépourvu de liens avec son pays d'origine.
Par des mémoires enregistrés les 18 mars et 18 juin 2019, M. B..., représenté par Me Bucci, avocate, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'État d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'il a justifié de son état civil et qu'il remplit les conditions prévues par l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Clot, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen, déclare être né le 3 mars 2000 et être entré irrégulièrement en France au mois de juin 2016. S'étant présenté comme mineur, il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Allier par une ordonnance de placement provisoire du 5 septembre 2016, confirmée par un jugement du juge des enfants du 21 septembre 2016. Le 15 mars 2018, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Le 29 mai 2018, la préfète de l'Allier lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays de destination. Cette préfète relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont -Ferrand a annulé ces décisions.
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. "
3. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". En vertu de l'article 1er du décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état-civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet(...) ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative procède aux vérifications utiles ou y fait procéder auprès de l'autorité étrangère compétente. L'article 47 du code civil précité pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe donc à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En revanche, l'administration française n'est pas tenue de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié.
5. A l'appui de sa demande de titre de séjour, M. B... a présenté, d'une part, un jugement supplétif d'acte de naissance du tribunal de grande instance de Conakry III Mafanco en date du 9 juin 2016, déclarant qu'il est né le 3 mars 2000 et, d'autre part, un extrait du registre des actes de naissance de la commune de Matoto, délivré le 13 juin 2016, transcrivant ce jugement. Ces documents ont été légalisés le 13 juin 2016.
6. Selon un rapport des services de la police aux frontières du 15 mai 2018, la transcription du jugement supplétif ne respecte pas le délai prévu par l'article 601 du code de procédure civile guinéen. Toutefois, si l'article 601 du code de procédure civile guinéen dispose que : " Le délai de recours par une voie ordinaire est de dix jours en matière contentieuse comme en matière gracieuse ", cet article figure dans la partie du code portant " Dispositions communes à toutes les juridictions ". Les actes d'état civil relèvent de la partie portant " Dispositions particulières à certaines matières ", dans laquelle figure, notamment l'article 898, aux termes duquel : " Le dispositif de la décision portant rectification est transmis immédiatement par le Procureur de la République au dépositaire des registres de l'état civil où se trouve inscrit l'acte rectifié. / Mention de ce dispositif est aussitôt portée en marge de cet acte " et l'article 899, dont le dernier alinéa prévoit que : " Les transcription et mention du dispositif sont aussitôt opérées. "
7. Ce même rapport indique également que la légalisation des documents mentionnés ci-dessus est " fausse et contrefaite ", dans la mesure où elle comporte la signature de " M. D...A..., juriste ", et un cachet comportant les mentions " Ministère des affaires étrangères, Direction nationale des affaires juridiques et consulaires, Le Directeur ", alors que M. A... n'a pas cette qualité. Compte tenu de ces éléments, M. B... ne peut pas être regardé comme justifiant de son état civil et, par suite, se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, c'est à tort que, pour annuler la décision lui refusant un titre de séjour et, par voie de conséquences, celles lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de la méconnaissance de ces dispositions.
8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M.B....
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
9. Cette décision, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et des éléments de fait qui la fondent, est suffisamment motivée.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
10. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...). / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".
11. M. B..., de nationalité guinéenne, s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour par décision du 29 mai 2018. Ainsi, à la même date, il était dans le cas prévu par les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français.
12. La décision en litige reproduit les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et comporte les éléments de fait concernant la situation de M. B.... Par suite, elle est suffisamment motivée.
Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :
13. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " Ce dernier texte énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". Il ne ressort pas des pièces du dossier que le retour de M. B... en Guinée l'expose au risque de subir des traitements prohibés par ces stipulations.
14. Il résulte de ce qui précède que la préfète de l'Allier est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé les décisions en litige.
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme à M. B... au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 31 décembre 2018 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de M. B...sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... B.... Copie en sera adressée à la préfète de l'Allier et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Moulins.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2019 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
Mme Dèche, premier conseiller,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 juillet 2019.
N° 19LY00357 2