Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de leur accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011 et des pénalités correspondantes ;
Par un jugement n°1605830 du 15 mai 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 juillet 2018 et un mémoire, enregistré le 10 décembre 2018, M. et Mme B... demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 mai 2018 ;
2°) de leur accorder la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'administration n'établit pas l'appréhension des distributions par Mme B... ;
- l'administration n'était pas fondée à rejeter la comptabilité ;
- la reconstitution de chiffre d'affaires repose sur des données erronées ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à concurrence de 26 601 euros et rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que :
- il a prononcé un dégrèvement correspondant à la majoration de 25 % prévue par le 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts ;
- pour le surplus, les moyens invoqués par M. et Mme B... ne sont pas fondés ;
Par une ordonnance du 6 mars 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Savouré, premier conseiller,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant M. et Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... est gérante de la SARL Soframus distribution, qui exerce une activité de grossiste en produits de viande de boucherie. Cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er avril 2008 au 31 mars 2012 au terme de laquelle l'administration, après avoir rejeté sa comptabilité, a reconstitué ses recettes. Elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2010 et 2011 et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er avril 2009 au 31 mars 2011. Les bénéfices de la SARL Soframus distribution ont été imposés entre les mains de Mme B..., sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts, suivant la procédure contradictoire. Les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales résultant de cette procédure au titre de l'année 2010 ont fait l'objet d'une majoration d'assiette de 25 % en application du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts. En ce qui concerne les années 2010 et 2011, elles ont été assorties de majorations pour manquement délibéré. M. et Mme B... interjettent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions.
Sur l'étendue du litige :
2. Par décision du 21 août 2018, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration fiscale a admis le bien-fondé des conclusions en décharge de M. et Mme B... en tant qu'elles portaient sur la majoration de 25 % appliquée aux contributions sociales relevant de revenus de capitaux mobiliers au titre de l'année 2010 et prononcé le dégrèvement des impositions en litige, à concurrence de 17 496 euros en droits, 2 107 euros au titre des intérêts de retard et 6 998 euros au titre de la majoration pour manquement délibéré. Les conclusions de la requête sont, dans la mesure de ces montants, devenues sans objet.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
3. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c) Les rémunérations et avantages occultes (...) ".
En ce qui concerne la charge de la preuve :
4. Il incombe à l'administration qui a suivi la procédure contradictoire, et dès lors que les redressements n'ont pas été acceptés, d'apporter la preuve de l'existence et du montant des distributions. S'il en va en principe de même s'agissant de leur appréhension, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est toutefois présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.
5. L'administration fait valoir que Mme B... est gérante de la SARL Soframus distribution depuis sa création en 1994, qu'elle en est associée à hauteur de 50 %, qu'elle préside les assemblées générales de la société, s'occupe de la gestion quotidienne, est habilitée à l'engager financièrement et dispose d'une autorisation de signature bancaire. Elle en déduit que Mme B... serait seule maître de l'affaire.
6. Toutefois, M. et Mme B... font valoir qu'au cours des années en litige, le père de Mme B..., M. E... F..., était également habilité " à régir et administrer, tant activement que passivement, tous les comptes actuels ou futurs ouverts " au nom de la SARL Soframus distribution. Faisant usage de ce pouvoir, il a notamment souscrit des produits bancaires et signé un bon de commande en vue de la conclusion d'un contrat de crédit-bail portant sur un camion neuf de marque Nissan, modèle Atleon, lequel ne peut avoir d'autre usage qu'un usage professionnel. Les requérants produisent également un contrat de nantissement signé par M. E... F..., engageant la SARL Soframus distribution au profit de sa banque, qui corrobore les pouvoirs dont il dispose pour engager la société, quand-bien-même ce contrat signé le 6 mars 2013 est postérieur au contrôle. Il ressort également de diverses correspondances produites par M. et Mme B... que M. E... F... est fréquemment interlocuteur de la société vis-à-vis de tiers, notamment sa banque et son assurance. Compte tenu de ces éléments, et alors d'ailleurs que Mme B... ne dispose pas à elle seule de la majorité des parts sociales, il ne résulte pas des seules circonstances qu'elle préside les assemblées générales, assure les fonctions de gérant et dispose du pouvoir d'engager financièrement la société qu'elle serait en mesure de disposer sans contrôle des biens sociaux.
7. Ainsi, les éléments mis en avant par l'administration ne suffisent pas à rapporter la preuve que Mme B... était seule maître de l'affaire. Par suite, elle ne rapporte pas la preuve de l'appréhension par cette dernière des distributions qu'elle a entendu imposer entre ses mains.
8. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus de leur demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme 2 000 euros au profit de M. et Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : A concurrence de 17 496 euros en droits, 2 107 euros au titre des intérêts de retard et 6 998 euros au titre de la majoration pour manquement délibéré, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme B..., en tant qu'elles portent sur les contributions sociales de l'année 2010.
Article 2 : M. et Mme B... sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et du surplus des cotisations supplémentaires de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2010 et 2011 ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon, en date du 15 mai 2018, est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 14 mai 2020 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme A..., présidente-assesseure,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 juin 2020.
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N° 18LY02465