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24/11/2020 | FRANCE | N°18LY04005

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 24 novembre 2020, 18LY04005


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une première demande, M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 27 novembre 2015 par laquelle le délégué local de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) a décidé de procéder au retrait de la subvention et au reversement des acomptes qui lui ont été alloués, pour un montant de 79 029 euros, ensemble les décisions implicites rejetant ses recours gracieux et hiérarchique et d'enjoindre au directeur général de l'Anah de lui verser la somme de 33 535 euros corres

pondant au solde de la subvention.

Par une seconde demande, M. D... a demandé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une première demande, M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 27 novembre 2015 par laquelle le délégué local de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) a décidé de procéder au retrait de la subvention et au reversement des acomptes qui lui ont été alloués, pour un montant de 79 029 euros, ensemble les décisions implicites rejetant ses recours gracieux et hiérarchique et d'enjoindre au directeur général de l'Anah de lui verser la somme de 33 535 euros correspondant au solde de la subvention.

Par une seconde demande, M. D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'état exécutoire n° 4000196 émis le 13 octobre 2016 par lequel le directeur général de l'Anah l'a constitué débiteur de la somme de 79 029 euros et de le décharger de l'obligation de payer cette somme et d'enjoindre au directeur général de l'Anah de lui verser la somme de 33 535 euros correspondant au solde de la subvention.

Par un jugement n° 1603889-1608554 du 19 septembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a, après les avoir jointes, rejeté ces deux demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 9 novembre 2018, M. D..., représenté par la Selarl Nekaa et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 19 septembre 2018 ;

2°) d'enjoindre à la directrice générale de l'Anah de lui verser la somme de 33 535 euros correspondant au solde de la subvention accordée ;

3°) de mettre à la charge de l'Anah la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- la décision du 27 novembre 2015 méconnaît les articles L. 321-2 et R. 321-21 du code de l'urbanisme ; il n'a pas été en mesure de présenter ses observations sur le motif justifiant le retrait de la subvention ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le motif tiré de la fraude n'est pas établi ; la circonstance qu'une entreprise prestataire ait réfuté l'authenticité de certaines des factures qui lui avaient été attribuées n'établit pas la fraude ; il ne peut être tenu responsable des manquements des entreprises prestataires quant à leurs modalités de facturation ;

- la décision de retirer totalement la subvention est entachée d'erreur d'appréciation ; contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la fraude n'est pas établie et le coût total du chantier est chiffrable ; les factures finalement écartées ne représentent qu'une part réduite du montant total de la subvention ;

- le titre exécutoire doit être annulé en conséquence de l'annulation de la décision de retrait, la créance ayant perdu de ce fait son caractère certain.

Par un mémoire enregistré le 25 septembre 2019, l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (Anah), représentée par la société d'avocats Seban et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que M. D... lui verse la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la décision du 27 novembre 2015 est fondée sur des motifs à propos desquels le requérant a pu formuler des observations, à savoir la matérialité des factures émises et le montant exact des prestations facturées par certaines entreprises dont celle évoquée dans la décision de retrait ;

- la manoeuvre frauduleuse est établie ; les irrégularités relevées pour les factures produites à l'appui de la demande du règlement du solde de la subvention puis lors de la procédure contradictoire corroborent des incertitudes quant aux justificatifs transmis, lesquels ne permettent pas de déterminer le coût total des travaux ; un certain nombre de documents transmis portant la dénomination de factures n'en étaient pas ; en outre M. D... a transmis des " doublons de factures " alors même qu'il savait ne pas les avoir honorées ;

- la créance est bien-fondée ;

- à titre subsidiaire, il ne peut lui être enjoint que de réexaminer la demande de mise en paiement.

La clôture de l'instruction a été fixée au 4 novembre 2019 par une ordonnance du 4 octobre précédent, prise en application des articles R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- l'arrêté du 1er août 2014 portant approbation du règlement général de l'Agence nationale de l'habitat ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F... E..., première conseillère,

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- et les observations de Me A... pour M. D... ainsi que celles de Me C... pour l'Agence nationale de l'habitat ;

Une note en délibéré, présentée par M. D..., a été enregistrée le 20 octobre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre des travaux de réhabilitation d'un immeuble comportant cinq logements dont il est propriétaire au 26 rue Jules Guesde à Rive-de-Gier, M. D... a bénéficié le 20 décembre 2012 d'une subvention de l'Agence nationale de l'habitat d'un montant de 111 782 euros, dont deux acomptes lui ont été versés le 3 mai et 26 décembre 2013 pour un montant global de 78 247 euros. À la suite du constat d'incohérences dans les justificatifs produits et d'irrégularités dans les travaux effectués, le délégué régional de l'Anah a décidé, par décision du 27 novembre 2015, de retirer à M. D... le bénéfice de la subvention accordée, et lui a ordonné de procéder au reversement d'une somme de 79 029 euros. Par courriers du 20 et 21 janvier 2016, M. D... a formé des recours gracieux et hiérarchique à l'encontre de cette décision. Ces recours ayant été respectivement rejetés par décisions du 13 juillet 2016 et du 20 juillet 2016, M. D... a contesté par une première demande devant le tribunal administratif de Lyon la décision du 27 novembre 2015. La directrice générale de l'Anah a constitué M. D... débiteur de la somme de 79 029 euros par état exécutoire du 13 octobre 2016. M. D..., par une seconde demande devant le tribunal administratif de Lyon, a sollicité l'annulation de cet état exécutoire et la décharge de l'obligation de payer cette somme. Par jugement du 19 septembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a, après les avoir jointes, rejeté ces deux demandes. M. D... relève appel de ce jugement.

Sur la légalité de la décision du 27 novembre 2015 :

2. Aux termes de l'article R. 321-18 du code de la construction et de l'habitation : " (...) La subvention est versée, sur déclaration d'achèvement de l'opération, après vérification de la conformité des opérations réalisées avec les caractéristiques du projet sur lesquelles la décision d'attribution a été fondée. La subvention est versée sur présentation des justificatifs précisés par le règlement général de l'agence, en particulier des factures des entreprises, sauf cas exceptionnels dus, notamment, à la défaillance de l'entreprise chargée des travaux (...) ". Aux termes des quatrième et cinquième alinéas du I de l'article R.321-21 du même code : " Le retrait de l'aide versée par l'agence est prononcé et le reversement des sommes perçues exigé s'il s'avère que celle-ci a été obtenue à la suite de fausses déclarations ou de manoeuvres frauduleuses. / Le retrait et le reversement total ou partiel peuvent également être prononcés en cas de non-respect des prescriptions de la présente section ou des conventions conclues en application des articles L. 321-4 et L. 321-8, selon les modalités fixées par le règlement général de l'agence. Ce règlement prévoit une procédure de communication préalable et des éléments de calcul sur le montant du reversement et son actualisation indexée sur l'évolution de l'indice de référence des loyers mentionné à l'article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs. ".

3. Il résulte des dispositions précitées que l'Anah peut légalement demander au bénéficiaire d'une subvention de produire tout élément lui permettant de vérifier la conformité des travaux réalisés, comme les factures originales ou un récapitulatif des travaux et devis, le maître d'ouvrage s'étant d'ailleurs engagé dans sa demande de subvention à communiquer les justificatifs et documents nécessaires à l'exercice de ce contrôle. Une subvention peut être retirée si des manoeuvres frauduleuses ou de fausses déclarations ont eu pour objet ou pour effet d'induire en erreur l'Anah tant sur le principe que sur le montant de l'aide.

4. En premier lieu, M. D... réitère en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, son moyen tiré de ce qu'il n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations sur le motif justifiant le retrait, conformément aux dispositions des articles L. 321-2 et R. 321-1 du code de la construction et de l'habitat. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs circonstanciés retenus par les premiers juges au point 5 du jugement.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que pour justifier du paiement du solde de la subvention, M. D... a transmis plusieurs factures entachées d'irrégularités dont certaines, s'agissant des entreprises Giordano et Confort Forézien, se sont avérées n'avoir jamais été émises par ces sociétés, de même qu'un décompte général et définitif des travaux que son architecte et maître d'oeuvre a démenti avoir signé en indiquant n'avoir pu procéder au chiffrage définitif des travaux faute de la transmission de la totalité des factures par l'intéressé ou les entreprises prestataires. En outre, M. D... ne pouvait ignorer que ce qu'il a présenté comme des factures émises notamment par l'entreprise Confort Forézien et qu'il avait transmises à l'Anah au soutien de ses demandes de paiement étaient dépourvues d'authenticité, dès lors qu'elles portaient sur des prestations non réalisées ou sans lien avec l'opération subventionnée, et a ainsi lui-même concouru aux irrégularités relevées. La circonstance, à la supposer établie, que la société Confort Forézien ait émis plusieurs factures successives pour les mêmes prestations suite à un contrôle fiscal n'exonérait pas M. D... du contrôle de la fiabilité de ces factures avant leur transmission à l'Anah. Enfin, si M. D... fait valoir que les factures mises en cause dans la décision de retrait représentent une part réduite du montant de la subvention octroyée, que les travaux ont tous été réalisés pour un coût supérieur à celui sur la base de laquelle a été calculée la subvention et que les logements sont aujourd'hui rénovés et occupés conformément aux engagements pris, les justificatifs produits par l'intéressé à l'Anah ne permettent pas de déterminer le coût final des travaux relatifs à l'opération subventionnée, s'agissant notamment du lot électricité, lequel représente, selon le décompte définitif transmis par M. D... à l'Anah, environ un tiers du montant de la subvention totale. Dans ces conditions, compte tenu des irrégularités relevées et du comportement de l'intéressé, la directrice générale de l'Anah a pu, sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation, décider le retrait et le reversement de la totalité de la subvention litigieuse.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de cette décision de retrait.

Sur la légalité du titre exécutoire émis le 13 octobre 2016 :

7. Compte tenu de ce qui est dit aux points 4 et 5, M. D... n'est pas fondé à soutenir qu'en raison de son illégalité, la décision du 27 novembre 2015 prononçant le retrait et le reversement de la subvention de l'Anah ne peut servir de fondement légal au titre exécutoire émis par l'Anah le 13 octobre 2016. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de ce titre exécutoire.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Le présent arrêt, qui confirme le rejet des conclusions de la demande de M. D..., n'implique aucune mesure d'exécution.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demande M. D... au titre des frais qu'il a exposés soit mise à la charge de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, qui n'est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... le versement d'une somme de 2 000 euros à verser à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat au titre des frais qu'elle a exposés.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : M. D... versera à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Daniel Josserand-Jaillet, président ;

M. Thierry Besse, président-assesseur ;

Mme F... E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2020.

N° 18LY04005

fp

N° 18LY04005


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18LY04005
Date de la décision : 24/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

38-03-03-01 Logement. Aides financières au logement. Amélioration de l'habitat. Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat.


Composition du Tribunal
Président : M. JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SELARL NEKAA ALLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-11-24;18ly04005 ?
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