Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et autres infractions (FGTI) a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner, sur le fondement de l'article 706-11 du code de procédure pénale, l'Etat à lui rembourser la somme de 115 358,24 euros assortie des intérêts légaux à compter du 23 mai 2016 qu'il a versée à M. E... A... en réparation des préjudices subis lors de son incarcération au centre pénitentiaire de Saint-Quentin Fallavier.
Par un jugement n° 1604915 du 8 novembre 2018, ce tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 janvier 2019, le FGTI, représenté par le cabinet Cassel, demande à la cour d'annuler ce jugement, de faire droit à sa demande et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des frais du litige.
Il soutient que :
- l'absence de système de désenfumage des cellules est directement à l'origine de la lésion respiratoire par inhalation de fumée dont a été victime M. A... ;
- l'administration pénitentiaire a commis des fautes dans la surveillance de M. B... et dans la prévention du risque d'incendie ;
- la somme de 115 358,24 euros dont il demande le remboursement correspond à une juste indemnisation de la victime ;
- il est subrogé dans les droits de celle-ci.
Par un mémoire enregistré le 29 octobre 2020, le garde des sceaux, ministre de la justice, qui déclare s'en rapporter à son mémoire produit en première instance, conclut au rejet de la requête.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant le FGTI.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., alors écroué à la maison d'arrêt du centre pénitentiaire de Saint-Quentin Fallavier, a été grièvement blessé le 25 mai 2011 par l'incendie déclenché dans sa cellule par son codétenu, M. B..., qui a été condamné pour ces faits à la peine de 8 ans d'emprisonnement par un arrêt de la cour d'assises du département de la Drôme du 4 décembre 2012. M. A... a saisi la commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI) près le tribunal de grande instance de Valence. Par une ordonnance du 4 juillet 2013, la CIVI a accordé à M. A... une provision de 50 000 euros. Après le dépôt du rapport d'expertise judiciaire, par une décision du 4 décembre 2015, elle a fixé à 64 558,24 euros le solde de la somme que le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) a versée à l'intéressé en application de l'article 706-9 du code de procédure pénale, en réparation de ses préjudices. Saisi par le FGTI subrogé dans les droits de la victime, le tribunal administratif de Grenoble a, par un jugement du 8 novembre 2018, rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui rembourser la somme de 115 358,24 euros. Le FGTI relève appel de ce jugement.
2. En vertu des articles 706-3 et 706-4 du code de procédure pénale, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut, lorsque certaines conditions sont réunies, obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne auprès d'une commission d'indemnisation des victimes d'infractions, juridiction civile instituée dans le ressort de chaque tribunal de grande instance qui peut prendre sa décision avant qu'il soit statué sur l'action publique ou sur les intérêts civils. L'indemnité correspondante est alors versée par le FGTI. Le premier alinéa de l'article 706-11 du code de procédure pénale dispose que le fonds " est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle le remboursement de l'indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite du montant des réparations à la charge desdites personnes. ".
3. D'une part, il résulte de l'instruction, notamment de l'ordonnance de mise en accusation de M. B... devant la cour d'assises de la Drôme, que le 25 mai 2011, vers 14h15, le chef de détention de la maison d'arrêt du centre pénitentiaire de Saint-Quentin Fallavier a reçu en entretien M. B... qui refusait systématiquement depuis son arrivée le 7 avril de partager sa cellule avec un autre détenu. Au terme de cet entretien, elle l'a informé qu'il allait être placé dans la cellule 41 avec un autre détenu afin de libérer une place nécessaire à l'arrivée de nouveaux détenus. Il a été conduit dans la cellule occupée par M. A.... Bien qu'il ait manifesté son opposition résolue à ce changement, il n'a pas pour autant avant la fermeture de la cellule émis de menaces quant à un passage à l'acte de nature de celui qu'il a ensuite perpétré. Quelques minutes plus tard, lorsque la surveillante d'étage lui a apporté ses affaires personnelles, M. B..., tout en défaisant son paquetage avec calme, lui a déclaré qu'il n'avait rien contre elle mais s'en est pris au chef de détention en ces termes : " Je n'ai rien contre vous, surveillante, [mais] cette s... de X elle va voir, je vais lui mettre le bordel ". Vers 15 heures, la surveillante a constaté lors de son tour de garde que de la fumée s'échappait de la cellule 41 provenant de l'incendie qu'avait provoqué par M. B....
4. Il résulte de l'instruction, notamment des dépositions des personnels pénitentiaires, que le comportement de M. B... n'avait pas été particulièrement agressif avant cet incendie. Il ressort de l'ordonnance de mise en accusation et de l'expertise psychiatrique qu'il n'a pas eu l'intention délibérée de blesser M. A..., mais qu'il ne supportait pas l'incarcération et qu'il a agi sous le coup de la colère en réaction à son transfert de cellule. Par ailleurs, et comme l'a relevé le tribunal, il ne s'était jamais auparavant livré à des actes similaires.
5. Dans ces conditions, le FGTI n'est pas fondé à soutenir que l'administration pénitentiaire a commis une négligence fautive en ne renforçant pas la surveillance de M. B... après son transfert de cellule, alors que ni ses antécédents, ni son comportement avant le départ du surveillant de l'étage qui lui a apporté ses effets personnels ne laissaient présager un déclenchement d'incendie dans la cellule.
6. D'autre part, le II de l'article 6 du règlement intérieur type des établissements pénitentiaires, annexé à l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale prévoit que le détenu placé en cellule disciplinaire conserve " le tabac et les objets liés à son usage tels qu'allumettes et papier à cigarette ". Le même article indique cependant que " les objets et vêtements laissés habituellement aux personnes détenues peuvent lui être retirés pour des motifs de sécurité. ".
7. Compte tenu de l'imprévisibilité du passage à l'acte de M. B..., son comportement ne justifiait pas de le soumettre à une fouille et le cas échéant de lui retirer son briquet. La seule circonstance qu'il ait pu détenir ce briquet ne suffit pas à démontrer une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration pénitentiaire.
8. Par ailleurs, il résulte de l'instruction qu'un seul des deux matelas de la cellule 41 était anti-feu, qualité reconnaissable à sa couleur blanche au lieu de bleue, alors que selon les dépositions du chef de la détention et du surveillant d'étage, les matelas du quartier arrivants étaient remplacés depuis la fermeture de la maison d'arrêt de Bourg-en-Bresse par des matelas anti-feu. M. B... a placé son couchage et son matelas de couleur bleue debout devant la porte et a mis le feu aux draps chiffonnés avec le briquet qu'il s'était procuré avant de projeter le brûlot sur son codétenu. Il a déclaré que les flammes avaient pris immédiatement de l'ampleur en dégageant une importante fumée et ne pas avoir eu le réflexe d'actionner l'appel d'urgence dont était équipée la cellule. Il résulte de l'instruction que le surveillant d'étage a immédiatement donné l'alerte par radio lorsqu'il a constaté qu'une fumée noire épaisse s'échappait de la porte de la cellule 41. S'il ressort du pré-rapport d'expertise médicale que M. A... a présenté initialement une lésion respiratoire par inhalation de fumée, il n'a pas été victime d'une intoxication sévère à la fumée. Il s'ensuit que la présence d'un matelas sans housse anti-feu et l'absence de détecteur d'incendie et de système adapté de dégagement des fumées dans la cellule 41 ne révèlent pas à eux seuls dans les circonstances de l'espèce, une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.
9. Enfin, bien que le surveillant qui a donné l'alerte ne disposait pas de la clé du boîtier de l'extincteur de l'étage, il a tout de suite averti un autre surveillant également présent à l'étage qui s'est immédiatement muni de l'extincteur n'entraînant, de ce fait, aucun retard fautif dans l'intervention. S'il résulte de l'ordonnance de mise en accusation de M. B... devant la cour d'assises que l'ouverture de la porte a créé un appel d'air, elle a toutefois permis à deux membres du personnel munis d'extincteurs d'éteindre les flammes pour faire aussitôt sortir les deux détenus. Aucune faute n'est ainsi caractérisée dans la prise en charge de l'incendie lorsque celui-ci a été constaté.
10. En conséquence de ce qui précède, les conclusions indemnitaires de la requête du FGTI, qui n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande, doivent être rejetées.
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise au titre des frais du litige à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête du FGTI est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et autres infractions, au garde des sceaux, ministre de la justice et à la mutualité sociale agricole Ardèche, Drôme et Loire.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme C..., président assesseur,
Mme Lesieux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2020.
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N° 19LY00035