Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SCI Royale Center I a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2014 par lequel le maire de La Biolle lui a ordonné de libérer le chemin rural des Combes.
Par un jugement n° 1405742 du 30 avril 2019, le tribunal a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 19 juin 2019 et le 3 février 2021, la commune de La Biolle, représentée par la SCP C..., avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par la SCI Royale Center I devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de la SCI Royale Center I la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- compte tenu du bornage intervenu entre les parties à la suite de la procédure intentée devant le juge judiciaire, la propriété de la commune sur le chemin n'est plus en débat ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, ce chemin est affecté à l'usage du public conformément à l'article L. 161-2 du code rural ;
- la SCI, qui est propriétaire de la parcelle jouxtant le chemin et n'a jamais mis en cause les époux B..., doit répondre vis-à-vis des tiers de l'état de celui-ci.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2021, la SCI Royale Center I, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la commune de La Biolle la somme de 2 520 euros pour l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les moyens soulevés par la commune de la Biolle ne sont pas fondés ;
- le chemin rural des Combes traverse la propriété de M. A... E... ;
- la commune, qui entretient le chemin parallèle à celui qu'elle revendique, ne justifie pas de l'affectation du chemin litigieux à l'usage du public ;
- le tribunal d'instance, qui n'est compétent que pour procéder au bornage, n'a enjoint à la SCI que de déplacer ce qui lui appartient ;
- les matériaux et matériels visés par l'arrêté attaqué ne sont pas sa propriété mais celle des usufruitiers, M. et Mme B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,
- et les observations de Me C... pour la commune de la Biolle et celles de Me D... pour la SCI Royale Center I ;
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 22 juillet 2014, le maire de La Biolle a mis en demeure la SCI Royale Center I, au titre des pouvoirs de police qu'il tient des articles L. 161-5 et D. 161-11 et suivants du code rural et de la pêche maritime, de libérer l'assiette du chemin rural des Combes irrégulièrement occupé par du matériel du chantier mené par la SCI sur un immeuble lui appartenant. La commune de La Biolle relève appel du jugement du 30 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales (...) ". L'article L. 161-2 de ce code dispose que : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale. / La destination du chemin peut être définie notamment par l'inscription sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée ". Aux termes de l'article L. 161-5 du même code : " L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux ".
3. Il ressort du rapport d'expertise sur lequel s'est fondé le tribunal d'instance de Chambéry pour ordonner, par jugement du 7 décembre 2017, le bornage du chemin au droit des parcelles cadastrées sections A n° 1261 et n° 1262 dont la SCI Royale Center I est nue-propriétaire, que ce chemin emprunte, après avoir traversé la rivière " L'Albenche " le terrain situé au droit du bâtiment de la SCI Royale Center I et passe sous la haie de charmilles située dans le talus amont de l'actuelle propriété E..., à l'endroit où ont été entreposés des matériaux et outils de chantier.
4. Ce chemin, envahi par des herbes quelques mètres après la traversée du pont de l'Albenche, mais dont le tracé reste cependant visible sur sa majeure partie, n'a pas fait l'objet, au-delà de la partie bitumée, d'actes de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale depuis les années 1980 quand il avait été en partie remblayé. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment des attestations produites devant l'expert judiciaire pour les besoins du bornage, qu'avant que la SCI Royale Center I ne devienne propriétaire des parcelles cadastrées sections A n° 1261 et n° 1262 et n'entrave l'accès à la partie en herbe du chemin, ce dernier a été continuellement utilisé, anciennement par les habitants des environs pour se rendre d'un village à l'autre, et plus récemment, par des coureurs et des randonneurs à pied ou à cheval. Si la fréquence d'utilisation de ce chemin parait avoir, au fil des années, diminué, il ressort des pièces du dossier qu'il continuait, jusqu'à ce que la SCI Royale Center I manifeste son opposition à ce que des personnes y passent, les contraignant à le contourner par le chemin privé situé sur la propriété E..., à être une voie de passage. Par suite, ce chemin, qui était affecté à l'usage du public, était un chemin rural lorsque le maire a pris l'arrêté litigieux. Le maire pouvait, ainsi, sur le fondement des articles L. 161-5 et D. 161-11 et suivants du code rural et de la pêche maritime, mettre en demeure la SCI Royale Center I d'en libérer l'accès.
5. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que pour annuler l'arrêté du 22 juillet 2014 le tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur le fait que cette partie du chemin n'était plus utilisée que de façon occasionnelle et ne pouvait ainsi être regardée comme étant affectée à l'usage du public.
Sur les autres moyens invoqués par la SCI Royale Center I devant le tribunal et la cour :
6. Si la SCI Royale Center I persiste à contester l'emplacement de l'assiette du chemin litigieux qui, selon elle, correspond à l'emplacement de la voie asphaltée qui permet d'accéder à la propriété E..., il a cependant été défini par le jugement du tribunal d'instance de Chambéry du 7 décembre 2017 qui est devenu définitif à la suite du rejet, par ordonnance du 17 décembre 2020 du magistrat chargé de la mise en état de la cour d'appel de Chambéry, de l'appel de la SCI Royale Center I. La SCI ne peut utilement, devant le juge administratif, faire valoir que les opérations d'expertise ayant conduit au bornage du chemin seraient irrégulières ou que le fait que la commune entretiendrait la voie permettant d'accéder à la propriété E... démontrerait que l'emplacement du chemin, tel qu'arrêté devant le juge judiciaire, serait erroné.
7. L'arrêté litigieux met en demeure la SCI Royale Center I de rendre libre l'accès au chemin rural dit des Combes sur toute sa longueur. Si la SCI fait valoir qu'elle ne serait pas propriétaire des biens entravant le passage du chemin, elle ne démontre pas que tel serait le cas ou qu'elle n'en aurait pas la garde et que ces biens appartiendraient en propre, comme elle le soutient, aux époux B..., usufruitiers des parcelles. La circonstance que le juge judiciaire ne lui a enjoint que de déplacer ce qui lui appartient ne permet pas d'établir l'illégalité de l'arrêté du maire.
8. Il résulte de ce qui précède que la commune de La Biolle est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 22 juillet 2014 par lequel le maire de La Biolle a ordonné à la SCI Royale Center I de libérer le chemin rural des Combes. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la SCI Royale Center I la somme de 2 000 euros à verser à la commune de La Biolle. En revanche, les conclusions de la SCI Royale Center I présentés sur le même fondement ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE:
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 30 avril 2019 est annulé.
Article 2 : La demande de la SCI Royale Center I présentée devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 3 : La SCI Royale Center I versera à la commune de La Biolle une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Biolle et à la SCI Royale Center I.
Délibéré après l'audience du 1er juillet 2021, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, présidente assesseure,
Mme F..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juillet 2021.
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N° 19LY02344