Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 24 mars 2017 du maire de Taninges accordant à M. D... un permis de construire une maison d'habitation sur deux parcelles cadastrées F..., ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 1705175 du 2 avril 2020, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté du 24 mars 2017.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 28 mai 2020 et 23 avril 2021, M. D..., représenté par la SCP Bouvard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 avril 2020 ;
2°) de rejeter la demande de Mme B... ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'intimée ne démontre pas un intérêt suffisant pour contester le permis en litige ;
- leur projet ne méconnaît pas l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme et s'implante en continuité de l'urbanisation existante ;
- les autres moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Par deux mémoires enregistrés le 6 novembre 2020 et 16 juin 2021, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme B..., représentée par la Selarl Arnaud Bastid, conclut au rejet de la requête, et à ce que le requérant lui verse la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par un mémoire en observation enregistré le 18 juin 2021, qui n'a pas été communiqué, la commune de Taninges représentée par la Selarl CDMF-Avocats affaires publiques, conclut au rejet de la requête et à ce que Mme B... lui verse la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la demande est irrecevable, l'intimée ne démontrant pas un intérêt suffisant pour contester le permis en litige ;
- le permis accordé ne méconnaît pas l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme ;
- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 18 juin 2021 par une ordonnance du 3 juin précédent prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christine Psilakis, rapporteure,
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,
- les observations de Me Bastid pour Mme B... et celles de Me Hourlier pour la commune de Taninges ;
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 24 mars 2017, le maire de Taninges a délivré à M. D... un permis de construire une maison d'une surface de plancher de 143 m² sur deux parcelles de sa propriété, implantées au lieudit E.... M. D... relève appel du jugement du 2 avril 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ce permis à la demande de Mme B..., ainsi que de la décision implicite rejetant le recours gracieux de cette dernière.
Sur l'intérêt pour agir :
2. Mme B..., qui justifie être occupante d'un bien immobilier situé à proximité immédiate de la parcelle d'assiette du projet et fait valoir qu'elle subirait nécessairement les conséquences de ce projet, s'agissant de sa vue et de son cadre de vie dans la jouissance paisible de son bien, justifie d'un intérêt suffisant pour contester l'arrêté en litige.
Sur la légalité de l'arrêté du 24 mars 2017 :
3. Aux termes de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme : " L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d'annexes, de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées. ".
4. Il résulte de ces dispositions que l'urbanisation en zone de montagne, sans être autorisée en zone d'urbanisation diffuse, peut être réalisée non seulement en continuité avec les bourgs, villages et hameaux existants, mais également en continuité avec les " groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants " et qu'est ainsi possible l'édification de constructions nouvelles en continuité d'un groupe de constructions traditionnelles ou d'un groupe d'habitations qui, ne s'inscrivant pas dans les traditions locales, ne pourrait être regardé comme un hameau. L'existence d'un tel groupe suppose plusieurs constructions qui, eu égard notamment à leurs caractéristiques, à leur implantation les unes par rapport aux autres et à l'existence de voies et de réseaux, peuvent être perçues comme appartenant à un même ensemble.
5. Il ressort des pièces du dossier que la construction projetée s'implante sur une parcelle de 2 000 m², laquelle, bien que classée en zone UD du plan d'occupation des sols, s'insère en second rang dans un espace à dominante naturelle à flanc de coteau, à proximité de trois constructions, dont celle de l'intimée, disséminées le long d'une route départementale et qui, par leur caractère isolé, ne peuvent être regardées comme formant un groupe de constructions traditionnelles ou d'habitations, au sens et pour l'application des dispositions citées au point 3. A cet égard, le requérant ne saurait utilement invoquer la circonstance que le classement du terrain serait maintenu en zone urbaine dans le projet de PLU en cours d'élaboration. Dans ces conditions, en dépit du fait que le terrain d'assiette soit desservi par les réseaux d'eau potable et d'électricité, c'est à bon droit que le tribunal a estimé que l'arrêté en litige procédait d'une exacte application de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme.
6. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 24 mars 2017.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. D... tendant à la mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas partie perdante, des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des mêmes dispositions et de mettre à la charge de M. D... la somme que Mme B... demande au même titre. Par ailleurs, la commune de Taninges en sa qualité d'observateur n'étant pas partie à l'instance, il ne peut être fait droit à ses conclusions tendant à l'application de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par Mme B... ainsi que par la commune de Taninges sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et Mme C... B....
Copie en sera adressée à la commune de Taninges.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme Christine Psilakis, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2022.
La rapporteure,
Christine PsilakisLa présidente,
Danièle Déal
La greffière,
Fabienne Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la ministre de la transition écologique, en ce qui les concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 20LY01513