Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 3 juin 2019, par laquelle la directrice de l'institut de formation en soins infirmiers Esquirol a prononcé son exclusion de cet établissement, et la décision du 29 juillet 2019 rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 1906103 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 14 août 2020, Mme B... A..., représentée par Me Choulet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 juin 2020 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler la décision du 3 juin 2019 par laquelle la directrice de l'institut de formation en soins infirmiers Esquirol a prononcé son exclusion définitive de l'établissement, ensemble la décision du 29 juillet 2019 portant rejet de son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité pour avoir omis de répondre à un moyen qui n'était pas inopérant ;
- en procédant d'office à une substitution de motifs, les premiers juges ont méconnu leur office et entaché leur jugement d'irrégularité ;
- la décision attaquée a été prise au terme d'une procédure irrégulière, faute de convocation de la section pédagogique dans un délai d'un mois suivant la survenue des actes reprochés en méconnaissance des dispositions de l'article 16 de l'arrêté du 21 avril 2007 relatif aux conditions de fonctionnement des instituts de formation paramédicaux ;
- le détournement de procédure, et à tout le moins l'irrégularité de la procédure résultent de ce que la section pédagogique a eu à connaître de faits ne relevant pas de sa compétence ;
- la décision est entachée d'erreur de droit ;
- la matérialité des faits n'est pas établie ;
- la qualification juridique des faits est erronée ;
- la décision est entachée d'erreur d'appréciation et l'exclusion définitive prononcée est disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2020, les Hospices civils de Lyon, représentés par Me Walgenwitz concluent au rejet de la requête et à la condamnation de Mme A... au versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Les Hospices civils de Lyon exposent qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- l'arrêté du 21 avril 2007 relatif aux conditions de fonctionnement des instituts de formation paramédicaux ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Conesa-Terrade, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Cécile Cottier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 3 juin 2019, la directrice de l'institut de formation en soins infirmiers Esquirol relevant des Hospices civils de Lyon a prononcé l'exclusion définitive de Mme B... A... du cursus de formation qu'elle poursuivait en deuxième année. Par la présente requête, Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision, ensemble la décision du 29 juillet 2019 de rejet de son recours gracieux.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La requérante reproche au jugement attaqué d'être insuffisamment motivé pour avoir omis, en se bornant à relever la compétence de la section pédagogique, de répondre à son moyen d'irrégularité de la procédure au motif que le rapport motivé prévu à l'article 15 de l'arrêté du 21 avril 2007 relatif aux conditions de fonctionnement des instituts de formation paramédicaux comportait des éléments relevant du comportement n'entrant pas dans sa compétence et de nature à influer sur le sens de sa décision. Il ressort toutefois de la lecture du jugement attaqué que le tribunal n'a pas omis de répondre, pour l'écarter de manière motivée, aux moyens tirés du détournement de procédure et subsidiairement du vice de procédure, en relevant au point 5 de ce jugement que la section pédagogique n'avait pas méconnu l'étendue de sa compétence en se fondant notamment sur des éléments relatifs aux difficultés d'acquisition des compétences nécessaires par cette élève infirmière, présentant des difficultés relationnelles et une posture inadéquate en tant qu'apprenante avec une absence de prise de conscience de ses insuffisances, ce qui pouvait conduire à l'accomplissement d'actes incompatibles avec la sécurité des personnes prises en charge. Par suite, le moyen d'irrégularité du jugement doit être écarté.
3. La requérante reproche aux premiers juges d'avoir opéré d'office une substitution de motif, en méconnaissance de leur office, pour avoir jugé que la décision litigieuse avait été prise en raison de multiples incidents intervenus lors de stages réalisés dans différents établissements. Toutefois, la circonstance que, dans ses motifs, la décision en litige ne se réfère pas explicitement aux différents incidents dont les pièces du dossier font état, ne saurait empêcher le juge de l'excès de pouvoir, conformément à son office, d'apprécier à l'aune de l'ensemble des éléments figurant dans le dossier, en réponse aux moyens soulevés devant lui, le bien-fondé des motifs de la décision litigieuse. Par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient procédé d'office à une substitution de motif doit être écarté comme manquant en fait.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la procédure à l'issue de laquelle la mesure d'exclusion a été prononcée :
4. Aux termes de l'article 15 de l'arrêté du 21 avril 2007 relatif aux conditions de fonctionnement des instituts de formation paramédicaux : " La section [compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants] rend, sans préjudice des dispositions spécifiques prévues dans les arrêtés visés par le présent texte, des décisions sur les situations individuelles suivantes : 1. Etudiants ayant accompli des actes incompatibles avec la sécurité des personnes prises en charge ; 2. Demandes de redoublement formulées par les étudiants ; 3. Demandes d'une période de césure formulées par les étudiants (...) ". Aux termes de l'article 16 de ce même arrêté : " Lorsque l'étudiant a accompli des actes incompatibles avec la sécurité des personnes prises en charge, le directeur de l'institut de formation, en accord avec le responsable du lieu de stage, et le cas échéant la direction des soins, peut décider de la suspension du stage de l'étudiant, dans l'attente de l'examen de sa situation par la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants. Cette section doit se réunir, au maximum, dans un délai d'un mois à compter de la survenue des faits ".
5. Mme A... se prévaut de la date d'achèvement de sa dernière période de stage, le 8 mars 2019, au soutien de son moyen tiré de l'irrégularité de la procédure au regard du délai de forclusion d'un mois à compter des faits, prévu par les dispositions précitées de l'article 16 de l'arrêté. Elle soutient qu'en réunissant la section compétente pour le traitement pédagogique des situations des étudiants ayant accompli des actes incompatibles avec la sécurité des personnes prises en charge, le 28 mai 2019, soit plus d'un mois après l'accomplissement supposé des actes reprochés, les dispositions précitées de l'article 16 ont été méconnues. Toutefois, le délai d'un mois maximum à compter de la survenue des faits pour que la section se réunisse, ne s'applique que dans le cas où le directeur de l'institut de formation, en accord avec le responsable du stage de l'étudiant, décide de la suspension du stage de l'étudiant, dans l'attente de l'examen de sa situation par la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants. Au cas d'espèce, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, aucune suspension de stage n'a été décidée par la directrice de l'institut Esquirol à l'encontre de Mme A.... Le moyen tiré d'une méconnaissance du délai de forclusion doit, par suite, être écarté comme inopérant.
6. Mme A... soulève à nouveau en appel le moyen tiré du détournement de procédure. Elle soutient que le rapport soumis à la section pédagogique compétente pour se prononcer sur les situations individuelles relatives aux étudiants ayant accompli des actes incompatibles avec la sécurité des personnes prises en charge, faisait état de problèmes de comportement ne relevant pas de son champ de compétence et ayant eu une influence sur le sens de sa décision. Toutefois, il ressort de la lecture même de la décision litigieuse, qu'en application des dispositions de l'article 15 de l'arrêté, l'intéressée a pu prendre connaissance de ce rapport, sept jours calendaires avant la réunion de la section pédagogique, et a été invitée à présenter des observations écrites ou orales et à se faire assister par une personne de son choix. Il ressort des termes de la décision en litige que Mme A... a pris acte des éléments qui lui étaient reprochés qu'elle a contesté en remettant en cause les pratiques des soignants des unités de soins et l'accompagnement de son référent pédagogique. La circonstance que le rapport faisait état des éléments comportementaux fondant le constat d'un manque de discernement et de difficultés relationnelles avec l'encadrement pédagogique, de son refus d'adopter une posture d'apprenant adéquate, susceptibles de mettre en danger les patients dont elle a la charge, éléments dont elle a été informée préalablement à la réunion de la section n'est pas de nature à démontrer l'existence d'un détournement ou d'un vice de procédure.
En ce qui concerne le bien-fondé de la décision :
7. Mme A... soutient que la décision d'exclusion définitive n'est pas fondée légalement au regard des dispositions des articles 15 et 16 de l'arrêté du 21 avril 2017 susvisé, dans la mesure où les motifs invoqués ne permettent pas de caractériser l'accomplissement d'actes incompatibles avec la sécurité des patients pris en charge. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes de la décision litigieuse, que pour motiver son exclusion définitive, la directrice de l'institut de formation en soins infirmiers Esquirol s'est fondée sur le constat des difficultés importantes et récurrentes de l'intéressée dans l'acquisition des connaissances cliniques, de son manque de discernement et de son incapacité à prendre conscience de ses insuffisances, d'un défaut de maîtrise de son champ d'action en tant qu'étudiante et de l'étendue de ses responsabilités, de son incapacité à adopter une posture d'apprenante adéquate et de son inaptitude professionnelle avérée, de ses difficultés relationnelles et de son incapacité à accepter la critique, de son manque d'investissement suffisant dans sa formation en termes de travail, mettant ainsi en danger les patients pris en charge dans le cadre de sa formation. Ces éléments étaient suffisants pour caractériser la situation de Mme A... comme attestant de l'accomplissement d'actes incompatibles avec la sécurité des personnes prises en charge. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la matérialité des faits ne serait pas établie, ni que la décision litigieuse serait entachée d'une erreur de qualification juridique des faits. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'arrêté doit être écarté.
8. Très subsidiairement, la requérante soutient que la sanction d'exclusion définitive prononcée est disproportionnée et relève d'une erreur d'appréciation. Elle se prévaut de son attitude constructive dans le cadre de ses observations orales devant la section pédagogique, en partie reprises dans la décision litigieuse, et au soutien de son recours gracieux, se déclarant prête à se remettre en question et à suivre les directives pédagogiques de l'institut formation aux soins infirmiers. Toutefois, la décision en litige fait état du caractère récurrent des difficultés rencontrées par l'intéressée, et de ce qu'elle conteste les faits reprochés en remettant en cause les pratiques des soignants des unités de soins et l'accompagnement de son référent pédagogique. Dans ces conditions, la sanction prononcée n'est ni entachée d'erreur d'appréciation, ni disproportionnée.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions, présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de Mme A... la somme demandée par les Hospices civils de Lyon au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions des Hospices civils de Lyon tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et aux Hospices civils de Lyon.
Copie en sera adressée à l'institut de formation de soins infirmiers Esquirol.
Délibéré après l'audience du 24 mars 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président-assesseur,
Mme Conesa-Terrade, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mai 2022.
La rapporteure,
E. Conesa-Terrade
Le président,
F. Pourny
La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 20LY02321