Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Ambulances S2A a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 3 février 2020 par lequel le directeur général de l'agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes a procédé au retrait temporaire de son agrément pour effectuer des transports sanitaires terrestres, pour une durée de six mois, du lundi 17 février 2020 au lundi 17 août 2020 et de condamner l'agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes à lui verser la somme de 369 652,50 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice.
Par un jugement n° 2001029 du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 mai 2021, la société Ambulances S2A, représentée par Me Raducault, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2001029 du 30 mars 2021 du tribunal administratif de Lyon et l'arrêté du directeur général de l'agence régionale de santé
Auvergne-Rhône-Alpes du 3 février 2020 portant retrait temporaire d'un agrément pour effectuer des transports sanitaires pendant une durée de six mois ;
2°) de condamner l'agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes à lui verser les sommes de 369 652,50 et 100 000 euros au titre de son préjudice ;
3°) de condamner l'agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes à lui verser une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
* la décision portant retrait temporaire de son agrément pour effectuer des transports sanitaires est illégale pour les motifs suivants : non-respect du principe du contradictoire, défaut d'impartialité du sous-comité des transports sanitaires, matérialité des manquements reprochés non établie ; au vu des manquements éventuellement fondés, la sanction est manifestement disproportionnée ; des correctifs ont été apportés ;
* l'illégalité fautive commise engage la responsabilité de l'Agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes qui devra l'indemniser de sa perte de chiffres d'affaires au cours de la période de retrait temporaire, de diverses difficultés liées à la reprise de son activité et de son préjudice d'image.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 décembre 2021, l'agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la société Ambulances S2A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
* les conclusions indemnitaires sont irrecevables pour défaut de liaison du contentieux ;
* les moyens soulevés à l'appui des conclusions à fin d'annulation ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
* le rapport de M. Gayrard, président,
* les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
* et les observations de Me Gasser, représentant la société Ambulances S2A.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 3 février 2020, le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) Auvergne-Rhône-Alpes a décidé le retrait temporaire de l'agrément accordé à la SAS Ambulances S2A pour effectuer des transports sanitaires, pour une durée de six mois, du 17 février au 17 août 2020. Par jugement n° 2001029 du 30 mars 2021, dont la société Ambulances S2A relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté précité et à la condamnation de l'ARS à lui verser la somme de 369 652,50 euros en réparation du préjudice subi.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 6312-2 du code de la santé publique : " Toute personne effectuant un transport sanitaire doit avoir été préalablement agréée par le directeur général de l'agence régionale de santé. (...) ". Aux termes de l'article R. 6312-5 du même code : " En cas de manquement aux obligations de la présente section par une personne bénéficiant de l'agrément, celui-ci, après que l'intéressé a été mis à même de présenter ses observations, en préalable à l'avis du sous-comité des transports sanitaires, peut être retiré temporairement ou sans limitation de durée par décision motivée du directeur général de l'agence régionale de santé. Les manquements aux obligations prévues par la présente section et relevés par le service d'aide médicale urgente sont communiqués au directeur général de l'agence régionale de santé et à la caisse primaire d'assurance-maladie ". Aux termes de l'article R. 6313-6 de ce code : " Le sous-comité donne un avis préalable au retrait par le directeur général de l'agence régionale de santé de l'agrément nécessaire aux transports sanitaires mentionné à l'article L. 6312-2. Cet avis est donné au vu du rapport du médecin désigné par le directeur général de l'agence régionale de santé et des observations de l'intéressé (...) ".
3. Le respect du principe des droits de la défense en matière de sanction implique que la personne concernée après avoir été informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et de la sanction encourue, soit mise à même d'avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus s'il en fait la demande et de faire valoir ses observations.
4. D'une part, la société requérante soutient que la procédure contradictoire prévue par les dispositions citées au point précédent n'a pas été respectée dès lors qu'elle a reçu sa convocation afin de présenter ses observations devant le sous-comité des transports sanitaires de l'Ain par simple courriel du 20 janvier 2020, qu'elle n'a reçu aucun document énonçant les griefs reprochés par l'ARS et qu'elle n'a pas pu communiquer de pièces justificatives devant la commission.
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a été destinataire d'une première convocation à assister à une séance du sous-comité des transports sanitaires de l'Ain qui a été présentée par lettre avec accusé de réception à son siège social le 2 janvier 2020 mais n'a pas été réclamée et qu'une seconde convocation à la séance du 29 janvier 2020 a été adressée le 13 janvier précédent, le pli contenant la convocation ayant été à nouveau présenté par lettre avec accusé de réception au siège social de l'entreprise mais non réclamé dans les délais impartis. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas été régulièrement invitée à présenter ses observations devant le sous-comité des transports sanitaires.
6. En deuxième lieu, il n'est pas sérieusement contesté que les convocations au sous-comité des transports sanitaires de l'Ain citées au point précédent, par ailleurs jointes au courriel du 20 janvier 2020, indiquaient de façon suffisamment précise l'ensemble des griefs reprochés et il n'est ni établi, ni même allégué, que la société Ambulances S2A aurait demandé à avoir communication des pièces sur lesquelles l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes s'est fondée pour motiver sa décision. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision de l'agence régionale de santé serait entachée d'une insuffisance de motivation doit être écarté comme manquant en fait.
7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment du compte-rendu de la séance du 29 janvier 2020, que la société Ambulances S2A a pu communiquer ses observations écrites aux membres du sous-comité avant que ceux-ci délibèrent. Dès lors, la requérante ne peut soutenir que le principe des droits de la défense ait été méconnus.
8. En dernier lieu, si la requérante tend à contester l'impartialité du sous-comité des transports sanitaires tenant au différend l'opposant au dirigeant du GIE MMS dont elle fait partie et qui est président de l'association des transports sanitaires urgents, il y a lieu d'écarter le moyen par adoption des motifs exposés par les premiers juges.
9. D'autre part, la requérante conteste le bien-fondé de la décision qui se base sur la commission de onze manquements à ses obligations constatées au cours de l'année 2019.
10. En premier lieu, la requérante conteste la matérialité du manquement n° 1 selon lequel elle n'aurait pas répondu à deux appels du SAMU au cours de la nuit du 15 au 16 mars 2019 à 21:28 puis 4:30 en méconnaissance de l'article R. 6312-23 du code de la santé publique. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de divers courriels échangés entre le SAMU et l'ARS, que la matérialité des faits doit être regardée comme établie. La circonstance invoquée par la requérante que son véhicule de service était déjà en intervention à la suite d'un appel du SAMU à 21:07 ne la dispensait pas de répondre aux appels ultérieurs.
11. En deuxième lieu, il est reproché deux manquements nos 2 et 3 tirés d'un non-respect d'indications données par le médecin régulateur du SAMU en application du 2° de l'article R. 6312-16 et de l'article R. 6312-23 du code précité mais aussi d'un cahier des charges départemental à caractère réglementaire relatif à la garde ambulancière. S'agissant du manquement n° 2 commis lors d'une intervention du 20 mars 2019, la circonstance invoquée par la requérante que le patient suspecté de faire un AVC avait fait l'objet d'un bilan par un infirmier libéral ayant alerté le SAMU ne la dispensait pas de fournir elle-même un tel bilan, sollicité à trois reprises par le médecin régulateur du SAMU. En revanche, s'agissant du manquement n° 3, le manquement n'est pas établi dès lors qu'il n'est pas justifié que le patient concerné par un transport effectué le 9 septembre 2019 relevait d'une urgence vitale nécessitant son adressage vers l'établissement de santé le plus proche.
12. En troisième lieu, les manquements nos 4 et 6 portant sur un non-respect des délais d'intervention impartis en violation de l'article R. 6312-23 du code précité lors d'interventions des 16 et 24 octobre 2019 ne sont pas sérieusement contestés par la requérante qui se borne à évoquer des faits anciens qu'elle indique ne pouvoir ni contester, ni reconnaître. S'agissant du manquement n° 5 de même nature que les précédents, concernant une intervention du 19 octobre 2019, la requérante se borne également à contester le délai d'intervention normal retenu par l'ARS de vingt-quatre minutes en arguant du temps de mobilisation de l'équipage, de la communication des informations et de l'état de la circulation alors que l'ARS s'est fondée sur un temps calculé par application informatique entre le lieu de dépôt des véhicules de la société Ambulances S2A et le lieu d'intervention.
13. En quatrième lieu, comme l'oppose la requérante, le manquement n° 7 constitué par un refus de se soumettre à un contrôle inopiné de l'ARS le 17 juin 2019 n'est pas suffisamment rapporté par cette dernière qui évoque, sans toutefois les produire aux débats, un rapport établi le 30 septembre 2019 et des échanges avec la société Ambulances S2A sur ce point.
14. En cinquième lieu, les manquements nos 8 et 9 portant sur des défauts de matériel constatés les 8 octobre et 23 novembre 2019 en violation de l'article R. 6312-8 du code de la santé publique ne sont pas sérieusement contestés.
15. En sixième lieu, les manquements nos 10 et 11 concernent l'absence de déclaration à l'URSSAF et de formation aux gestes et soins d'urgence 2 d'un certain en méconnaissance des articles R. 6312-17 du code précité. Si la requérante fait valoir que a exercé au sein de la société non en qualité de salarié mais de travailleur indépendant, elle ne conteste pas avoir déclaré comme salarié de son entreprise et que celui-ci a bien exercé des fonctions d'ambulancier sans s'être vu dispensé la formation nécessaire.
16. Il découle de ce qui précède que neuf des onze manquements reprochés à la société Ambulances S2A sont établis. Si cette dernière fait valoir qu'elle n'a été constituée que récemment, a obtenu son agrément le 12 décembre 2018 et dispose de moyens limités, ces manquements ont été nombreux et parfois répétés sur une période d'un an seulement ; certains, en particulier les manquements nos 1 et 2, revêtent une gravité certaine dès lors que le comportement de l'entreprise aurait pu avoir de graves conséquences sur les personnes à transporter. Dans ces conditions, il n'apparaît pas qu'en décidant une suspension temporaire de l'agrément pour effectuer des transports sanitaires pour une durée de six mois, le directeur général de l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes ait pris une sanction illégale ou disproportionnée. Il s'ensuit que les conclusions à fin d'annulation de cette décision doivent être rejetées.
17. Il découle du point précédent, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes, qu'en l'absence d'illégalité fautive commise par cette dernière, les conclusions de la société Ambulances S2A tendant à engager la responsabilité pour faute de l'ARS ne peuvent qu'être rejetées.
18. Il résulte de tout ce qui précède que la société Ambulances S2A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision précitée et à la condamnation de l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes à lui verser une somme de 369 652,50 euros au titre de son préjudice découlant de cette décision.
Sur les frais liés au litige :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société Ambulances S2A au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante la somme que l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes demande au titre de ses frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Ambulances S2A est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ambulances S2A et à l'agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes.
Délibéré après l'audience du 7 avril 2022, à laquelle siégeaient :
M. Gayrard, président,
Mme Conesa-Terrade, première conseillère.
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mai 2022.
Le président, rapporteur,
J-P GayrardL'assesseur le plus ancien,
E. Conesa-Terrade
La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY01665