Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2013, ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 1706336 du 10 février 2020, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 27 mai 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 1, 2 et 3 de ce jugement ;
2°) de remettre à la charge de M. D... la somme totale de 43 113 euros.
Il soutient que M. D... ne pouvait pas bénéficier, en sa qualité d'associé de la SCI de la Pointe d'Andey, de l'exonération d'impôt sur le revenu prévue par le II de l'article 33 ter du code général des impôts du complément de loyer résultant de la remise en fin de bail de l'agrandissement du bâtiment qui avait été édifié par la SA D... dans le cadre du bail à construction que ces sociétés ont conclu en 1983, dès lors que l'édification de cet agrandissement ne résulte pas du contrat de bail initial ;
Par un mémoire enregistré le 6 août 2020, M. D..., représenté par Me Plahuta conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que, conformément à ce qu'ont estimé les premiers juges, la SCI de la Pointe d'Andey pouvait bénéficier de l'exonération d'impôt sur le revenu, prévue par le II de l'article 33 ter du code général des impôts dès lors que les constructions ont été remises au bailleur à l'expiration du bail d'une durée de trente ans.
Par lettres du 10 mars 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'erreur quant à la base légale de l'imposition dans la catégorie des revenus fonciers sur le fondement du II de l'article 33 ter du code général des impôts au motif que l'extension de la construction sur la parcelle ayant fait l'objet de l'avenant de 1985 n'a pas été réalisée dans le cadre d'un bail à construction.
M. D... a présenté ses observations sur ce moyen relevé d'office par un mémoire enregistré le 17 mars 2022 qui n'a pas été communiqué.
Le ministre de l'économie, des finances et de la relance a présenté ses observations sur ce moyen relevé d'office par un mémoire enregistré le 24 mars 2022 qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure,
- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. D... est associé à hauteur de 10 % du capital de la SCI de la Pointe d'Andey qui a conclu avec la SA D..., laquelle a pour objet la fabrication de pièces métalliques, un bail à construction pour une période de trente ans à compter du 31 mars 1983, stipulant qu'en contrepartie de l'engagement du preneur de construire sur le terrain loué un bâtiment à usage d'atelier industriel et de bureaux, les constructions édifiées deviendraient la propriété du bailleur à l'expiration du bail. Les 24 mai et 13 juin 1985, les parties ont convenu que le bail portait sur un terrain supplémentaire acquis par la SCI de la Pointe d'Andey le 4 avril 1985 destiné à recevoir de nouvelles constructions à édifier éventuellement en extension de celles construites dans le cadre du bail à construction et que la SA D... pourrait y aménager des aires de circulation et de stationnement, et, le 9 novembre 1998, elles ont convenu de l'agrandissement du bâtiment initial. La SCI de la Pointe d'Andey a fait l'objet en 2015 d'un contrôle sur place à l'issue duquel l'administration a estimé que le revenu résultant de la remise en fin de bail, le 31 mars 2013, de l'agrandissement du bâtiment initial ne pouvait bénéficier de l'exonération d'impôt sur le revenu prévue par le II de l'article 33 ter du code général des impôts dès lors qu'il n'avait pas été initialement prévu par le contrat de bail à construction. L'administration a en conséquence considéré que le prix de revient de cet agrandissement, estimé à partir des éléments obtenus dans le cadre de la vérification de comptabilité de la SA D... à la somme de 696 783 euros, constituait un complément de loyer imposable dans la catégorie des revenus fonciers au titre de l'année 2013. A l'issue d'un contrôle sur pièces de la situation de M. D..., l'administration a imposé cette somme entre les mains du contribuable à proportion des droits sociaux qu'il détient dans la SCI de la Pointe d'Andey. Par un jugement du 21 février 2020, le tribunal administratif de Grenoble a déchargé M. D... du complément d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti en conséquence de ce contrôle au titre de l'année 2013, ainsi que des majorations correspondantes. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel de ce jugement.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 251-1 du code de la construction et de l'habitation : " Constitue un bail à construction le bail par lequel le preneur s'engage, à titre principal, à édifier des constructions sur le terrain du bailleur et à les conserver en bon état d'entretien pendant toute la durée du bail. Le bail à construction est consenti par ceux qui ont le droit d'aliéner et dans les mêmes conditions et formes. Il est conclu pour une durée comprise entre dix-huit et quatre-vingt-dix-neuf ans. Il ne peut se prolonger par tacite reconduction. (...) ". Aux termes de l'article L. 251-2 du même code : " Les parties conviennent de leurs droits respectifs de propriété sur les constructions existantes et sur les constructions édifiées. A défaut d'une telle convention, le bailleur en devient propriétaire en fin de bail et profite des améliorations. ". Aux termes de l'article L. 251-5 du même code : " Le prix du bail peut consister, en tout ou partie, dans la remise au bailleur, à des dates et dans des conditions convenues, d'immeubles ou de fractions d'immeubles ou de titres donnant vocation à la propriété ou à la jouissance de tels immeubles. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 33 bis du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 151 quater, les loyers et prestations de toute nature qui constituent le prix d'un bail à construction passé dans les conditions prévues par les articles L. 251-1 à L. 251-8 du code de la construction et de l'habitation, ont le caractère de revenus fonciers au sens de l'article 14. ". Aux termes de l'article 33 ter du même code : " I. Lorsque le prix du bail consiste, en tout ou partie, dans la remise d'immeubles ou de titres dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 251-5 du code de la construction et de l'habitation, le bailleur peut demander que le revenu représenté par la valeur de ces biens calculée d'après le prix de revient soit réparti sur l'année ou l'exercice au cours duquel lesdits biens lui ont été attribués et les quatorze années ou exercices suivants. (...) II. Les dispositions du I s'appliquent également aux constructions revenant sans indemnité au bailleur à l'expiration du bail. Toutefois, la remise de ces constructions ne donne lieu à aucune imposition lorsque la durée du bail est au moins égale à trente ans. Si la durée du bail est inférieure à trente ans, l'imposition est due sur une valeur réduite en fonction de la durée du bail dans des conditions fixées par décret. ". Enfin, aux termes de l'article 2 sexies de l'annexe III au même code : " Lorsque la durée d'un bail à construction est comprise entre dix-huit et trente ans, le revenu brut foncier correspondant à la valeur des constructions remises sans indemnité au bailleur en fin de bail est égal au prix de revient de ces constructions, sous déduction d'une décote égale à 8 % par année de bail au-delà de la dix-huitième. ".
4. En vertu des dispositions combinées des articles 33 bis et 33 ter du code général des impôts, lorsque le prix d'un bail à construction consiste, en tout ou en partie, dans la remise gratuite d'immeubles en fin de bail, la valeur de ces derniers, calculée d'après leur prix de revient, constitue un revenu foncier perçu par le bailleur à la fin du bail.
5. Il résulte de l'instruction que, par le bail à construction conclu le 31 mars 1983, la SA D... s'est obligée à édifier ou faire édifier, sur le terrain qu'elle a pris en location auprès de la SCI de la Pointe d'Andey situé dans la commune de Cluses (Haute-Savoie), d'une surface de 2 277 m2 cadastré section A n° 3723 et 3731, un immeuble à usage d'atelier industriel et de bureaux conforme aux plans et devis annexés au bail, autorisé par un permis de construire accordé à M. B... D... le 17 mars 1983, et s'est engagée à achever totalement cette construction ainsi que les éléments d'infrastructure et d'équipement y afférents au cours du deuxième trimestre de l'année 1984. L'agrandissement de cette construction, édifié sur un autre terrain, cadastré section A n° 3722, 3736 et 3761, d'une surface de 2370 m2 acquis par la SCI de la Pointe d'Andey postérieurement à la conclusion du bail, le 4 avril 1985 et autorisé par un permis de construire accordé à la SA D... le 27 août 1998, ne s'inscrit pas dans les prévisions du bail à construction conclu le 31 mars 1983 et ne saurait, par suite, et en dépit de la volonté manifestée par les parties dans les avenants conclus en 1985 et 1998 d'étendre les effets du bail à construction initial aux nouvelles parcelles acquises, bénéficier du dispositif prévu au II de l'article 33 ter du code général des impôts lequel, dans la mesure où il introduit une dérogation au principe d'imposition du revenu foncier constitué par les constructions revenant au bailleur à l'issue d'un bail à construction, doit faire l'objet d'une interprétation stricte. Par suite, l'administration est fondée à soutenir que le revenu correspondant à cet agrandissement ne pouvait bénéficier de l'exonération d'impôt sur le revenu prévue par le II de l'article 33 ter du code général des impôts, et, en conséquence, à demander l'annulation du jugement attaqué.
6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a déchargé M. D... du complément d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2013, ainsi que des majorations correspondantes, et à demander que ces impositions et majorations soient remises à la charge de M. D... à hauteur des sommes de 38 901 euros en droits et 4 212 euros en majorations.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. D... la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le complément d'impôt sur le revenu et les contributions sociales auxquels M. D... a été assujetti au titre de l'année 2013 sont remis à sa charge ainsi que les majorations correspondantes, à hauteur des sommes de 38 901 euros en droits et 4 212 euros en majorations.
Article 2 : Le jugement n° 1706336 du tribunal administratif de Grenoble du 10 février 2020 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Grenoble ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. C... D....
Délibéré après l'audience du 31 mars 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,
Mme Caraës, première conseillère,
Mme Lesieux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mai 2022.
La présidente-rapporteure,
A. Evrard
L'assesseure la plus ancienne,
R. Caraës
La greffière,
M.-A.... Pillet
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 20LY01507