Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui rembourser la somme de 50 290,44 euros au titre de ses débours, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2018, eux-mêmes capitalisés, ainsi que la somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2018, eux-mêmes capitalisés, et à ce que soit mise à la charge de ce même établissement la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
..., appelé à l'instance, n'a produit aucun mémoire.
Par un jugement n° 1800792 du 13 janvier 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, d'une part, condamné le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme la somme de 15 087,14 euros en remboursement de ses débours, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2018 et capitalisation des intérêts à compter du 9 mars 2019 puis à chaque échéance annuelle, d'autre part, l'a condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme la somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2018 et capitalisation des intérêts un an après, mis les frais et honoraires des expertises, taxés et liquidés pour un montant total de 1 443,46 euros, à la charge définitive du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, enfin, mis à la charge de ce même établissement la somme de 800 euros exposée par la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 mars 2021, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, représentée par Me Nolot, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 1800792 du 13 janvier 2021 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il limite la part de responsabilité du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à 30 % des débours qu'elle a exposés ;
2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui verser la somme de 50 290,44 euros au titre des débours exposés assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2018, eux-mêmes capitalisés ;
3°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui verser la somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, augmentée des intérêts et de leur capitalisation ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand a commis une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service en raison de l'infection nosocomiale contractée par ... lors de son hospitalisation dans cet établissement le 13 janvier 1998 ;
- le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand doit être condamné à lui payer l'intégralité des débours en lien avec cette faute, évalués à la somme provisoire de 50 290,44 euros, sans qu'il y ait lieu de limiter la responsabilité de cet établissement en raison de la faute de la clinique des teinturiers lors de l'hospitalisation de ... en 2005 ou en raison du refus de ce dernier de subir une intervention proposée en juin 2007 ;
Par un mémoire en défense enregistré le 4 janvier 2022, le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, représenté par Me Le Prado, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a retenu des débours exposés postérieurement à 2009.
Il soutient que :
- seuls les frais hospitaliers d'un montant de 2 214,36 euros, avant partage de responsabilité, sont en lien avec l'infection nosocomiale contractée ;
- seuls les frais médicaux, d'appareillage et pharmaceutiques engagés jusqu'à l'année 2009 sont en lien avec celle-ci ;
- c'est à tort que les chefs de préjudices relatifs aux indemnités journalières et à la pension d'invalidité perçue par ... ont été retenus.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bentéjac, première conseillère,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. ... a été victime, le 12 janvier 1998, d'un accident de la circulation à la suite duquel il a été hospitalisé au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand afin d'y subir une intervention portant, notamment, sur la réduction d'une fracture qu'il présentait au niveau du tibia gauche. Le 9 février 1998, un Staphylocoque doré Méthi-R a été retrouvé au niveau du siège des broches inférieures et un traitement antibiotique lui a été administré. Le 10 mars 2005, l'intéressé s'est plaint de douleurs au niveau de la jambe gauche avec impossibilité d'appui. ... a alors été hospitalisé, le 19 mai suivant, à la clinique Sarrus Teinturiers à Toulouse où un germe identique à celui mis en évidence en 1998 a été retrouvé. Malgré le curetage de l'abcès et l'administration d'une antibiothérapie, ... a persisté à présenter un écoulement purulent au niveau du tibia. Estimant que les soins et débours exposés à la suite de l'hospitalisation du 10 mars 2005 étaient en lien avec l'infection initialement contractée au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand en 1998, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme a sollicité du tribunal administratif de Clermont-Ferrand la condamnation de ce centre hospitalier universitaire au versement de la somme de 50 290,44 euros au titre des débours exposés pour la période du 10 mars 2005 au 12 juin 2020. Par jugement du 13 janvier 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, estimant que les soins prodigués en 2005 ainsi que l'attitude de ... avaient contribué à l'aggravation des conséquences de l'infection contractée en 1998, a limité la responsabilité de l'établissement à 30 % des préjudices subis par la victime.
2. Par la présente requête, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme demande l'annulation de ce jugement en tant que le tribunal a limité à 30 % la part de la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand. Par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand conclut également à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a retenu des débours exposés postérieurement à l'année 2009.
Sur la responsabilité :
3. L'introduction accidentelle d'un germe microbien dans l'organisme d'un patient lors d'une hospitalisation antérieure à l'entrée en vigueur des dispositions relatives à la réparation des infections nosocomiales issues de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 révèle une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service hospitalier et engage la responsabilité de celui-ci ; qu'il en va toutefois autrement lorsqu'il est certain que l'infection, si elle s'est déclarée à la suite d'une intervention chirurgicale, a été causée par des germes déjà présents dans l'organisme du patient avant l'hospitalisation, a une autre origine que la prise en charge hospitalière ou encore lorsque la preuve d'une cause étrangère est rapportée par l'établissement de santé.
4. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise ordonnée en référé par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, et cela n'est pas contesté par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand que, d'une part, l'infection constatée en 1998 s'est déclarée au décours de l'intervention chirurgicale du 13 janvier 1998 pratiquée au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, le délai d'apparition et le type de matériel implanté étant d'ailleurs compatibles avec les conditions d'apparition d'une infection nosocomiale et l'origine endogène du germe n'étant pas démontrée. Le fait qu'une telle infection ait pu se produire en 1998 révèle ainsi une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service.
5. D'autre part, il résulte du rapport de l'expert, que l'infection osseuse qui s'est manifestée en 2005 a pour origine, au regard du caractère identique de la souche de Staphylocoque aureus Méthi-R retrouvée en 1998, l'infection sur fiches constatée à cette époque dès lors qu'aucune autre cause n'a été évoquée par l'expert. Si, concernant cette infection constatée en 2005, l'expert évoque le tabagisme important de ... comme facteur de réactivation d'une infection latente, cette hypothèse, évoquée à titre exhaustif mais médicalement non vérifiée par l'expert, n'est toutefois pas de nature à constituer une cause étrangère exonératoire de responsabilité de l'établissement. Ainsi, dès lors qu'il peut être établi un lien direct entre l'infection contractée en 1998 par ... lors de son hospitalisation au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et celle retrouvée en 2005 lors de son hospitalisation à la clinique Sarrus Teinturiers à Toulouse, ce centre hospitalier universitaire doit indemniser les conséquences dommageables de l'infection réactivée en 2005. Les circonstances selon lesquelles la prise en charge de ... en 2005 à la clinique Sarrus Teinturiers à Toulouse a été insuffisante ou que le refus de ... de subir une nouvelle intervention ait eu pour effet d'aggraver les conséquences de l'infection ne sauraient permettre de limiter la part de responsabilité imputable au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand ou restreindre sa responsabilité aux seules conséquences dommageables constatées dans un rapport d'expertise en 2009.
6. Il y a lieu, en conséquence de réformer le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 13 janvier 2021 en tant qu'il limite la part de responsabilité imputable au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à 30 % des préjudices subis par ....
Sur les droits de la CPAM du Puy-de-Dôme :
7. D'une part, il résulte du dernier décompte présenté par la CPAM du Puy-de-Dôme que celle-ci a pris en charge, entre le 19 mai 2005 et le 8 juin 2016, des dépenses de santé constituées de frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques et d'appareillage, en lien direct avec l'infection nosocomiale engageant la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand pour un montant total de 7 441,05 euros. ... n'ayant pas fait état de dépenses de santé demeurées à sa charge, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand le versement à la CPAM du Puy-de-Dôme d'une indemnité de 7 441,05 euros.
8. D'autre part, la CPAM du Puy-de-Dôme établit avoir versé à ... des indemnités journalières pour la période du 10 mars 2005 au 31 décembre 2007 en lien avec l'infection pour un montant de 5 955,73 euros. ..., n'ayant, tout comme précédemment, pas fait état de pertes de revenus, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand la somme de 5 955,73 euros.
9. Enfin, la CPAM du Puy-de-Dôme justifie avoir versé à ... une pension d'invalidité depuis le 1er septembre 2007 jusqu'au 31 mai 2020 dont la moitié est imputable à l'infection osseuse. ... n'ayant, ici encore, pas fait état d'une incidence professionnelle en lien avec l'infection, il y a lieu de mettre à la charge de l'établissement de santé la somme de 36 893,66 euros à ce titre.
10. Les sommes que le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand est condamné à verser à la CPAM du Puy-de-Dôme seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2018, date de sa demande préalable. La demande de capitalisation des intérêts ayant été sollicitée, pour la première fois, le 17 mai 2018, il y sera fait droit à compter du 9 mars 2019, date à laquelle il était dû au moins une année d'intérêts légaux, ainsi qu'à chaque échéance annuelle postérieure.
11. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de porter à la somme de 50 290,44 euros le montant de l'indemnité due par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à la CPAM du Puy-de-Dôme et de rejeter les conclusions d'appel incident du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand.
Sur l'indemnité prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :
12. En application des dispositions combinées des articles L. 376-1 du code de la sécurité sociale et de l'article 1er de l'arrêté du 14 décembre 2021 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion, et compte tenu de la majoration du montant des sommes dont la caisse a obtenu le remboursement, il y a lieu de porter à 1 114 euros le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion qui a été allouée à la CPAM du Puy-de-Dôme et à laquelle elle a droit.
Sur les frais liés au litige :
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Clermont-Ferrand, partie, le versement de la somme de 800 euros réclamée par la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La somme que le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 13 janvier 2021 est portée à la somme de 50 290,44 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2018. Les intérêts échus le 9 mars 2019, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : La somme de 1 091 euros que le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand a été condamnée à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion est portée à 1 114 euros.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 13 janvier 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand versera une somme de 800 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions d'appel incident du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, à M. A... B... et au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand.
Copie en sera adressée à l'Union départementale des associations familiales du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 6 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Bentéjac, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 octobre 2022.
La rapporteure,
C. Bentéjac
Le président,
F. Pourny La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY00709