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08/11/2022 | FRANCE | N°21LY04179

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 08 novembre 2022, 21LY04179


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 28 février 2020 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé de faire droit à sa demande d'obtention du statut d'apatride.

Par un jugement n° 2001229 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 décembre 2021 et le 22 juillet 2022, M. A...,

représenté par Me Le Bel Esquivillon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 mai 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 28 février 2020 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé de faire droit à sa demande d'obtention du statut d'apatride.

Par un jugement n° 2001229 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 décembre 2021 et le 22 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Le Bel Esquivillon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 mai 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 28 février 2020 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

3°) d'enjoindre à l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides de lui octroyer le statut d'apatride ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois au plus et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, une somme de 2 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. A... soutient que :

- la décision en litige a méconnu son droit d'être entendu et le principe de loyauté et est insuffisamment motivée ;

- le jugement attaqué est également insuffisamment motivé ;

- la décision en litige est entachée d'erreur de fait sur la date du dépôt de sa demande de reconnaissance de sa qualité d'apatride en Espagne ;

- il remplit les conditions pour l'obtention du statut d'apatride et la décision en litige méconnaît ainsi les articles L. 812-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision est entachée d'erreur de droit en ce qu'elle ajoute une condition à l'obtention du statut d'apatride et d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle conduit à une rupture d'égalité entre étrangers apatrides et non apatrides.

Par un mémoire enregistré le 29 avril 2022, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, représenté par Me Cano, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 500 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu est inopérant, la charte des droits fondamentaux ne s'appliquant pas en matière d'apatridie ; il en va de même du principe de loyauté dans les relations contractuelles dont le requérant se prévaut ; au demeurant, le moyen manque en fait ;

- la décision en litige est suffisamment motivée et ne contient qu'une erreur de plume sans incidence sur sa légalité ;

- le requérant ne prouve pas qu'il remplit les conditions pour obtenir le statut d'apatride ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de son droit au respect de sa vie privée et familiale est inopérant ;

- aucune condition n'a été ajoutée à la loi.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de New-York relative au statut des apatrides du 28 septembre 1954 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vinet, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,

- et les observations de Me le Bel Esquivillon, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né en 1988 à Mahbes (Sahara-Occidental), est entré irrégulièrement sur le territoire français le 20 octobre 2017. Il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 29 mars 2018, décision qui a été confirmée le 11 juillet 2019 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). M. A... a également formé, le 6 mars 2019, une demande de reconnaissance de la qualité d'apatride sur le fondement de la convention de New-York relative au statut des apatrides du 28 septembre 1954. Par une décision du 28 février 2020, le directeur général de l'OFPRA a rejeté sa demande. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954 : "1. Aux fins de la présente convention, le terme " apatride " désigne une personne qu'aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation. / 2. Cette Convention ne sera pas applicable : i) Aux personnes qui bénéficient actuellement d'une protection ou d'une assistance de la part d'un organisme ou d'une institution des Nations Unies autre que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, tant qu'elles bénéficieront de ladite protection ou de ladite assistance ; ii) Aux personnes considérées par les autorités compétentes du pays dans lequel ces personnes ont établi leur résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays (...) ". Aux termes de l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifié à l'article L. 582-1 de ce code : " La qualité d'apatride est reconnue à toute personne qui répond à la définition de l'article 1er de la convention de New York, du 28 septembre 1954, relative au statut des apatrides. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux apatrides en vertu de cette convention ". L'article L. 812-2 du même code, désormais codifié à l'article L. 582-2 de ce code, dispose que : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides reconnaît la qualité d'apatride aux personnes remplissant les conditions mentionnées à l'article L. 812-1, au terme d'une procédure définie par décret en Conseil d'Etat ". Il incombe à toute personne se prévalant de la qualité d'apatride d'apporter la preuve qu'il remplit les conditions, résultant des textes précités, pour se voir reconnaître cette qualité.

3. Pour rejeter la demande de reconnaissance de la qualité d'apatride formée par M. A..., l'OFPRA, après avoir indiqué que l'identité, les origines et la provenance de M. A... des camps de réfugiés Sahraouis de Tindouf pouvaient être regardées comme établis compte tenu des pièces qu'il produisait, a retenu que celui-ci avait dissimulé une précédente demande de reconnaissance du statut d'apatride formée auprès des autorités espagnoles et a considéré que " par ses dissimulations et son absence de sincérité ", M. A... ne le mettait pas en situation d'apprécier justement son cas, de retracer son parcours et les démarches administratives qu'il aurait accomplies en matière de nationalité et de droit de résidence. Toutefois, il est constant qu'à la date de la décision en litige, l'Espagne n'avait pas reconnu à M. A... la qualité d'apatride, demande qu'elle a d'ailleurs rejetée postérieurement en l'absence de réponse de l'intéressé à une convocation, et que ce dernier disposait uniquement de documents d'identité émis par la République arabe sahraouie démocratique (RASD), que la France ne reconnaît pas comme un Etat. La CNDA, avait d'ailleurs, dans sa décision de rejet mentionnée au point 1 ci-dessus, considéré que M. A... était sans nationalité de ce fait, et rappelé que l'Algérie n'octroie pas nécessairement la nationalité algérienne aux ressortissants de la RASD, ni même de titre de séjour, le cas le plus fréquent étant la délivrance d'un simple document de voyage. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas soutenu par l'OFPRA, qui se borne à se prévaloir de l'absence de sincérité de M. A... sur son parcours administratif antérieur, que ce dernier aurait la nationalité marocaine ou serait considéré par l'Espagne, ou un quelconque autre pays, comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays. Dans ces conditions, M. A... doit être regardé comme démontrant qu'il remplissait, à la date de la décision de rejet en litige, les conditions rappelées ci-dessus au point 2 pour se voir reconnaître la qualité d'apatride. Il suit de là que le moyen tiré de ce que cette décision méconnaît les dispositions précitées doit être accueilli.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. "

6. Les motifs d'annulation, par le présent arrêt, de la décision de rejet du directeur général de l'OFPRA implique nécessairement que l'OFPRA reconnaisse à M. A... le statut d'apatride. Il y a, par suite, lieu d'enjoindre à l'OFPRA de reconnaître à M. A... le statut d'apatride, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me Le Bel Esquivillon, avocate de M. A..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 27 mai 2021 et la décision du directeur général de l'OFPRA du 28 février 2020 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à l'OFPRA de reconnaître à M. A... le statut d'apatride, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera 1 200 euros à Me Le Bel Esquivillon au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, au ministre de l'intérieur et à Me Le Bel Esquivillon.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente,

Mme Camille Vinet, présidente-assesseure,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2022.

La rapporteure,

C. Vinet

La présidente,

M. B...La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY04179


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21LY04179
Date de la décision : 08/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Réfugiés (voir : Asile) et apatrides - Qualité d`apatride - Existence.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : LE BEL ESQUIVILLON

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-11-08;21ly04179 ?
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