Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La région Bourgogne-Franche-Comté a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner sur le fondement de la responsabilité contractuelle, d'une part, la société ABW Patrice Warnant Architecte à lui verser la somme de 404 554,38 euros, d'autre part, les sociétés ME2CO à lui verser 18 000 euros HT soit 21 600 euros TTC et AD1 Constructions à lui verser 4 846,60 euros HT soit 5 815,92 euros TTC, pour chacune augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2019 et leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'elle a subi du fait des fautes de chacune de ces entreprises lors de la réalisation de la dalle du nouveau gymnase du lycée Lamartine à Mâcon ainsi que de mettre la somme de 11 335,38 euros TTC à la charge de la société ME2CO, de la société AD1 Constructions et du cabinet d'architecte ABW Patrice Warnant Architecte solidairement, au titre des frais d'expertise.
Par jugement n° 1901937 du 7 janvier 2021, le tribunal administratif de Dijon a fait partiellement droit à sa demande en condamnant les sociétés ABW Patrice Warnant Architecte, ME2CO et AD1 Constructions à verser à la région Bourgogne-Franche-Comté les sommes respectives de 57 804,38 euros TTC, 21 600 euros TTC, 5 815,92 euros TTC, augmentées des intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2019 avec capitalisation des intérêts à compter du 5 juillet 2020 et a mis à la charge des sociétés ABW Patrice Warnant Architecte, ME2CO et AD1 Construction, d'une part, les sommes de 3854,03 euros, 1416,92 euros et 396,74 euros au titre des frais de l'expertise ordonnée dans l'instance n° 1600184 liquidés et taxés à la somme de 11 335,38 euros et, d'autre part, les sommes de 4261,64 euros, 1566,78 euros et 438,70 euros au titre des frais de l'expertise ordonnée dans l'instance n° 1602444 liquidés et taxés à la somme de 12 534,24 euros.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 5 mars et le 24 novembre 2021, la société ABW Patrice Warnant Architecte, représentée par la Selas ADIDA et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 janvier 2021 en tant qu'il l'a condamnée à indemniser la région Bourgogne-Franche-Comté pour ses fautes ayant concouru aux malfaçons et en tant qu'il a rejeté sa demande de paiement du solde de ses honoraires de maîtrise d'œuvre ;
3°) de limiter la quote-part de sa responsabilité à 20 % pour la dalle et 50 % pour le talus ainsi que pour le dépassement du seuil de tolérance et la quote-part financière de sa condamnation à la somme de 194 716,83 euros HT ;
4°) de condamner in solidum les sociétés ME2CO, AD1 Constructions et Gun Concept à la garantir de toute condamnation qui pourraient être prononcées contre elle au titre du dallage, des pénalités de retard et des pénalités liées au dépassement du seuil de tolérance ;
5°) de condamner in solidum la société De Gata à la garantir de toute condamnation prononcée contre elle au titre du talus, des pénalités de retard et des pénalités liées au dépassement du seuil de tolérance ;
6°) de mettre à la charge de la région Bourgogne-Franche-Comté les frais des deux expertises judiciaires ordonnées dans les instances n° 1600184 et n° 1602444 du tribunal administratif de Dijon, ainsi que celle ordonnée dans l'instance n° 2000459 ; à défaut, de réformer le jugement en limitant sa condamnation au titre des frais d'expertise à la somme de 3 854,03 euros ;
7°) de réformer le jugement en réduisant à de plus justes proportions sa condamnation prononcée par le tribunal en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
8°) de mettre à la charge de la région Bourgogne-Franche-Comté une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les demandes de la région Bourgogne-Franche-Comté sont irrecevables ; c'est à tort que le tribunal l'a condamnée sur le fondement de sa responsabilité contractuelle ; l'ouvrage était déjà réceptionné à la date d'introduction de la demande indemnitaire devant le tribunal ; l'action relevait de la garantie de parfait achèvement, dont la forclusion était acquise depuis le 7 février 2018 ;
- sa faute et le lien de causalité avec le préjudice de la région ne sont pas établis ;
- sa part de responsabilité s'agissant des malfaçons de la dalle ne saurait excéder 20 % ; les 80 % restant devant être partagés entre les sociétés ME2CO et AD1 Constructions ; elle est fondée à appeler ces mêmes sociétés à la garantir totalement de toute condamnation ;
- les travaux de reprise de la dalle ne doivent pas inclure le poste de travaux confié à la société Art Dan dont l'intervention était contractuellement prévue avant la survenue des dommages sur la dalle pour la pose du revêtement du sol ; ces travaux ne sont justifiés par aucune facture ;
- s'agissant des dommages liés au talus, sa responsabilité ne peut être engagée ; elle est fondée à appeler les sociétés De Gata et Gun Concept à la garantir totalement de toute condamnation ;
- la condamnation au profit de la région doit être, le cas échéant, prononcée hors taxes ;
- une rétention de ses honoraires est effectuée par le maître d'ouvrage pour un montant de 41 481,53 euros TTC depuis plus d'un an ; à ce montant s'ajoute le solde du marché pour un montant de 16 880,68 euros TTC ; la région lui doit la somme totale de 58 362,21 euros TTC ; cette somme devra être compensée avec une éventuelle condamnation ;
- le préjudice de jouissance évalué à 346 750 euros, dont la région demande à être indemnisée, n'est pas fondé ; cette pénalité est disproportionnée et devra être modulée ; elle demande à être garantie de toute condamnation par les autres intervenants au chantier ;
- le préjudice du fait du dépassement du seuil de tolérance n'est pas fondé ;
- les frais des expertises judiciaires mis à sa charge ne sauraient excéder 3 854,03 euros.
Par un mémoire enregistré le 15 juillet 2021, la société ME2CO, représentée par la SCP Ducrot et associés, conclut au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident à ce que sa condamnation au titre des frais d'expertise soit limitée à la somme de 1 566,78 euros, enfin, à ce que la requérante lui verse la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les moyens soulevés par la société ABW Patrice Warnant Architecte et visant à minimiser sa responsabilité dans la survenance des dommages affectant la dalle ne sont pas fondés ; dans l'hypothèse d'une condamnation in solidum prononcée à son encontre avec les sociétés ABW Patrice Warnant Architecte et AD1 Constructions, elle demande à ce que ces sociétés la garantissent à hauteur de 75 % ;
- sa condamnation au titre des frais d'expertise n'est justifiée qu'en ce qui concerne la dalle et doit être limitée à la somme de 1 566,78 euros.
Par mémoires enregistrés les 15 juillet 2021, 25 novembre 2021 et 8 novembre 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la région Bourgogne-Franche-Comté, représentée par ADAES Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que la requérante lui verse la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les moyens de la société ABW Patrice Warnant Architecte et visant à minimiser ses responsabilités dans la survenance des dommages affectant la dalle ne sont pas fondés ;
- le préjudice lié au dépassement du seuil de tolérance ainsi que les préjudices relatifs au talus, encore en cours d'expertise, ne sont pas en litige dans la présente instance ;
- les pénalités de retard sont prévues par l'article 14 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles (CCAG PI), applicable au marché de maîtrise d'œuvre ; le délai de 52 semaines pour la préparation et l'exécution du chantier, opposable aux entreprises exécutantes et mentionné au cahier des clauses administratives particulières (CCAP) de chacun des lots et rappelé dans l'acte d'engagement signé avec chaque entrepreneur était aussi opposable au maître d'œuvre ; ce retard d'un an à la livraison du gymnase est imputable entièrement au maître d'œuvre et aux fautes commises s'agissant de la dalle.
Par mémoire enregistré le 16 juillet 2021, la société De Gata, représentée par Me Combier, conclut au rejet de la requête et à ce que la requérante lui verse la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 24 octobre 2022, prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée au 9 novembre suivant.
Par lettre du 24 janvier 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la société ABW Patrice Warnant Architecte, réitérées en appel, tendant à l'exonérer de sa responsabilité pour les dommages relatifs aux malfaçons du talus et au dépassement du seuil de tolérance du marché, dès lors que le jugement attaqué ne statue pas sur ces points et ne règle que les demandes de la région afférentes aux malfaçons de la dalle du gymnase et aux indemnités de retard.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le décret no 78-1306 du 26 décembre 1978 ;
- le décret n° 2006-975 du 1er août 2006 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Psilakis, première conseillère,
- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,
- et les observations de Me Guigué pour la société ABW Patrice Warnant Architecte, celles de Me Hortance pour la région Bourgogne-Franche-Comté et celles de Me Magnon pour la société ME2CO.
Considérant ce qui suit :
1. En vue de la construction et de l'extension du gymnase du lycée Lamartine à Mâcon, la région Bourgogne-Franche-Comté a attribué le 18 juin 2009 la maîtrise d'œuvre de ce projet à un groupement solidaire composé de la société ABW Patrice Warnant Architecte, mandataire, de la SARL BETECAR, devenue la SAS TECO, de la SARL BET Tramier, de l'EURL ECET et de la SARL ME2CO ainsi que, par acte d'engagement du 15 mai 2014, la réalisation du lot n° 1 " gros œuvre " à la société AD1 Constructions. Au cours de l'exécution des travaux, la région Bourgogne-Franche-Comté a constaté des malfaçons, notamment une erreur d'altimétrie de la dalle empêchant toute pose d'un revêtement de sol spécifique aux gymnases. Elle a saisi le tribunal administratif de Dijon lequel a, par ordonnance n° 1600184 du 28 janvier 2016, désigné un expert, afin de constater les travaux réalisés et les non-conformités aux stipulations contractuelles concernant notamment la dalle en béton du gymnase. L'expert a rendu son rapport le 17 juillet 2016. Après nouvelle expertise ordonnée par le tribunal par ordonnance n° 1602444, le même expert a, dans son rapport déposé le 20 janvier 2018, estimé le coût des travaux nécessaires pour remédier à la situation à 71 016.92 euros HT et identifié les fautes respectives des sociétés ABW Patrice Warnant Architecte, ME2CO et AD1 Constructions. La région Bourgogne-Franche-Comté a réceptionné l'ouvrage avec effet rétroactif au 19 septembre 2016, avec des réserves portant notamment sur la dalle. Elle a ensuite demandé au tribunal administratif de Dijon la condamnation, sur le fondement contractuel, d'une part, de la société ABW Patrice Warnant Architecte à lui verser la somme de 404 554,38 euros, d'autre part, de la société ME2CO à lui verser la somme de 18 000 euros HT soit 21 600 euros TTC et, enfin, de la société AD1 Constructions à lui verser la somme de 4 846,60 euros HT soit 5 815,92 euros TTC outre intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2019 et capitalisés, en réparation des préjudices subis du fait des malfaçons de la dalle et des travaux de reprise nécessaires ainsi que la mise à la charge de ces sociétés de la somme totale de 11 335,38 euros TTC au titre des frais d'expertise.
2. Par jugement du 7 janvier 2021 dont la société ABW Patrice Warnant Architecte relève appel, le tribunal a condamné la société ABW Patrice Warnant Architecte à verser à la région Bourgogne-Franche-Comté la somme de 57 804,38 euros TTC sur le fondement contractuel, les sommes de 3 854,03 et 4 261,64 euros au titre des frais d'expertise ainsi que la somme de 3 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de ses demandes. La région Bourgogne-Franche-Comté conclut au rejet de la requête et la société ME2CO présente des conclusions d'appel incident et provoqué.
Sur la recevabilité des conclusions de la société ABW Patrice Warnant Architecte relatives aux malfaçons du talus et au dépassement du seuil de tolérance du marché :
3. Le litige sur lequel le jugement attaqué a statué ne porte que sur les malfaçons de la dalle du gymnase. Les malfaçons du talus, pour lesquelles une troisième expertise a d'ailleurs été diligentée à la demande du maître d'ouvrage, et le préjudice du fait du dépassement du seuil de tolérance du marché ne relèvent ainsi pas du champ du litige soumis au tribunal. Par suite, les conclusions de la société ABW Patrice Warnant Architecte tendant à l'exonérer de sa responsabilité dans la survenue de malfaçons affectant le talus ou dans le dépassement du seuil de tolérance, qui étaient dépourvues d'objet dès leur introduction, sont irrecevables et doivent, à ce titre, être rejetées.
Sur la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle :
En ce qui concerne l'exception de prescription opposée par la société ABW Patrice Warnant Architecte :
4. En l'absence de stipulations particulières prévues par les documents contractuels, lorsque la réception de l'ouvrage est prononcée avec réserves, les rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs se poursuivent au titre des travaux ou des parties de l'ouvrage ayant fait l'objet des réserves.
5. Il résulte de l'instruction que si la réception de l'ouvrage est intervenue le 10 février 2017 avec effet au 19 septembre 2016, le maître d'ouvrage a prononcé cette réception avec des réserves, qui n'ont pas été levées par la suite et qui portent précisément sur " la partie des travaux ayant conduit à la pose d'un sol non conforme (dallage réalisé du 2 au 27 mars 2015 et plancher réalisé du 2 mars au 1er mai 2015 par l'entreprise AD1 Constructions) dans l'attente des conclusions de l'expertise judiciaire. ". Dans ces conditions, la société ABW Patrice Warnant Architecte, constructeur de par sa qualité de maître d'œuvre, n'est pas fondée à soutenir que sa responsabilité sur le fondement contractuel ne pouvait plus être engagée à compter de la réception de l'ouvrage laquelle excluait les opérations relatives au dallage, ni, en tout état de cause, que la demande indemnitaire de la région relevait, en conséquence de cette réception des travaux, de la responsabilité de parfait achèvement, laquelle serait prescrite à la date d'introduction de la demande devant le tribunal.
En ce qui concerne les fautes de la société ABW Patrice Warnant Architecte et la part du préjudice y afférent :
6. Pour demander la réduction de sa quote-part de responsabilité, la société requérante se prévaut des fautes des autres intervenants, les sociétés ME2CO et AD1 Constructions. Il résulte toutefois de l'instruction, notamment du premier rapport d'expertise, que la société ABW Patrice Warnant Architecte a commis des fautes dont elle ne conteste pas la matérialité et qui consistent en des études préalables erronées quant aux réservations nécessaires aux différentes strates de la dalle, réalisées par le groupement de maîtrise d'œuvre dont elle était mandataire, et en un suivi de l'exécution des travaux déficient n'ayant pas permis de remédier à ces erreurs avant le coulage de la dalle. Compte tenu de la gravité de ces fautes et de leur prépondérance dans la survenue des dommages, c'est par une juste appréciation que le tribunal a fixé à 68 % la part de responsabilité incombant à la société ABW Patrice Warnant Architecte. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que sa quote-part de responsabilité devait être ramenée à 20 %.
En ce qui concerne le montant du préjudice :
7. Il résulte de l'instruction que les travaux propres à remédier au défaut d'altimétrie de la dalle du gymnase ont été pris en charge par la région à hauteur de 61 546,92 euros HT selon les factures des sociétés ART DAN et Longepierre, somme à laquelle doivent être ajoutés des frais de maîtrise d'œuvre pour un montant justifié de 8 400 euros HT et des frais de contrôle de l'altimétrie pour un montant justifié de 1 070 euros HT, soit un montant total de 71 016,92 euros HT.
8. La société ABW Patrice Warnant Architecte fait valoir qu'il faut soustraire de cette somme les travaux confiés à la société ART DAN, au motif que cet intervenant était contractuellement en charge, avant la survenue des malfaçons, de la pose du revêtement sportif, dont le financement revient en toute hypothèse au maître d'ouvrage. Il résulte toutefois de l'instruction que les travaux effectués par la société ART DAN pour reprendre les défauts d'altimétrie de la dalle du gymnase ont consisté, compte tenu de l'avancée des travaux lors de leur mise en œuvre, en un rabotage de cette dalle, la réalisation d'une barrière anti-humidité et d'un enduit de ragréage type P3 afin de permettre la pose du revêtement de sol sportif initialement prévu à une altimétrie concordante avec celle des salles adjacentes. Par suite, et dès lors que le coût des travaux de reprise ainsi détaillés n'inclut pas la pose du revêtement initialement prévu au contrat de la société ART DAN, la société ABW Patrice Warnant Architecte n'est pas fondée à demander une réduction, qu'elle ne chiffre d'ailleurs pas, de la somme facturée à la région par la société ART DAN pour ces travaux de reprise.
9. Dans ces conditions et en conséquence de ce qui a été dit au point 6, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a mis à sa charge 68 % du montant des travaux de reprise soit un montant de 48 170,32 euros HT correspondant à la somme de 57 804,38 euros TTC.
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
10. Le montant du préjudice dont le maître d'ouvrage est fondé à demander la réparation aux constructeurs à raison des désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection. Ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable du coût des travaux, à moins que le maître d'ouvrage ne relève d'un régime fiscal lui permettant normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'il a perçue à raison de ses propres opérations. Il résulte de l'article 256 B du code général des impôts que les collectivités territoriales ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs. Si, en vertu de l'article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales, le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée vise à compenser la taxe acquittée par les collectivités territoriales notamment sur leurs dépenses d'investissement, il ne modifie pas le régime fiscal des opérations de ces collectivités. Ainsi, ces dernières dispositions ne font pas obstacle à ce que la taxe sur la valeur ajoutée grevant les travaux de réfection d'un immeuble soit incluse dans le montant de l'indemnité due par les constructeurs à une collectivité territoriale, maître d'ouvrage, alors même que celle-ci peut bénéficier de sommes issues de ce fonds pour cette catégorie de dépenses.
11. En l'espèce, l'agrandissement et la rénovation d'un gymnase d'un établissement public local d'enseignement secondaire de niveau lycée relèvent du champ des services administratifs et éducatifs tels qu'évoqués par l'article 256 B du code général des impôts au point précédent. Par suite, la société ABW Patrice Warnant Architecte, qui n'invoque aucun élément de nature à remettre en cause la présomption en résultant de non assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée de la collectivité à raison de l'activité en cause, n'est pas fondée à soutenir que la condamnation prononcée à son encontre devrait être exprimée hors taxe.
Sur les conclusions de la société ABW Patrice Warnant Architecte tendant au versement d'arriérés d'honoraires de maîtrise d'œuvre :
12. Si la société ABW Patrice Warnant Architecte fait à nouveau valoir en appel que la région Bourgogne-Franche-Comté ne lui a pas réglé le solde du marché de maîtrise d'œuvre, elle ne justifie pas plus qu'en première instance des éléments permettant de déterminer le montant des honoraires déjà versés et le solde du marché. Ses conclusions tendant au versement à ce titre d'une somme de 58 362,21 euros TTC ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
Sur les appels en garantie :
13. Dès lors que la condamnation prononcée par le jugement attaqué de la société ABW Patrice Warnant Architecte ne comportait aucune solidarité avec celle des autres co-contractants, la société requérante n'est pas fondée à rechercher à être garantie par les sociétés ME2CO ou AD1 Constructions de l'indemnité qu'elle doit verser à la région Bourgogne-Franche-Comté, laquelle résulte de ses seules et propres fautes.
14. Par ailleurs, et pour le même motif tenant à l'absence de condamnation solidaire prononcée par le jugement attaqué, les conclusions tendant à appeler en garantie la société ABW Patrice Warnant Architecte présentées par la société ME2CO, dont la situation ne pouvait au demeurant pas être aggravée en appel, ne peuvent qu'être rejetées. Enfin, l'appel provoqué de la société ME2CO envers la société AD1 Constructions doit, pour le même motif, et en tout état de cause, être rejeté.
Sur les dépens :
15. Le tribunal a condamné les sociétés ABW Patrice Warnant Architecte et ME2CO à verser à la région Bourgogne-Franche-Comté les frais de l'expertise ordonnée dans l'instance n° 1600184 liquidés et taxés à la somme de 11 335,38 euros à hauteur respectivement de 3 854,03 euros et de 1 416,92 euros, ainsi que les frais de l'expertise ordonnée dans l'instance n° 1602444 liquidés et taxés à la somme de 12 534,24 euros à hauteur respectivement de 4 261,64 euros et de 1 566,78 euros. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de maintenir ces condamnations telles qu'elles ont été arrêtées par le jugement.
Sur les frais exposés par la société ABW Patrice Warnant Architecte devant le tribunal :
16. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en mettant à la charge de la société ABW Patrice Warnant Architecte, en sa qualité de partie perdante en première instance, une somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal aurait fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce.
Sur les frais d'instance :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Bourgogne-Franche-Comté, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société ABW Patrice Warnant Architecte demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société ABW Patrice Warnant Architecte les sommes que les sociétés ME2CO et De Gata et la région Bourgogne-Franche-Comté demandent au titre de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société ABW Patrice Warnant Architecte est rejetée.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société ABW Patrice Warnant Architecte, aux sociétés ME2CO et De Gata, à la SCP Jean-Jacques Deslorieux, liquidateur judiciaire de la société AD1 Constructions et à la région Bourgogne-Franche-Comté.
Délibéré après l'audience du 16 février 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,
Mme Duguit-Larcher, première conseillère,
Mme Psilakis, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mars 2023.
La rapporteure,
Ch. Psilakis
La présidente,
A. Evrard
La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Le greffier,
2
N° 21LY00694