Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 13 janvier 2022 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2200282 du 7 mars 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 avril 2022, M. A... B..., représenté par Me Boy, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2200282 du 7 mars 2022 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 13 janvier 2022 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire méconnait les articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français doit être annulée en conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et du refus d'octroi d'un délai de départ volontaire ; elle méconnait l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Le préfet de la Haute-Savoie, régulièrement mis en cause, n'a pas produit.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience, à laquelle elles n'étaient ni présentes ni représentées.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité algérienne, a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation des décisions du 13 janvier 2022 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement du 7 mars 2022, le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
2. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est né en Algérie en janvier 2000 et qu'il est de nationalité algérienne. Il est entré en France à une date et dans des conditions non déterminées, après être entré en Espagne en avril 2019 sous couvert d'un visa Schengen espagnol de court séjour. Il fait valoir un recrutement comme pizzaiolo, dans une entreprise située à Fontenay-sous-Bois, sous couvert d'une adresse déclarée à Paris. Il a été appréhendé à Chamonix en situation irrégulière. Il ne justifie d'aucune attache particulière ancrée dans la durée sur le territoire français. Enfin, il ne conteste pas que sa famille est demeurée dans son pays d'origine, où il a lui-même vécu l'essentiel de son existence. Eu égard à la durée et aux conditions de son séjour, le préfet de la Haute-Savoie, en décidant son éloignement, n'a pas porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts que cette décision poursuivait. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en conséquence, être écarté. Le préfet n'a pas davantage, pour les mêmes motifs, commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant.
Sur la légalité du refus de délai de départ volontaire :
3. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ".
4. S'il est vrai qu'après avoir été informé lors d'une audition par les services de police le 13 janvier 2022 qu'il pourrait être reconduit en Algérie ou dans un autre pays, puis été invité à présenter des observations, le requérant a indiqué, à titre d'observations, ne pas souhaiter retourner en Algérie, cette seule déclaration ne peut en l'espèce être regardée comme la déclaration explicite de son intention de ne pas se conformer à une éventuelle obligation de quitter le territoire français au sens du 4° de l'article L. 612-3 précité.
5. Toutefois, d'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait présenté son passeport ou tout autre document d'identité ou de circulation aux services préfectoraux. Le procès-verbal du 13 janvier 2022 fait au contraire apparaitre qu'il n'a pas donné suite aux demandes des services de police tendant à la remise de son passeport ou de tout document d'identité ou de circulation et qu'il leur a indiqué voyager délibérément sans ces documents pour qu'ils ne puissent être saisis. Il doit donc être regardé comme ayant refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour, au sens du 8° du même article. En outre, ainsi que l'a relevé également le préfet, l'intéressé ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale au sens du 8° du même article. D'autre part, si le requérant a produit dans le cadre de l'instance contentieuse un passeport et un visa Schengen espagnol de court séjour, toutefois, ainsi que l'a relevé le préfet, son passeport mentionne une entrée régulière en Espagne sous couvert de ce visa, mais ne comporte aucun élément permettant d'estimer qu'il serait entré régulièrement sur le territoire français. C'est dès lors à juste titre que le préfet a également retenu le motif tiré du 1° de l'article L. 612-3 précité, d'ailleurs expressément admis par le requérant. Il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire s'il s'était fondé sur ces motifs, non contestés et qui suffisent à fonder légalement la décision.
6. Enfin, le requérant ne fait valoir aucune circonstance particulière pertinente au sens de l'article L. 612-3 précité de nature à justifier l'octroi d'un délai de départ volontaire.
7. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni que le préfet aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus de délai de départ volontaire.
9. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
10. S'il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant aurait fait l'objet antérieurement d'une mesure d'éloignement, ni que son comportement révélerait une menace pour l'ordre public, il en ressort en revanche, ainsi qu'il a été dit, que sa durée de présence demeure très brève et qu'il ne justifie pas d'attaches privées et familiales particulières en France. Dans ces conditions, compte tenu du caractère délibérément irrégulier de son maintien sur le territoire français, c'est sans erreur d'appréciation que le préfet a décidé d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 23 février 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Bentéjac, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023.
Le rapporteur,
H. Stillmunkes
Le président,
F. Pourny
La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 2201071