Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 626 381 euros en réparation des préjudices résultant d'un accident survenu le 6 mai 2016.
La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Isère a présenté des conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 644 168,07 euros, outre l'indemnité forfaitaire de gestion.
Par un jugement n° 1906819 du 28 janvier 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté l'ensemble de ces conclusions.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 mars 2021, ensemble des mémoires complémentaires enregistrés les 6 juillet 2021 et 20 décembre 2021, M. A... B..., représenté par Me Gerbi, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1906819 du 28 janvier 2021 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 972 036 euros en réparation des préjudices résultant d'un accident survenu le 6 mai 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement n'est pas motivé dès lors que le tribunal s'est appuyé sur des faits inexacts et a dénaturé les pièces du dossier en retenant que les dommages n'étaient pas imputables à la glissière de sécurité ;
- la circulaire n° 99-68 du 1er octobre 1999 préconise la mise en place de glissières spécialement adaptées, dont l'absence caractérise un défaut d'entretien normal ;
- les préjudices sont uniquement imputables à la présence de gravillons et à l'absence dans la glissière de lisses basses " écran inférieur motocycliste ", alors que le virage est identifié comme dangereux ;
- il subit un déficit fonctionnel temporaire et permanent, des souffrances, un préjudice esthétique temporaire et permanent, un préjudice de frais divers, un préjudice temporaire puis permanent d'assistance par une tierce personne, un préjudice sexuel, des frais de véhicule adapté, des frais de dépenses de santé futures, un préjudice d'agrément et un préjudice d'incidence professionnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 décembre 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- le jugement est régulièrement motivé ;
- l'ouvrage était normalement entretenu et la circulaire invoquée ne créait aucune obligation d'installer des glissières de sécurité spécifiques.
Par ordonnance du 23 novembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 20 décembre 2021 à 16h30. Par ordonnance du 7 janvier 2022, la clôture d'instruction a été reportée au 21 février 2022 à 16h30.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Gerbi, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 29 février 1996, a été victime le 6 mai 2016 d'un accident de moto, qu'il impute à un défaut d'entretien de la route nationale n° 85. Par le jugement attaqué du 28 janvier 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande indemnitaire dirigée contre l'Etat, ainsi que les conclusions indemnitaires de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Isère.
Sur la régularité du jugement :
2. Le tribunal a indiqué les motifs qui fondent son jugement, qui est ainsi régulièrement motivé. Si, sous couvert de motivation, le requérant conteste l'exactitude des faits retenus et l'appréciation portée par le tribunal, ces arguments, qui portent en réalité sur le bien-fondé du jugement, ne sont pas susceptibles de caractériser une irrégularité de ce jugement.
Sur le fond :
3. Une collectivité publique peut en principe s'exonérer de la responsabilité qu'elle encourt à l'égard des usagers d'un ouvrage public victimes d'un dommage causé par l'ouvrage si elle apporte la preuve que ledit ouvrage a été normalement aménagé et entretenu.
4. Il résulte de l'instruction et notamment du procès-verbal de synthèse de l'enquête de gendarmerie, que le 6 mai 2016 vers 16 heures, M. B..., qui circulait à moto sur la route nationale n° 85, a été victime d'une chute après avoir quitté la commune de Corps en direction de la commune de La Mure. Sa moto a dérapé dans un virage en épingle à cheveux et le procès-verbal relève que M. B... a heurté la glissière de sécurité.
5. Il résulte tout d'abord des pièces produites en défense que la dangerosité du virage était signalée, à la fois par un panneau et par des chevrons, et que la vitesse était spécialement limitée à 50 km/h. Dans cette zone de montagne, la chute et la présence possibles de rochers étaient par ailleurs également signalées par un panneau spécifique. Des filets de retenue avaient en outre été mis en place dans le secteur pour prévenir la chute de débris rocheux. Enfin, si la présence de graviers sur le tracé de la chaussée est attestée, il ne résulte pas de l'instruction que leur présence aurait été importante et aurait excédé les obstacles que les usagers d'une route dans un secteur de ce type, spécialement avertis, doivent s'attendre à rencontrer.
6. Par ailleurs, le requérant se prévaut de la circulaire n° 99-68 du 1er octobre 1999 du ministre de l'équipement, du transport et du logement, relative aux conditions d'emploi des dispositifs de retenue adaptés aux motocyclistes. Il soutient, en se fondant sur l'analyse faite sur pièces, à sa demande, par un expert en véhicules, puis sur une nouvelle expertise privée produite devant la cour, également faite sur pièces à sa demande, que la glissière de sécurité ou le parapet auraient dû être équipés de lisses basses " écran inférieur motocyclistes ". Cette circulaire relève toutefois que le coût des équipements de retenue spéciaux ne permet pas leur déploiement généralisé. Pour les infrastructures existantes, leur mise en place n'est préconisée qu'en fonction d'une analyse complémentaire de l'accidentologie, destinée à faire ressortir des particularités locales, dans le cadre d'un programme pluriannuel. Le fascicule du CERTU (centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques) qui est également produit relève, de même, que, compte tenu de leur coût et des contraintes d'installation et d'entretien, les équipements intégrant une protection motocycliste n'ont pas vocation à couvrir l'ensemble du réseau. Ils sont notamment mis en place dans les zones sensibles où les chutes d'usagers deux-roues motorisés sont statistiquement plus fréquentes qu'ailleurs. Alors que l'instruction ne conduit pas à constater une accidentologie particulière dans le secteur en cause, l'absence de l'équipement spécifique invoqué par le requérant ne peut donc être regardée, en l'espèce, comme révélant un défaut de prise en compte des précautions d'aménagement préconisées dans cette circulaire.
7. Il résulte de ce qui précède que l'Etat doit être regardé comme établissant l'entretien normal de la voie. Sa responsabilité ne peut dès lors être engagée sur le fondement du régime applicable aux dommages de travaux publics causés aux usagers d'un ouvrage public.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les dépens :
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de maintenir les dépens à la charge de l'Etat.
Sur les frais de l'instance :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Isère, à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Rhône et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré après l'audience du 9 mars 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Bentéjac, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2023.
Le rapporteur,
H. Stillmunkes
Le président,
F. Pourny
La greffière,
E. Labrosse
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY00895