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04/05/2023 | FRANCE | N°22LY01776

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 04 mai 2023, 22LY01776


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Grenoble à lui verser la somme totale de 86 610 euros en réparation du préjudice que lui a causé l'absence de cotisation à la tranche T2 de l'assurance complémentaire retraite gérée par l'Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (ARRCO).

Par un jugement n° 1605076 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la CCI de Grenob

le à verser à M. B... la somme de 5 000 euros, et a rejeté le surplus de ses conclu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Grenoble à lui verser la somme totale de 86 610 euros en réparation du préjudice que lui a causé l'absence de cotisation à la tranche T2 de l'assurance complémentaire retraite gérée par l'Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (ARRCO).

Par un jugement n° 1605076 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la CCI de Grenoble à verser à M. B... la somme de 5 000 euros, et a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires.

Par un arrêt n° 19LY00649 du 18 mars 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du tribunal administratif, en tant qu'il a partiellement fait droit aux conclusions indemnitaires de M. B..., et a rejeté ces conclusions indemnitaires.

Par une décision n° 452733 du 10 juin 2022, le Conseil d'Etat a annulé l'article 2 de l'arrêt de la Cour, en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. B... tendant à l'indemnisation des préjudices autres que le préjudice moral, et a renvoyé l'affaire à la cour dans cette mesure.

Procédure devant la cour :

Par des mémoires complémentaires enregistrés les 13 juillet 2022, 3 novembre 2022 et 24 décembre 2022, la chambre de commerce et d'industrie de Grenoble, représentée par Me Bousquet, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La CCI de Grenoble soutient que :

- la créance restant en litige est prescrite, M. B... ne pouvant légitimement ignorer les textes applicables et pouvant déterminer l'étendue de son préjudice ;

- le préjudice financier invoqué n'est en outre qu'éventuel, dès lors que M. B... n'a pas fait valoir ses droits à retraite et qu'il ne justifie pas de circonstances particulières ;

- subsidiairement, les montants réclamés par M. B... au titre du préjudice financier sont excessifs, dès lors qu'il convient de tenir compte de la date de titularisation, de l'exercice des fonctions à temps partiel, de la régularisation des cotisations à partir de 2011, de son espérance de vie, du taux prévisible de retraite et de la part salariale des cotisations ;

- le préjudice moral a été écarté par la cour dans une partie non cassée de son arrêt ;

- l'injonction demandée est irrecevable dès lors que le juge administratif ne dispose pas d'un pouvoir d'injonction en dehors d'une disposition expresse ; elle est en outre nouvelle en appel.

Par des mémoires complémentaires enregistrés les 15 septembre 2022 et 2 décembre 2022, M. A... B..., représenté par VEDESI, SCP d'avocats Schmidt-Vergnon-Pelissier-Thierry-Eard-Aminthas et Tissot, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1605076 du 20 décembre 2018 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de condamner la chambre de commerce et d'industrie de Grenoble à lui verser, d'une part, la somme de 80 809 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2016 et capitalisation à compter du 12 septembre 2017, d'autre part, la somme de 10 000 euros, en réparation du préjudice que lui a causé l'absence de cotisation à la tranche T2 de l'assurance complémentaire retraite gérée par l'ARRCO ;

3°) subsidiairement, d'enjoindre à la CCI de Grenoble de régulariser sa situation par versement des parts salariales et patronales des cotisations T2 ARRCO, dans un délai de six mois et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la CCI de Grenoble une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- la créance n'est pas prescrite, dès lors qu'il n'a pas encore pris sa retraite et, en tout état de cause, qu'il ignorait légitimement l'omission partielle de règlement des cotisations ;

- la CCI a commis une faute en ne réglant pas l'intégralité des cotisations dues ;

- il a subi un préjudice depuis son engagement comme contractuel, puisqu'il aurait dû être titularisé avant 2006 ;

- il a subi un préjudice financier tenant à la perte d'un droit additionnel à retraite complémentaire, du fait de l'absence de cotisations suffisantes entre 1995 et 2011 ;

- les périodes de temps partiel auraient dû donner lieu à cotisation complète en application de l'article 26A du statut, y compris postérieurement à 2011 ;

- l'espérance de vie des hommes ne peut, sans discrimination, être inférieure à l'espérance de vie des femmes ;

- l'omission de la part salariale des cotisations doit être prise en compte ;

- le préjudice financier subi n'est pas purement éventuel ;

- la perte de droits à retraite complémentaire doit être indemnisée entièrement, et non sous forme forfaitaire comme l'a fait le tribunal ;

- il a également subi un préjudice moral.

Par ordonnance du 19 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 22 août 2022 à 16h30. Par ordonnance du 2 août 2022, la clôture d'instruction a été reportée au 15 septembre 2022 à 16h30. Par ordonnance du 16 septembre 2022, la clôture d'instruction a été reportée au 21 octobre 2022 à 16h30. Par ordonnance du 12 octobre 2022, la clôture d'instruction a été reportée au 15 novembre 2022 à 16h30. Par ordonnance du 14 novembre 2022, la clôture d'instruction a été reportée au 2 décembre 2022 à 16h30. Par ordonnance du 5 décembre 2022, la clôture d'instruction a été reportée au 5 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2004/113/CE du 13 décembre 2004 mettant en œuvre le principe de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l'accès à des biens et services et la fourniture de biens et services ;

- le code civil ;

- le code de commerce ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010, notamment le III de l'article 40 ;

- l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie et des groupements interconsulaires, ensemble le règlement de prévoyance sociale et de retraite du personnel administratif des chambres de commerce homologué par arrêté ministériel du 25 mai 1956, modifié, en dernier lieu, le 17 décembre 2001 et annexé à l'article 52 du statut ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- les observations de Me Laurent, représentant M. B...,

- et les observations de Me Bousquet, représentant la chambre de commerce et d'industrie de Grenoble.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été recruté sous contrat, le 1er septembre 1995, par la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Grenoble, pour exercer des fonctions d'enseignant à temps partiel. Il a été titularisé au 1er mars 2006. Alerté par la voie syndicale de ce que son employeur ne s'était pas acquitté de la tranche dite " T2 " des cotisations du régime de retraite complémentaire auquel étaient affiliés les personnels d'encadrement et d'enseignement statutaires des chambres de commerce, M. B... a présenté, en mai 2016, une demande d'indemnisation de la minoration qui en résulte de sa future pension de retraite complémentaire. Le 7 juillet 2016, le président de la CCI a rejeté sa demande au motif que l'établissement avait rétroactivement acquitté auprès de l'association des régimes de retraite complémentaire des salariés (ARRCO, devenue AGIRC-ARRCO), gestionnaire du régime, l'ensemble des cotisations omises pour la période du 1er janvier 2011 au 31 août 2015, et a opposé la prescription quadriennale pour le surplus, c'est-à-dire les préjudices tenant à l'omission de règlement des cotisations antérieures à 2011. Saisi du litige, le tribunal administratif de Grenoble, par jugement du 20 décembre 2018, a condamné la CCI à verser à M. B... une somme de 5 000 euros au titre de la perte d'une chance de bénéficier d'une pension de retraite plus élevée que celle à laquelle il aura droit, et a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires. Par un arrêt du 18 mars 2021, la cour a annulé ce jugement pour irrégularité en tant qu'il fait droit partiellement à la demande indemnitaire, et a rejeté l'intégralité des conclusions indemnitaires de M. B.... Par une décision du 10 juin 2022, le Conseil d'Etat a annulé l'article 2 de l'arrêt du 18 mars 2021 de la cour, en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. B... tendant à l'indemnisation des préjudices autres que le préjudice moral, et a renvoyé l'affaire à la cour dans cette mesure.

Sur l'objet du litige :

2. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le litige dont la cour est saisie ne porte que sur la réparation du préjudice financier résultant de l'absence partielle de règlement par la CCI de Grenoble des cotisations du régime de retraite complémentaire bénéficiant à M. B.... Ce dernier ne peut dès lors invoquer le préjudice moral qu'il soutient avoir par ailleurs subi, sur lequel il a déjà été statué dans la partie non annulée de l'arrêt de la cour du 18 mars 2021. Par ailleurs, le jugement ayant été annulé en tant qu'il statue sur le préjudice financier, et la cassation prononcée ne remettant pas en cause cette annulation partielle du jugement pour irrégularité, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de M. B... tendant à la réparation de son préjudice financier.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

3. Contrairement à ce que soutient la CCI de Grenoble, la requête d'appel de M. B... est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative concernant les conclusions restant en litige.

Sur les conclusions tendant à la réparation du préjudice financier :

En ce qui concerne les cotisations de retraite complémentaire pour la période courant à partir de 2011 :

4. Il est constant que la CCI de Grenoble a régularisé l'omission de règlement des cotisations dues à compter du 1er janvier 2011. Il est également constant que les modalités de mise en œuvre du régime de retraite complémentaire prévoient que les cotisations sont calculées sur la base d'un pourcentage des rémunérations versées et n'impliquent dès lors pas que M. B... aurait dû bénéficier de la constitution de droits à retraite complémentaire à hauteur d'une rémunération forfaitisée au taux d'un temps plein pour les périodes où il a travaillé à temps partiel. Si l'article 26A du statut prévoit que " En ce qui concerne la retraite, le calcul d'annuités est fait en fonction de la durée effective de travail et le montant de la pension est calculé sur la base de la rémunération à temps complet ", ces dispositions ne concernent pas les cotisations du régime de retraite complémentaire en litige. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que la régularisation opérée aurait été insuffisante au seul motif que les cotisations n'ont pas été calculées sur le fondement d'un temps plein pour les périodes où M. B... a travaillé à temps partiel. Aucun préjudice financier ne peut donc être caractérisé au titre d'une omission à compter du 1er janvier 2011.

En ce qui concerne les cotisations de retraite complémentaire pour la période antérieure à 2011 :

S'agissant de l'exception de prescription :

5. Aux termes de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ".

6. Il résulte de l'instruction que, compte tenu des seules informations dont bénéficiait M. B..., sous la forme de mentions elliptiques sur son bulletin de paye, selon des modalités qui ont varié dans le temps, sans que l'omission partielle de règlement puisse en être déduite, il a pu en l'espèce légitimement ignorer jusqu'en 2015 la circonstance que la CCI de Grenoble ne réglait que partiellement les cotisations dues au titre du régime de retraite complémentaire géré par l'ARRCO. La CCI de Grenoble ne peut à cet égard soutenir qu'il aurait appartenu à M. B... de comparer ligne à ligne ses bulletins de paie avec ceux d'autres agents, alors que ces derniers documents, qui concernent la situation personnelle de tiers, ne lui étaient pas directement accessibles. Il est enfin constant que M. B..., dès qu'il a été informé de cette omission en 2015 par voie syndicale, a formé à bref délai une demande indemnitaire préalable, rejetée le 7 juillet 2016, puis une action indemnitaire, enregistrée devant le tribunal administratif de Grenoble dès le 7 septembre 2016. Aucune prescription quadriennale ne peut dès lors lui être opposée.

S'agissant du principe de la responsabilité :

7. Il est constant que la CCI a omis de régler intégralement les cotisations dues au titre du régime de retraite complémentaire ARRCO garanti statutairement à M. B.... Elle a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de ce dernier.

8. Il résulte des dispositions statutaires des chambres de commerce et d'industrie, ainsi que du règlement de prévoyance sociale et de retraite annexé à l'article 52 de ces statuts, que ces dispositions visent, selon l'article 1er des statuts, les " agents ayant la qualité d'agent de droit public et qui occupent un emploi permanent à temps complet " ou " travaillant à temps partiel, à condition que ces agents accomplissent un service au moins égal à la moitié de la durée hebdomadaire du travail d'un agent à temps complet et qu'ils n'exercent aucune autre activité professionnelle rémunérée ou non ". En revanche, l'article 52 ne concerne pas les agents contractuels, dont le régime est défini par le seul titre IV du statut. Ainsi, M. B... ne peut invoquer la faute consistant dans le non-versement des cotisations d'assurance retraite complémentaires prévues statutairement qu'à compter du 1er mars 2006, date de sa titularisation, à partir de laquelle il est constant qu'il a travaillé, soit à temps partiel à plus de 50 % et de façon exclusive, soit à temps complet. Il ne peut exciper de l'illégalité de la décision individuelle de titularisation, devenue définitive, en soutenant qu'elle aurait dû prendre effet à une date antérieure. La période fautive part donc du 1er mars 2006 et s'est prolongée sans interruption jusqu'au 31 décembre 2010, générant ainsi un déficit de cotisation, qui a entrainé une perte partielle de droits à retraite complémentaire.

S'agissant du montant du préjudice :

9. En premier lieu, pour être indemnisable, le préjudice résultant d'un montant de pension de retraite future minorée du fait de l'absence fautive de versement par l'employeur de cotisations patronales et salariales du régime de retraite complémentaire ne peut être pris en compte qu'à la condition, en principe, que cet agent ait présenté, dans le respect de la réglementation et des délais qu'elle impose, une demande tendant à être admis à faire valoir ses droits à la retraite et précisant la date d'effet de celle-ci. Il peut toutefois en aller autrement dans le cas où, même s'il n'a pas encore présenté sa demande, l'agent fait état de circonstances particulières permettant de regarder le préjudice dont il se prévaut comme suffisamment certain.

10. En l'espèce, il résulte de l'instruction que M. B... est né le 13 décembre 1959. Il a été recruté par la CCI de Grenoble, en qualité d'enseignant, en 1995 et y exerce son activité de façon constante depuis, ayant en outre été titularisé en 2006. Enfin, la CCI indique que, par courrier du 23 octobre 2020, il a fait part de son intention d'être admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er janvier 2023, alors qu'il exerce toujours la même activité pour le compte de la CCI. Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances particulières, et en tout état de cause de la demande d'admission à la retraite qui a déjà été formée et admise, le préjudice de perte de droits à retraite complémentaire subi par M. B... ne peut, en l'espèce, être regardé comme purement éventuel.

11. En deuxième lieu, il est constant que les modalités du régime de retraite complémentaire prévoient que les cotisations sont calculées sur la base d'un pourcentage des rémunérations versées, et n'impliquent dès lors pas que M. B... aurait dû bénéficier de la constitution de droits à retraite complémentaire à hauteur d'une rémunération forfaitisée au taux d'un temps plein pour les périodes où il a travaillé à temps partiel. Si l'article 26A du statut prévoit que " En ce qui concerne la retraite, le calcul d'annuités est fait en fonction de la durée effective de travail et le montant de la pension est calculé sur la base de la rémunération à temps complet ", ces dispositions ne concernent pas les cotisations du régime de retraite complémentaire en litige. La CCI a produit une reconstitution, non sérieusement contestée, fondée sur les rémunérations effectivement versées durant la période litigieuse, dont il résulte que, compte tenu du taux de 5 % (6,25 % appelés) qui aurait dû être consacré à la constitution de droits à retraite complémentaire, M. B... aurait dû bénéficier de la constitution de 1 031,51 points, ce qui, à la valeur du point, aurait dû lui permettre de bénéficier de droits additionnels à retraite complémentaire à hauteur d'un montant annuel de 1 325 euros.

12. En troisième lieu, d'une part, ainsi qu'il a été dit, M. B... a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er janvier 2023. Eu égard au montant précité de droits à retraite perdu en conséquence de la faute commise par la CCI de Grenoble, le montant échu du préjudice à la date du présent arrêt s'élève dès lors à 441,67 euros.

13. D'autre part, s'agissant du préjudice futur, M. B... est âgé de 63 ans à la date du présent arrêt. Eu égard au taux de capitalisation de 19,558 déterminé, pour une personne de sexe masculin âgée de 63 ans, par la table de capitalisation établie par l'ONIAM pour les besoins de l'édition du 1er avril 2022 de son référentiel d'indemnisation, M. B... peut ainsi prétendre à la somme totale de 25 914,35 euros correspondant à la capitalisation du montant annuel de la perte de droits à retraite complémentaire qu'il a subie. La circonstance que les tables de mortalité révèlent une espérance de vie différente pour les femmes et les hommes, ce qui impacte nécessairement les conditions de capitalisation viagère d'un préjudice, constitue un constat de fait caractérisant une différence objective et pertinente de situation, qui doit être prise en compte dans la réparation intégrale du préjudice, et non une discrimination liée au sexe. M. B... n'est dès lors pas fondé à demander à bénéficier d'un taux de capitalisation selon la table applicable aux femmes.

14. En quatrième lieu, il résulte toutefois de l'instruction que les cotisations omises comprenaient, pour 2/3 la part patronale et pour 1/3 la part salariale. Si cette dernière n'a pas été versée à l'ARRCO pour constituer des droits à retraite complémentaire, elle n'a pas non plus été prélevée sur les salaires versés à M. B..., constituant ainsi à son bénéfice une majoration de salaire net, qu'invoque la CCI et qui est de nature à venir en compensation du préjudice subi. Il résulte de la reconstitution financière précitée produite par la CCI en appel et non sérieusement contestée, que la part salariale des cotisations omises, pour la période litigieuse, s'élevait au montant total de 5 923 euros. Ce montant, qui a bénéficié à M. B..., doit ainsi être déduit du préjudice indemnisable, qui s'élève dès lors à 20 433,02 euros.

15. En cinquième lieu, la somme précitée due à M. B... doit être assortie d'intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2016, date de réception de sa demande indemnitaire préalable. La capitalisation des intérêts a été demandée pour la première fois dans le mémoire enregistré en première instance le 25 juin 2018. A cette date, il était dû au moins une année d'intérêts. La capitalisation doit donc intervenir au 25 juin 2018 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

16. La condamnation prononcée par le présent arrêt, qui assure la réparation intégrale du préjudice restant en litige, n'implique aucune autre mesure. Les conclusions de M. B... tendant à ce qu'il soit enjoint à la CCI de procéder à la régularisation du versement des cotisations omises ne peuvent donc être accueillies.

Sur les frais de l'instance :

17. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la CCI de Grenoble la somme de 1 500 euros à verser à M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La CCI étant la partie perdante pour l'essentiel, ses conclusions présentées sur le même fondement doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La chambre de commerce et d'industrie de Grenoble est condamnée à verser à M. A... B... la somme de 20 433,02 euros, portant intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2016, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés au 25 juin 2018 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 2 : La somme de 1 500 euros, à verser à M. A... B..., est mise à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de Grenoble sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties restant en litige est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la chambre de commerce et d'industrie de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Bentéjac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mai 2023.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01776


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01776
Date de la décision : 04/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Pensions - Régimes particuliers de retraite - Pensions diverses.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Caractère certain du préjudice.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Compensation.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : VEDESI - SCP SCHMIDT VERGNON PELISSIER THIERRY EARD-AMINTHAS et TISSOT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-05-04;22ly01776 ?
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