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25/05/2023 | FRANCE | N°21LY02528

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 25 mai 2023, 21LY02528


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Teixeira Sdfp a demandé au tribunal administratif de Grenoble, à titre principal, d'ordonner, avant dire droit et si le tribunal estimait devoir être éclairé sur le calcul des superficies, une expertise afin de décrire les travaux réalisés et d'établir les surfaces des bâtiments du marché ou, à défaut, de solliciter un avis, à titre subsidiaire, de condamner solidairement l'office public de l'habitat (OPH) " Alpes Isère Habitat " et la société Isis Architecture et Urbanisme à lui verse

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Par un jugement n° 1902819 du 20 mai 2021, le tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Teixeira Sdfp a demandé au tribunal administratif de Grenoble, à titre principal, d'ordonner, avant dire droit et si le tribunal estimait devoir être éclairé sur le calcul des superficies, une expertise afin de décrire les travaux réalisés et d'établir les surfaces des bâtiments du marché ou, à défaut, de solliciter un avis, à titre subsidiaire, de condamner solidairement l'office public de l'habitat (OPH) " Alpes Isère Habitat " et la société Isis Architecture et Urbanisme à lui verser la somme de 145 020 euros TTC.

Par un jugement n° 1902819 du 20 mai 2021, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 juillet 2021, la société Teixeira Sdfp, représentée par la SELARL Cabinet Riondet, avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner solidairement l'office public de l'habitat (OPH) Alpes Isère Habitat et la société Isis Architecture et Urbanisme à lui verser la somme de 145 020 euros TTC, augmentée des intérêts au taux légal et des intérêts moratoires complémentaires courant à compter de sa requête d'appel, le cas échéant , après avoir ordonné une expertise avant dire-droit ;

3°) de mettre solidairement à la charge de l'OPH Alpes Isère Habitat et de la société Isis Architecture et Urbanisme la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête d'appel est recevable ;

- sa demande devant le tribunal était recevable ;

- elle est fondée à réclamer au maître d'ouvrage le paiement des travaux supplémentaires, indispensables à l'exécution du marché, qui n'étaient pas inclus dans son forfait de rémunération ;

- elle est fondée à demander, à raison de la faute commise par le maître d'ouvrage dans la définition de ses besoins, la réparation du préjudice correspondant au montant de ces travaux supplémentaires ;

- si elle n'avait pas clairement mentionné le fondement juridique de sa demande dirigée contre le maître d'œuvre devant le tribunal, elle s'était prévalu de la faute quasi-délictuelle de celui-ci, de sorte que c'est à tort que le tribunal a considéré qu'elle recherchait la responsabilité du maître d'œuvre sur le même fondement que le maître d'ouvrage ;

- la responsabilité quasi-délictuelle du maître d'œuvre doit être engagée à raison de la faute qu'il a commise sur les métrés figurant dans la décomposition du prix global et forfaitaire ;

- à supposer qu'une faute puisse être retenue à son égard, celle-ci ne saurait représenter plus du tiers du préjudice, ce qui correspond à la réduction de sa demande indemnitaire à laquelle elle a spontanément procédé devant le tribunal ;

- elle a réalisé des travaux supplémentaires pour un montant de 181 275,10 euros HT, soit 217 530, 12 euros TTC.

Par mémoire enregistré le 20 juillet 2022, la société Isis Architecture et Urbanisme, représentée par la SELARL Deniau avocats Grenoble, conclut au rejet de la requête et demande à la cour :

1°) de condamner l'OPH Alpes Isère Habitat à la relever et garantir entièrement de toute condamnation mise à sa charge ;

2°) de mettre à la charge de la société Teixeira Sdfp ou tout succombant la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'action engagée par la société Teixeira Sdfp n'est pas recevable, le décompte notifié le 8 février 2018 par le maître d'ouvrage à la société étant devenu définitif en application de l'article 13.4.5 du CCAG travaux ;

- la société Teixeira Sdfp n'a pas mis en œuvre la procédure prévue à l'article 15.4.1 du CCAG travaux ;

- elle ne peut prétendre à aucune rémunération supplémentaire compte tenu des stipulations des articles 1.7 et 1.12 de l'acte d'engagement ainsi que de celles de l'article 2.10 du CCTP ;

- les erreurs alléguées sur les métrés ne sont pas établies ;

- l'expertise sollicitée n'est pas utile ;

- dans l'hypothèse où le caractère indispensable des travaux réalisés ou une insuffisance des métrés seraient démontrés, l'ensemble des surfaces des bâtiments aurait néanmoins nécessité un traitement isolant afin de réaliser un ouvrage conforme aux règles de l'art de sorte que l'OPAC devrait la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.

Par mémoire enregistré le 11 janvier 2023, l'OPH Alpes Isère Habitat, représenté par la SELARL Fortem Avocats, conclut au rejet de la requête et des conclusions d'appel en garantie de la société Isis Architecture et Urbanisme et demande à la cour :

1°) de condamner la société Isis Architecture et Urbanisme à le relever et garantir entièrement de toute condamnation mise à sa charge ;

2°) de mettre à la charge de la société Teixeira Sdfp et de la société Isis Architecture et Urbanisme chacune la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le décompte général a acquis un caractère définitif ;

- la société n'a pas le droit, compte tenu des clauses du contrat, au paiement de travaux supplémentaires à raison de l'accroissement des quantités délivrées ;

- il n'y a eu ni sujétions imprévues, ni faute commise par le maître d'ouvrage ;

- la société a commis une faute en ne vérifiant pas les estimations du maître d'œuvre ;

- elle ne justifie pas des métrés revendiqués ;

- la faute commise par le maître d'œuvre est à l'origine directe et totale des surcoûts ;

- l'appel en garantie formé à son encontre est infondé car d'autres travaux d'isolation moins coûteux que ceux réalisés auraient pu être commandés et réalisés si l'erreur n'avait pas été commise au stade de l'évaluation des quantités par le maître d'œuvre.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics alors en vigueur ;

- l'arrêté du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duguit-Larcher,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me Plottin pour la société Teixeira Sdfp, celles de Me Crozier pour l'OPH Alpes Isère Habitat, et celles de Me Jugue pour la société Isis Architecture er Urbanisme.

Considérant ce qui suit :

1. Pour la rénovation de l'ensemble immobilier Le Ponal situé sur la commune de La-Côte-Saint-André (Isère), incluant le traitement des façades, la réfection de l'étanchéité des toitures-terrasses et le remplacement des portes palières, l'OPAC 38 a confié la maitrise d'œuvre de l'opération à la société Isis Architecture et Urbanisme et la réalisation des travaux du lot n° 10 " Ravalement Isolation Vêtage " à la société Teixeira Sdfp. Les travaux réalisés par la société Teixeira Sdfp ont été réceptionnés le 13 décembre 2017. Le 27 décembre 2017, la société Teixeira Sdfp a adressé à l'OPAC 38 et au maître d'œuvre le projet de décompte final faisant apparaître, hors révision de prix, un solde créditeur en sa faveur de 207 233,40 euros HT, correspondant à hauteur de 181 275,10 euros HT à des travaux supplémentaires. Le 8 février 2018, un " certificat de paiement de travaux " a été adressé par l'OPAC à la société Teixeira Sdfp, n'incluant pas dans le montant total des travaux ces travaux supplémentaires, et faisant apparaître, après révision des prix et hors retenue de garantie, un solde en sa faveur de 27 544,65 euros HT. La société Teixeira Sdfp a adressé par courrier du 24 septembre 2018, reçu le 25 septembre, un mémoire en réclamation demandant à l'OPAC 38 le règlement de la somme de 181 275,10 euros HT. En l'absence de réponse de l'OPAC 38, la société Teixeira Sdfp a demandé au tribunal administratif de Grenoble, dans le dernier état de ses écritures, d'ordonner une expertise ou, subsidiairement, de condamner solidairement l'office public de l'habitat (OPH) " Alpes Isère Habitat ", venu aux droit de l'OPAC 38, et la société Isis Architecture et Urbanisme à lui verser la somme de 145 020 euros TTC. Par un jugement du 20 mai 2021 dont la société Teixeira Sdfp relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Alors que la société Teixeira Sdfp s'est notamment prévalue, devant le tribunal, des erreurs de métrés commises par la société Isis Architecture et Urbanisme, ce qui revenait à demander que sa responsabilité soit engagée à son égard à titre quasi-délictuel, le tribunal a omis de statuer sur cette cause juridique. Par suite, le jugement doit être annulé dans cette mesure.

3. Il y a lieu, par suite, pour la cour de statuer par voie d'évocation sur les conclusions présentées par la société Teixeira Sdfp dirigées contre la société Isis architecture Urbanisme devant le tribunal administratif de Grenoble et par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus de sa requête.

Sur les conclusions de la société :

4. La société Teixeira Sdfp fait valoir qu'elle doit être indemnisée des travaux supplémentaires qu'elle a dû réaliser par rapport au marché qu'elle a passé, ces travaux correspondant à l'écart entre les quantités figurant dans la décomposition du prix global et forfaitaire, dont certaines seraient erronées, et les quantités réellement exécutées.

5. Toutefois, la société ne justifie pas des quantités qu'elle a réellement exécutées en se bornant à affirmer qu'elle a réalisé des quantités différentes de celles figurant dans la décomposition du prix global et forfaitaire. Le constat d'huissier portant sur les dimensions des bâtiments dont elle a refait les façades fait apparaître des dimensions qui ne diffèrent pas sensiblement des plans de l'architecte joints au marché. Il ne permet pas de démontrer que les données figurant dans la décomposition des prix, au demeurant données à titre indicatif, seraient erronées. Ainsi, si elle fait par exemple valoir qu'elle n'aurait pas posé 6 199 m2 d'échafaudages tubulaires mais 6 693,27 m2, le constat d'huissier qu'elle produit fait état d'une surface totale des façades des bâtiments de 5 519 m2, ce qui est cohérent avec la surface d'échafaudages indiquée à titre indicatif dans la décomposition du prix global et forfaitaire. Elle ne justifie pas plus, pour les autres surfaces qu'elle conteste, de leur caractère erroné alors qu'il lui appartient de le faire. En l'absence de tout élément probant pouvant faire douter du caractère exact des surfaces portées, au demeurant à titre indicatif, dans la décomposition des prix, et alors qu'il lui appartenait d'apporter cette preuve, il n'y a pas lieu d'ordonner une expertise avant dire-droit afin de déterminer les quantités qu'elle a réellement exécutées.

6. Dans ces conditions, et alors au demeurant que les articles 1.10 et 1.12 du CCTP lui faisaient obligation de vérifier ces quantités avant de faire son offre, et qu'en application de l'article 11.2.1 du CCAG travaux applicable en l'espèce les erreurs que pourrait comporter la décomposition du prix global et forfaitaire ne peuvent conduire à une modification de ce prix, la société Teixeira Sdfp n'est pas fondée à réclamer à l'OPH Alpes Isère Habitat le paiement de travaux supplémentaires qui n'auraient pas été inclus dans son forfait de rémunération.

7. Compte tenu de ce qui a été indiqué au point 5, elle ne justifie pas plus qu'une faute aurait été commise par le maître d'ouvrage dans la définition de ses besoins, justifiant qu'il l'indemnise du préjudice correspondant aux difficultés rencontrées dans l'exécution de son marché à forfait et imputables à cette faute.

8. Pour les mêmes motifs, elle ne justifie pas que le maître d'œuvre aurait commis une erreur de métrés viciant la décomposition du prix global et forfaitaire, et justifiant que la responsabilité quasi-délictuelle de celui-ci soit engagée à son égard.

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les différents moyens en défense, notamment celui tiré du caractère définitif du décompte, que la société Teixeira Sdfp n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'OPH et que sa demande dirigée contre la société Isis Architecture et Urbanisme doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'OPH Alpes Isère Habitat et la société Isis Architecture et Urbanisme qui n'ont pas, dans la présente instance, la qualité de parties perdantes, versent à la société Teixeira Sdfp la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Pour les mêmes motifs, la société Isis Architecture et Urbanisme ne peut être condamnée à verser une somme à l'OPH Alpes Isère Habitat.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner la société Teixeira Sdfp à verser respectivement à l'OPH Alpes Isère Habitat et à la société Isis Architecture et Urbanisme une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur la demande de la société Teixeira Sdfp tendant à engager la responsabilité quasi-délictuelle de la société Isis Architecture et Urbanisme.

Article 2 : La demande de la société Teixeira Sdfp tendant à engager la responsabilité quasi-délictuelle de la société Isis Architecture et Urbanisme est rejetée.

Article 3 : La société Teixeira Sdfp versera respectivement à l'OPH Alpes Isère Habitat et à la société Isis Architecture et Urbanisme une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Teixeira Sdfp, à l'OPH Alpes Isère Habitat et à la société Isis Architecture et Urbanisme.

Délibéré après l'audience du 4 mai 2023, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Duguit-Larcher, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023.

La rapporteure,

A. Duguit-LarcherLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

M.-Th. Pillet

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02528


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02528
Date de la décision : 25/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01-02-01 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat. - Rémunération du co-contractant. - Indemnités. - Travaux supplémentaires.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SELARL CABINET RIONDET

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-05-25;21ly02528 ?
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