Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2021 par lequel le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de douze mois.
Par un jugement n° 2203102 du 19 juillet 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 20 août 2022, M. A..., représenté par Me Dachary, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 19 juillet 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône du 17 novembre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, d'examiner à nouveau sa situation, le tout dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous une astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient que :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- le préfet a commis une erreur de fait en se fondant sur les informations recueillies dans l'application " Visabio ", son état civil et son âge n'étant pas susceptibles d'être remis en cause ; cette erreur de fait est au centre de l'appréciation portée par le préfet sur sa situation ;
- la décision en litige méconnaît les articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision d'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour sur lequel elle se fonde ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et de la décision d'obligation de quitter le territoire français ;
S'agissant de la décision portant interdiction du territoire français :
- elle méconnaît l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée à la préfète du Rhône, qui n'a pas présenté d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vinet, présidente-assesseure,
- et les observations de Me Dachary, représentant M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né le 20 décembre 1997 à Conakry (Guinée), est entré irrégulièrement sur le territoire français en octobre 2013 et a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance par ordonnance de placement provisoire du 19 novembre 2013. Il a fait l'objet à sa majorité d'une décision de refus d'admission au séjour, assortie d'une obligation de quitter le territoire français le 16 novembre 2015, annulée par le tribunal administratif de Lyon. Sur réexamen de sa situation, il a fait l'objet d'une nouvelle décision portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français le 31 octobre 2016, à l'encontre de laquelle sa requête a été rejetée en raison de sa tardiveté. M. A... a ensuite de nouveau sollicité son admission au séjour. Par un arrêté du 17 novembre 2021, le préfet du Rhône a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... était présent depuis huit années sur le territoire français à la date de la décision contestée et qu'il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance lors de son arrivée en France en 2013, à l'âge de quinze ans. Si le préfet, dans l'arrêté en litige a rappelé les doutes qu'il entretient sur l'âge de M. A... et en particulier le fait qu'il ait été mineur lors de son arrivée en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que de tels doutes seraient fondés, et alors que le tribunal administratif de Lyon, dans un jugement du 22 juillet 2016, a annulé un arrêté du préfet du Rhône en date du 16 novembre 2015 fondé sur les mêmes éléments que ceux exposés dans ses écritures de première instance. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que M. A..., âgé de presque vingt-quatre ans à la date de la décision attaquée, a obtenu le titre professionnel de peintre en bâtiment le 3 juillet 2015, puis le CAP Peintre applicateur en revêtements le 29 juin 2018, et il justifie de diverses activités professionnelles depuis lors. Par ailleurs, le préfet n'a pas contesté l'authenticité des certificats de décès des parents de M. A... que ce dernier a produit en première instance et l'intéressé, qui a quitté son pays très jeune, soutient qu'il n'a pas conservé d'autres liens familiaux dans son pays d'origine. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, M. A... est fondé à soutenir que le préfet, en refusant de lui délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait, a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il suit de là que cette décision doit être annulée, de même que, par voie de conséquence, celles l'obligeant à quitter le territoire français, fixant le pays de destination et lui interdisant de retourner sur le territoire français pour une durée de douze mois.
4. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui doit être annulé, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".
6. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté du 17 novembre 2021 par le présent arrêt, ce dernier implique nécessairement que le préfet du Rhône délivre à M. A... un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Rhône de délivrer à M. A... un tel titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu toutefois d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 19 juillet 2022 est annulé, ensemble l'arrêté du préfet du Rhône du 17 novembre 2021.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Rhône de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente,
Mme Camille Vinet, présidente-assesseure,
Mme Claire Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2023.
La rapporteure,
C. Vinet
La présidente,
M. C...La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 22LY02568