Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 23 août 2022 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 22002324 du 29 avril 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande dirigée contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 22002324 du 16 juin 2023, le tribunal a rejeté le surplus de sa demande.
Procédures devant la cour
I°) Par une requête enregistrée le 19 septembre 2023 sous le n° 23LY03016, M. A..., représenté par Me Faure Cromarias, demande à la cour :
1°) d'annuler ces jugements et ces décisions ;
2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour, mention " vie privée et familiale ", à défaut de réexaminer sa demande en lui délivrant dans l'attente un récépissé l'autorisant à travailler, et ce dans un délai de huit jours à compter du prononcé de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les jugements sont irréguliers dans la mesure où le même magistrat a statué seul sur l'obligation de quitter le territoire puis a été rapporteur dans le jugement relatif au titre de séjour en violation de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le refus de titre de séjour est entaché d'une erreur de fait sur sa durée de séjour en France ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le préfet du Puy-de-Dôme auquel la requête a été communiquée n'a pas présenté d'observations.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 aout 2023.
II°) Par une requête enregistrée le 10 octobre 2023 sous le n° 23LY03200, M. A..., représentée par Me Faure Cromarias, demande à la cour :
1°) de surseoir à l'exécution du jugement n° 22002324 du 29 avril 2023 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand et du jugement n° 22002324 du 16 juin 2023 de ce tribunal sur le fondement des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative ;
2°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer dans un délai de huit jours une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de l'examen au fond de sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que l'exécution de ces jugements aurait des conséquences difficilement réparables et les moyens qu'il présente sont sérieux.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 novembre 2023.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure, ayant été entendu ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant macédonien né le 16 avril 2002, est entré en France, selon ses déclarations, le 1er novembre 2015, avec sa mère, le compagnon de celle-ci, son frère et sa sœur. Il a sollicité le 17 février 2022 un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-21 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par décisions du 23 août 2022 le préfet du Puy-de-Dôme a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande d'annulation de ces décisions. Le préfet du Puy-de-Dôme a décidé le 24 avril 2023 de l'assigner à résidence. Par sa première requête, M. A... relève appel du jugement du 29 avril 2023 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande dirigée contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination et du jugement du 16 juin 2023 par lequel le tribunal a rejeté le surplus de sa demande. Par sa seconde requête il demande que soit sursis à l'exécution de ces deux jugements.
2. Il y a lieu de joindre, pour qu'il y soit statué par un même arrêt, les requêtes visées ci-dessus qui sont relatives à la situation du même étranger.
Sur la requête n° 23LY03016 :
En ce qui concerne la régularité des jugements attaqués :
3. Si en vertu de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, ces dispositions ne sont pas applicables au contentieux des refus de titre de séjour et obligations de quitter le territoire français prononcés par le préfet, lesquels constituent des mesures de police administrative. Par suite, est inopérant le moyen tiré de ce que les jugements ayant été rendus, pour l'un par un juge unique, pour l'autre par une formation collégiale au sein de laquelle a siégé en qualité de rapporteur le magistrat ayant statué en qualité de juge unique, il n'aurait pas bénéficié du droit à un procès équitable au sens de ces stipulations.
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
4. Si M. A... fait valoir qu'il est arrivé en France le 1er novembre 2015 alors qu'il n'était âgé que de treize ans, il ne justifie pas, ainsi que le fait valoir le préfet, qu'il aurait continuellement résidé en France depuis cette date. D'après les éléments rapportés dans le jugement en assistance éducative de sa sœur rendu le 8 décembre 2021, la famille serait repartie en Macédoine à la suite du rejet de la demande d'asile présentée par sa mère, survenu le 24 février 2017, puis serait revenue ensuite en France. M. A... ne produit aucune pièce justifiant de sa présence en France au cours de l'année scolaire 2017/2018. La prise des empreintes de la mère de M. A... le 18 août 2017 en Allemagne confirme ces faits. M. A..., qui a produit un certificat de scolarité pour les années 2018/2019 et 2019/2020 à Clermont-Ferrand justifie au mieux d'une durée de séjour en France, à la date de la décision attaquée, de moins de cinq années. Par suite, en indiquant qu'il ne justifiait pas d'une ancienneté de séjour en France significative, le préfet n'a commis ni erreur de fait, ni erreur d'appréciation.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".
6. M. A... se prévaut, outre de son entrée en France le 1er novembre 2015, de la présence sur le territoire français de sa mère, de ses quatre frères et sœur, d'un oncle et d'une tante, de sa compagne et de ce qu'il a signé un contrat à durée indéterminée. M. A... résidait en France depuis moins de cinq années à la date du refus de titre de séjour ainsi qu'il a été indiqué au point 4. Si toute sa fratrie résidait en France et si sa sœur bénéficiait d'un placement auprès de l'aide sociale à l'enfance jusqu'au 31 décembre 2022, leur mère a fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français le 26 janvier 2022. La mère et les frères et sœur de M. A..., tous mineurs, n'avaient donc pas vocation, à la date de la décision litigieuse, à résider durablement en France. La cellule familiale pouvait se reconstituer en Macédoine, pays dont ils ont tous la nationalité et où il n'est pas établi que la famille serait en proie aux violences du père de M. A.... La relation de concubinage entretenue par M. A... avec une ressortissante kosovare bénéficiant du statut de réfugié était récente à la date de la décision en litige. Si le couple a donné naissance à un enfant le 10 janvier 2024, ces faits sont très postérieurs à la décision litigieuse prise par le préfet le 23 août 2022, alors que sa compagne n'était pas même encore enceinte. Il en va de même de la dégradation de son état de santé. La promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée à temps partiel qu'il a produite ne suffit pas à caractériser une intégration sociale et professionnelle intense en France. Dans ces conditions, quand bien même ses deux plus jeunes frères sont nés en France et qu'un de ses oncles et une de ses tantes résident en France, en prenant à son encontre un refus de titre de séjour, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale. Il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le refus de titre de séjour n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....
7. Aux termes de l'article 3-1 de la convention de New York du 26 janvier 1990 : " dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
8. Le refus de titre de séjour opposé à M. A... n'impliquait pas qu'il soit mis fin à la mesure d'assistance éducative et de placement auprès de l'aide sociale à l'enfance dont bénéficiait sa sœur. Par ailleurs, la mère de M. A... ayant également fait l'objet d'un refus de titre de séjour et d'une mesure d'éloignement, la cellule familiale avait vocation à se reconstituer à terme en Macédoine. En refusant de délivrer un titre de séjour à M. A..., le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
9. Les circonstances qui prévalaient à la date de la décision en litige et dont M. A... se prévaut, rappelées au point 6, ne suffisent pas à caractériser des circonstances particulières justifiant son admission au séjour au titre de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En refusant de délivrer à M. A... un titre de séjour sur le fondement de cet article, le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur les autres décisions :
10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment s'agissant du refus de titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination ne méconnaissent pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur la situation personnelle de M. A....
11. Compte tenu de ce qui précède M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'obligation de quitter le territoire par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour, ni l'annulation de la décision fixant le pays de destination par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.
12. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
13. Renvoyer M. A... en Macédoine, pays dont il a la nationalité et où il a résidé pendant plusieurs années ne constitue pas un traitement inhumain ou dégradant au seul motif qu'il serait arrivé mineur en France. Par ailleurs, en se bornant à faire valoir que son père a été condamné à faire de la prison en Macédoine et aurait été violent à son égard comme à l'égard de sa mère et de sa sœur, sans assortir ces allégations d'aucune preuve, M. A... n'établit pas qu'il risque de subir des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Macédoine. Par suite la décision fixant la Macédoine comme pays de destination ne méconnaît pas l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
14. Il résulte ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le magistrat désigné par le président du tribunal, d'une part, et le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'autre part, ont rejeté ses demandes. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
Sur la requête 23LY03200 :
15. Le présent arrêt statuant sur l'appel présenté contre le jugement n° 22002324 du 29 avril 2023 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand et le jugement n° 22002324 du 16 juin 2023 de ce tribunal, les conclusions de la requête n° 23LY03200 tendant à ce qu'il soit sursis à leur exécution, ainsi que les conclusions aux fins d'injonction, sont ainsi privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.
Sur les frais d'instance :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... ou à son conseil une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1 : La requête n° 23LY03016 est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution et à fin d'injonction de la requête n° 23LY03200.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 23LY03200 est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. B... A... et à Me Isabelle Faure Cromarias.
Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 1er février 2024 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2024.
La rapporteure,
A. Duguit-LarcherLe président,
V-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N°s 23LY03016, 23LY03200
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