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20/02/2024 | FRANCE | N°22LY01925

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 20 février 2024, 22LY01925


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La SCI Phoenix a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 19 avril 2019 par lequel le maire de la commune de Torchefelon a opposé un sursis à statuer à sa demande de permis de construire une maison d'habitation, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.



Par un jugement n° 1906696 du 26 avril 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requ

te et un mémoire complémentaire enregistrés les 24 juin 2022 et 19 octobre 2023, ce dernier n'ayant pas été ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI Phoenix a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 19 avril 2019 par lequel le maire de la commune de Torchefelon a opposé un sursis à statuer à sa demande de permis de construire une maison d'habitation, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1906696 du 26 avril 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 24 juin 2022 et 19 octobre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la SCI Phoenix, représentée par Me Gallety, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 avril 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 avril 2019 par lequel le maire de la commune de Torchefelon a opposé un sursis à statuer à sa demande de permis de construire une maison d'habitation, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Torchefelon le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.

Elle soutient que :

- l'arrêté en litige est entaché d'erreur de droit dès lors que la commune s'est crue en situation de compétence liée ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il est entaché de détournement de procédure.

Par un mémoire enregistré le 3 octobre 2023, la commune de Torchefelon, représentée par Me Le Gulludec, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la SCI Phoenix le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la SCI Phoenix ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 4 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mauclair, première conseillère ;

- les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique ;

- les observations de Me Ducros substituant Me Le Gulludec, représentant la commune de Torchefelon.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Phoenix a déposé le 16 février 2019 une demande de permis de construire une maison individuelle sur des parcelles cadastrées section ... et situées au lieu-dit B..., sur le territoire de la commune de Torchefelon. Par un arrêté du 19 avril 2019, le maire de Torchefelon a opposé un sursis à statuer à cette demande. Par un jugement du 26 avril 2022, dont la SCI Phoenix relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et du rejet du recours gracieux qu'elle a formé.

Sur la légalité de l'arrêté du 19 avril 2019 :

2. Aux termes de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis ou, en cas d'opposition ou de prescriptions, sur la déclaration préalable. Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus aux articles L. 102-13, L. 153-11 et L. 311-2 du présent code et par l'article L. 331-6 du code de l'environnement. (...) ". Aux termes de l'article L. 153-11 du même code : " (...) L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable ".

3. En premier lieu, la SCI Phoenix reprend en appel le moyen tiré de l'erreur de droit. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

4. En second lieu, d'une part, il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 15 décembre 2015, le conseil communautaire de la Vallée de l'Hien a décidé de prescrire l'élaboration d'un plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi). A la suite de la fusion des procédures d'élaboration des PLUi des ex-Communautés de communes des Vallons de la Tour et de la Vallée de l'Hien, le débat sur les orientations du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) a eu lieu lors des séances du conseil communautaire des Vals du Dauphiné du 4 mai 2017 et du conseil municipal de Torchefelon du 12 juin 2017. Deux réunions publiques de présentation du projet d'aménagement et de développement durables se sont tenues les 19 et 26 avril 2017. Le bilan de la concertation a été approuvé par une délibération du 7 mars 2019, qui arrête également le projet de PLUi. Le PLUi des Vals du Dauphiné (PLUi Ouest) a finalement été approuvé par délibération du 19 décembre 2019. Il en résulte qu'à la date du 19 avril 2019 à laquelle le maire de Torchefelon a sursis à statuer sur la demande de permis de construire en litige, l'état d'avancement des travaux d'élaboration du PLUi permettait de connaître la portée des modifications projetées dans les nouveaux documents d'urbanisme et notamment le futur zonage de la parcelle, terrain d'assiette du projet.

5. D'autre part, la commune de Torchefelon, dont la population n'atteint pas le millier d'habitants, est à vocation rurale et regroupe plusieurs lieux-dits, dont celui dit " B... " au sein duquel se situe le projet en litige. Le rapport de présentation du PLUi relève la volonté de réduction drastique des surfaces ouvertes à l'urbanisation ainsi que le choix de la communauté de communes Les Vals du Dauphiné de consolider l'armature urbaine du territoire, se traduisant notamment par un développement urbain économe en espaces, le PLUi n'augmentant à cet égard que très peu les surfaces de développement hors des enveloppes urbaines existantes et réduisant fortement les enveloppes d'urbanisation, étant également relevé que la totalité des secteurs de développement en extension des enveloppes urbaines existantes, lesquelles définissent les tènements stratégiques, est encadrée par une orientation d'aménagement et de programmation. Par ailleurs, le projet d'aménagement et de développement durable (PADD), qui s'inscrit dans l'objectif de densité fixé par le SCOT du Nord-Isère, prévoit de favoriser l'émergence de logements moins consommateurs d'espace, la consommation de foncier dédiée à la construction de logements, pour la période 2018-2029, devant être réduite de l'ordre de 160 % par rapport à la période 2006-2015, et ainsi de réinvestir et de se réapproprier les centralités. Il donne ainsi la priorité au recentrage du développement sur les espaces déjà urbanisés et aux espaces économiques ou résidentiels ayant déjà fait l'objet d'investissements publics dans les infrastructures et les équipements. Ce même projet précise que cet objectif ne contrevient pas à la possibilité de développement d'une offre de logements individuels adaptés aux familles dans les secteurs périphériques des enveloppes urbaines centrales ou au sein des hameaux, à condition d'en maitriser la densification pour maintenir le caractère rural des hameaux et des secteurs d'habitat périphériques et d'assurer une transition entre espaces centraux et espaces agricoles et naturels. Enfin, s'agissant spécifiquement de la commune de Torchefelon, le PADD prévoit de maintenir l'animation du village et de structurer le bourg, le centre-ville étant concerné par une OAP pensée comme une opportunité de conforter la centralité et son territoire se situant au demeurant dans une zone visant à la préservation des qualités du paysage rural du territoire et des parcelles à forts enjeux pour l'agriculture.

6. Le projet en litige porte sur la construction d'une maison individuelle, qui indique une surface de plancher totale de 450 m² et une surface de plancher construite de 311 m², sur un terrain classé en zone agricole (zone A) dans le projet de PLUi. Ce terrain est situé à proximité d'un petit groupe de maisons individuelles, dénommé le lieu-dit des Michallets, qui, éloigné du centre bourg aggloméré du village de Torchefelon dont il est séparé par une zone agricole et une route, ne peut être regardé comme un tissu urbain existant suffisamment significatif. Bien que le tènement, assiette du projet en litige, supporte déjà une construction à usage d'habitation implantée le long de la route, il est constant que les parcelles cadastrées section B n°s 273 et 896 sur lesquelles la construction est prévue, conservent un caractère naturel, et le terrain d'assiette du projet, d'une superficie, conséquente, de 2 472 m², fait partie de l'espace naturel et agricole de taille importante qu'il jouxte, au nord-est et en partie à l'ouest, et qui se poursuit par une vaste zone agricole. Dans ces conditions, compte tenu du parti d'urbanisme retenu et des objectifs recherchés par le PADD, consistant, pour modérer, de manière significative, la consommation des espaces naturels et agricoles et lutter contre l'étalement urbain, à stopper l'extension des enveloppes urbaines périphériques au profit d'un recentrage de l'habitat vers les enveloppes urbaines des centres-villages identifiés et d'une maîtrise de l'urbanisation périphérique, et à préserver les capacités de production agricole, le maire, en opposant un sursis à statuer à la demande de la SCI Phoenix en ce que le projet, qui étend l'enveloppe urbaine existante sur un terrain situé en zone agricole, est de nature à compromettre l'exécution du futur PLUi, n'a pas, alors même que le projet en litige n'impliquerait que la construction d'une maison individuelle en second rang par rapport à la voie publique, entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

7. En dernier lieu, la SCI Phoenix soutient que l'utilisation du sursis à statuer est entachée de détournement de pouvoir. Toutefois, si le débat sur les orientations générales du PADD a été organisé devant le conseil communautaire le 4 mai 2017, soit peu de temps après la fusion, par une délibération du conseil de la communauté de communes Les Vals du Dauphiné du 6 avril 2017, les procédures ayant été engagées en 2015 par les communes concernées, les pièces du dossier ne permettent pas d'établir que les orientations générales du PADD retenues, qui ont fait l'objet de réunions publiques dont l'insuffisance n'est, en tout état de cause, pas établie, n'étaient pas suffisamment définies pour en débattre et pour ouvrir ensuite aux maires concernés la possibilité d'opposer un sursis à statuer lorsque les conditions en sont remplies. Par ailleurs, si près de deux ans se sont passés entre le débat sur les orientations générales du PADD et l'arrêt du PLUi, cette circonstance, alors même qu'elle permet d'opposer des décisions de sursis à statuer, ne traduit pas plus l'existence des détournements invoqués, étant au surplus relevé que la société requérante a déposé sa demande de permis de construire quelques jours seulement avant l'arrêt du projet de PLUi. Dans ces conditions, le détournement allégué, qui ne résulte d'ailleurs pas plus des éléments exposés au point 6, n'est pas établi.

8. Il résulte de ce qui précède que la SCI Phoenix n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande.

Sur les frais du litige :

9. Les dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la SCI Phoenix, partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI Phoenix le versement d'une somme de 2 000 euros à la commune de Torchefelon au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Phoenix est rejetée.

Article 2 : La SCI Phoenix versera une somme de 2 000 euros à la commune de Torchefelon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Phoenix et à la commune de Torchefelon.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Marie-Christine Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, première conseillère,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2024.

La rapporteure,

A.-G. Mauclair La présidente,

M. A...

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 22LY01925 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01925
Date de la décision : 20/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Nature de la décision. - Sursis à statuer.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Anne-Gaëlle MAUCLAIR
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : GALLETY

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-20;22ly01925 ?
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