Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler les décisions du 1er décembre 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ainsi que la décision du 8 décembre 2022 par laquelle cette même autorité l'a assigné à résidence et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Isère, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement, de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'une durée de dix ans ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, et de procéder à l'effacement de son inscription dans le système d'information Schengen.
Par un jugement n° 2300087 du 7 avril 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 mai 2023, M. A..., prénommé Medjoub ou B... selon les pièces du dossier, représenté par Me Borges de Deus Correia, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2300087 du 7 avril 2023 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler les décisions du 1er décembre 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt, de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'une durée de dix ans ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, et de procéder à l'effacement de son inscription dans le système d'information Schengen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il justifie d'une entrée régulière sur le territoire français le 5 janvier 2001, ne plus avoir quitter le territoire national depuis cette date et il apporte la preuve de la réalité de sa vie commune avec son épouse française ;
- le tribunal a violé les règles relatives à la charge de la preuve en retenant qu'il ne justifiait pas d'une entrée régulière en France ;
- il remplit les conditions pour la délivrance de plein droit d'un certificat de résidence algérien sur le fondement des stipulations du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- l'arrêté du 1er décembre 2022 est entaché d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'une contradiction de motifs ;
- le préfet a commis une erreur de droit en s'abstenant d'examiner si, à la date de l'arrêté attaqué, il remplissait effectivement les conditions du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- l'arrêté attaqué méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an est manifestement disproportionnée au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Le préfet de l'Isère, régulièrement mis en cause, n'a pas produit.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né le 6 décembre 1971, est entré en France le 5 janvier 2001 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de court séjour. Il a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière le 13 mai 2002 puis, par un arrêté du 15 juin 2015, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de deux ans. Le recours formé contre cet arrêté a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 novembre 2015, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 26 février 2016. Le 17 décembre 2021, M. A... a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence algérien en se prévalant de son union avec une ressortissante française. Par un arrêté du 1er décembre 2022, le préfet de l'Isère lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an. Puis, par un arrêté du 8 décembre 2022, il l'a assigné à résidence pour une durée de six mois, renouvelable. Par le jugement attaqué du 7 avril 2023 le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de ces décisions. Ce dernier interjette appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er décembre 2022.
Sur la régularité du jugement :
2. Si M. A... soutient que le tribunal administratif a violé les règles relatives à la charge de la preuve en considérant qu'il ne justifiait pas de son entrée régulière en France, ce moyen, qui se rattache au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué. Il en est de même du moyen tiré de ce que le tribunal aurait commis une erreur de droit ou une erreur d'appréciation en estimant que le préfet aurait pris la même décision de refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien en se fondant sur le seul motif de l'absence de justification de son entrée régulière sur le territoire français quand bien même il aurait commis une erreur d'appréciation sur la réalité de la vie commune avec son épouse.
Sur la légalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière (...). / Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux ".
4. M. A..., qui s'est marié le 23 janvier 2021 avec une ressortissante française, fait valoir qu'il est entré régulièrement en France le 5 janvier 2001 sous couvert d'un visa de court séjour et n'a plus quitté le territoire national depuis cette date. Par ailleurs, il soutient que la condition de la communauté de vie entre les époux n'est pas exigée pour la délivrance d'un premier certificat de résidence et qu'en tout état de cause, la réalité de la communauté de vie avec son épouse de nationalité française est établie.
5. S'il est constant que M. A... est entré régulièrement en France le 5 janvier 2001, il n'établit pas, par les pièces qu'il produit, s'être maintenu de manière continue sur le territoire français depuis cette date. En effet, la copie du passeport, au nom de Medjdoub Benayad, produite à l'appui de sa demande est incomplète et ne permet pas d'attester de l'absence de sortie du territoire nationale depuis janvier 2001. En outre, le passeport dont la copie est produite est expiré depuis le 21 janvier 2014 et M. A... ne justifie avoir été dépourvu de tout passeport depuis cette date. Par ailleurs, il ne produit aucune pièce de nature à établir sa présence continue en France depuis le 5 janvier 2001. Dans ces circonstances, M. A... ne peut être regardé comme établissant être entré en France pour la dernière fois le 5 janvier 2001 et ne peut, dès lors, se prévaloir d'une entrée régulière sur le territoire français. Dans ces circonstances, le préfet de l'Isère pouvait légalement lui refuser, pour ce seul motif, la délivrance d'un certificat de résidence en qualité de conjoint d'une ressortissante française.
6. Si l'intéressé soutient que le préfet de l'Isère a commis une erreur de fait en considérant que la communauté de vie avec son épouse de nationalité française ne serait pas établie, cette circonstance est cependant sans incidence sur la légalité des décisions contestées dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Isère aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur le motif tenant à l'absence de justification de son entrée régulière sur le territoire français pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité.
7. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation dont serait entachée la décision de refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien doivent être écartés.
8. En deuxième lieu, si aux termes de l'arrêté du 1er décembre 2022 le préfet de l'Isère a relevé, pour refuser un délai de départ volontaire à M. A... sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 612-2 3° et L. 612-3 5°, que ce dernier a fait l'objet de mesures d'éloignement respectivement les 13 mai 2002 et 15 juin 2015, devenues définitives et qu'il n'établit pas avoir exécutées, cette circonstance n'est pas de nature à entacher la décision lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence algérien d'une contradiction de motifs.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ;(...) / ".
10. Il ressort des termes de l'arrêté contesté que M. A... a sollicité, le 17 décembre 2021, la délivrance d'un certificat de résidence algérien en se prévalant de son mariage avec une ressortissante française le 23 janvier 2021. Il ne justifie ni avoir présenté sa demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées ni avoir produit, à l'appui de sa demande, les pièces de nature à établir sa présence continue sur le territoire français depuis plus de dix ans. En outre, il n'a produit aucun élément de nature à justifier de sa présence sur le territoire national depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté ni à l'appui de sa demande de première instance ni à l'appui de sa requête d'appel. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Isère a commis une erreur de droit en s'abstenant d'examiner s'il remplissait effectivement les conditions permettant la délivrance de plein droit d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien précitées.
11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
12. M. A... se prévaut de sa présence sur le territoire français depuis janvier 2001, de son mariage avec une ressortissante française le 23 janvier 2021 et de l'exercice d'une activité professionnelle en qualité d'agent de service à compter du 19 juillet 2022, sous contrat à durée déterminée transformé en contrat à durée indéterminée depuis le 22 août 2022. Toutefois, il résulte de ce qui a été précédemment exposé que M. A... n'établit pas sa présence continue sur le territoire français depuis janvier 2001, ni depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué. Par ailleurs, compte tenu du caractère récent de son mariage, son union avec une ressortissante française ne permet pas de justifier à elle seule de la stabilité et de l'intensité de ses liens familiaux sur le territoire français. De même la circonstance qu'il dispose d'un emploi à temps partiel depuis juillet 2022 et qu'il justifie de quelques missions d'intérim depuis mai 2022, n'est pas de nature à établir son insertion professionnelle en France. En outre, l'intéressé ne justifie d'aucune circonstance particulière faisant obstacle à ce qu'il retourne dans son pays d'origine le temps d'obtenir un visa afin de régulariser son entrée sur le territoire français, ni la séparation temporaire du couple pouvant en résulter, ni l'existence d'un contrat de travail ne pouvant en l'espèce constituer de telles circonstances. Dans ces conditions le préfet de l'Isère n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et en édictant à son encontre une obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écartés.
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :
13. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".
14. Dès lors que M. A... a fait l'objet d'une mesure d'éloignement pour laquelle aucun délai de départ n'a été accordé, le préfet de l'Isère pouvait légalement prendre à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français. Par ailleurs, il résulte de ce qui a été précédemment exposé, notamment au point 10 du présent arrêt, que le requérant ne justifie pas de l'intensité et de la stabilité de ses liens familiaux sur le territoire national. Dans ces circonstances, le préfet de l'Isère n'a commis ni erreur de droit ni erreur d'appréciation en édictant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Le moyen tiré de ce que la décision ainsi contestée serait disproportionnée doit par suite être écarté.
15. Eu égard à ce qui précède, en se bornant à invoquer la circonstance selon laquelle la décision contestée aurait pour effet de le séparer durablement de son épouse et des enfants de cette dernière, alors que les enfants de son épouse sont majeurs et qu'il ne se prévaut d'aucun élément qui ferait obstacle à ce que ces derniers se rendent en Algérie, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
16. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 12 février 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 février 2024.
La rapporteure,
E. Vergnaud
Le président,
F. Pourny
La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY01555