Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 10 mars 2023 par lequel le préfet de Saône-et-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2300867 du 26 mai 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 18 septembre 2023, M. A..., représenté par Me Appaix, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 mai 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 mars 2023 par lequel le préfet de Saône-et-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
La décision portant obligation de quitter le territoire français :
- est insuffisamment motivée ;
- est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- est intervenue sans qu'il ait été mis à même de présenter les motifs pour lesquels il pouvait bénéficier d'une autorisation de séjour et méconnaît les dispositions de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il disposait d'une attestation de demande d'asile jusqu'au 26 août 2023 ;
- méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 et de l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
La décision fixant le délai de départ volontaire :
- est illégale en raison de l'illégalité dont est entachée la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
La décision fixant le pays de renvoi :
- est illégale en raison de l'illégalité dont est entachée la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- est illégale en raison de l'illégalité dont est entachée la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le délai de départ volontaire ;
- méconnaît les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- est disproportionnée et entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de Saône-et-Loire qui n'a pas présenté d'observations.
Par ordonnance du 19 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 février 2024.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Mauclair, première conseillère.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 10 janvier 1984 à Kolkata (Inde) et de nationalité indienne, est, selon ses allégations, entré régulièrement sur le territoire français le 12 août 2022. A la suite du rejet de sa demande d'asile par une décision du 29 décembre 2022 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le préfet de Saône-et-Loire, par un arrêté du 10 mars 2023, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 26 mai 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire en litige comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, et vise notamment l'article L. 611-1, 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, retrace le parcours de M. A... en France, notamment le rejet de sa demande d'asile par une décision du 29 décembre 2022 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), rappelle ses conditions de séjour sur le territoire français, sa situation privée et familiale, et l'arrêté relève encore qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Par ailleurs, il ne ressort pas des termes de l'arrêté que le préfet, qui indique que M. A... " déclare être entré régulièrement en France le 12 août 2022, sous couvert de son passeport indien, valable du 20 décembre 2018 au 19 décembre 2028, assorti d'un visa court séjour à entrées multiples, délivré par les autorités italiennes, valable pour l'espace Schengen du 25 juillet 2022 au 23 août 2022, pour une durée maximale de séjour autorisée de 15 jours " puis que " l'intéressé n'a pas présenté son passeport indien aux autorités françaises lors de son entrée en France, que des lors il n'y a pas de preuve de son entrée régulière le 12 août 2022 " aurait entaché sa décision d'une contradiction de motifs. Par suite, cet arrêté comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Ainsi, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé.
3. En deuxième lieu, M. A... réitère en appel, sans y ajouter d'éléments nouveaux, les moyens tirés de ce que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Il convient d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge.
4. En troisième lieu, une violation des droits de la défense, en particulier du droit d'être entendu, n'entraîne l'annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l'absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent.
5. La seule circonstance suivant laquelle M. A... est atteint d'un diabète de type 1 ne constitue pas un élément suffisamment pertinent qu'il aurait pu utilement porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la mesure d'éloignement et qui, s'il avait été communiqué à temps, aurait été de nature à faire obstacle à la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
6. Par ailleurs, il ressort des dispositions de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la circonstance que l'administration aurait manqué à son obligation d'inviter l'intéressé à présenter une demande de titre de séjour à un autre titre que l'asile est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté, dès lors que la méconnaissance de cette obligation n'a d'autre effet que de rendre inopposable aux demandeurs d'asile, non régulièrement informés, le délai pour demander un titre de séjour sur un autre fondement. Or, il n'est pas établi ni même allégué que M. A... aurait déposé une demande de titre de séjour sur un fondement autre que son admission au séjour au titre de l'asile après l'expiration du délai prévu par les dispositions précitées de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif aux conditions de délivrance des titres de séjour, ni que le préfet lui aurait opposé le caractère tardif de cette demande. Dans ces conditions, la circonstance, à la supposer établie, que l'administration ne lui aurait pas délivré l'information prévue par les dispositions de l'article L. 431-2 pour l'inviter, le cas échéant, à présenter, dans le délai fixé par le texte, une demande d'admission au séjour à un autre titre que l'asile, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, (...) ". Par ailleurs l'article L. 542-2 du même code dispose que : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : (...) d) une décision de rejet dans les cas prévus à l'article L. 531-24 et au 5° de l'article L. 531-27 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 542-3 du même code : " Lorsque le droit au maintien sur le territoire français a pris fin dans les conditions prévues aux articles L. 542-1 ou L. 542-2, l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé. (...) ". Aux termes de l'article L. 531-24 du même code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides statue en procédure accélérée dans les cas suivants : 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr au sens de l'article L. 531-25 ; (...) ". Enfin, en vertu d'une décision du conseil d'administration de l'OFPRA adoptée le 9 octobre 2015, l'Inde est au nombre des pays d'origine sûrs.
8. En vertu de ces dispositions combinées, M. A..., ressortissant indien dont la demande d'asile a été instruite selon la procédure accélérée, n'avait plus de droit au maintien sur le territoire à compter de la décision du 29 décembre 2022 de l'OFPRA rejetant sa demande. Dans ces conditions, le préfet pouvait, le 10 mars 2023, quand bien même elle prévoyait une date de validité ultérieure, abroger l'attestation de demande d'asile dont il était titulaire et l'obliger, en application des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à quitter le territoire français, alors même qu'il avait introduit un recours contre la décision de l'OFPRA devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA).
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié " ; Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Lorsqu'elle envisage de prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger en situation irrégulière, l'autorité préfectorale n'est tenue de recueillir préalablement l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que si elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir que l'intéressé, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une telle mesure d'éloignement.
10. D'une part, si M. A... a présenté une demande d'asile auprès des services de la préfecture de Saône-et-Loire, il ne justifie pas avoir, préalablement à la décision en litige, transmis aux services de la préfecture des informations suffisamment précises et circonstanciées établissant qu'il aurait été susceptible de bénéficier des dispositions précitées du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de Saône-et-Loire n'était pas tenu de saisir, préalablement à l'arrêté en litige, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
11. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, au demeurant très peu nombreuses et peu circonstanciées, que M. A... est atteint d'un diabète pour lequel il suit un traitement médicamenteux à base de Lantus Solostar et de Novorapid Flexpen, ainsi que cela est établi par une ordonnance du 10 mars 2023 d'un médecin de l'unité de diabétologie-endocrinologie de l'Hôtel-Dieu du Creusot. Par ailleurs, les divers documents d'ordre médical dont le requérant se prévaut en première instance et en appel, notamment un courrier du 7 juillet 2023 qui se borne à indiquer que l'intéressé présente un " haut risque orthopédique " et un certificat du 18 août 2023 d'un médecin généraliste mentionnant qu'il " est porteur d'un diabète nécessitant un traitement médicamenteux tri quotidien qu'il ne peut arrêter ", ne suffisent pas, compte tenu des termes dans lesquels ils sont rédigés et en l'absence d'éléments circonstanciés et objectifs sur la gravité et l'évolution de la pathologie de M. A..., à démontrer qu'un défaut de prise en charge médicale pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni, en tout état de cause, qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un suivi ou d'un traitement appropriés dans son pays d'origine. A cet égard, il n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il ne pourrait bénéficier effectivement en Inde d'un traitement approprié à sa pathologie. Il s'ensuit qu'il n'est pas fondé à soutenir qu'il est au nombre des étrangers ne pouvant faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en vertu des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :
12. A l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le délai de départ volontaire, M. A... soulève le même moyen que celui soulevé en première instance et tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le premier juge.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
13. A l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi, M. A... soulève les mêmes moyens que ceux soulevés en première instance et tirés de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge.
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
14. A l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, M. A... soulève les mêmes moyens que ceux soulevés devant le premier juge, tirés de ce qu'elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle, qu'elle est illégale en raison de l'illégalité dont sont entachées les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le délai de départ volontaire, qu'elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est disproportionnée et entachée d'erreur manifeste d'appréciation et, enfin, qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge.
15. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 10 mars 2023 du préfet de Saône-et-Loire. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce que soit mise à la charge de l'État une somme au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 13 février 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, première conseillère,
Mme Claire Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mars 2024.
La rapporteure,
A.-G. MauclairLa présidente,
M. C...
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 23LY02986 2