Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions par lesquelles le directeur général de l'agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté a implicitement rejeté ses demandes indemnitaires des 6 juin 2019 et 19 décembre 2019 et de condamner l'agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté à lui verser la somme totale de 791 470,09 euros au titre de l'indemnisation des préjudices subis du fait de l'illégalité fautive de la décision du 26 octobre 2012 refusant à la clinique de la Roseraie le renouvellement d'autorisation de l'activité de soins de chirurgie.
Par un jugement n° 2000743 du 17 octobre 2022, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 22 novembre 2022, M. B... A..., représenté par Me Lucas-Baloup, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2000743 du 17 octobre 2022 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) d'annuler les décisions par lesquelles le directeur général de l'agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté a implicitement rejeté ses demandes indemnitaires des 6 juin 2019 et 19 décembre 2019 ;
3°) de condamner l'agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté à lui verser la somme totale de 791 470,09 euros au titre de l'indemnisation des préjudices subis du fait de l'illégalité fautive de la décision du 26 octobre 2012 refusant à la clinique de la Roseraie le renouvellement d'autorisation de l'activité de soins de chirurgie ;
4°) de mettre à la charge de l'agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté la somme de 24 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les décisions implicites de rejet de son recours préalable du 6 juin 2019 et de sa demande du 19 décembre 2019 sont entachées d'un défaut de motivation ;
- la décision illégale de l'agence régionale de santé (ARS) du 26 octobre 2012 est à l'origine de la fermeture brutale de la clinique La Roseraie, laquelle a été contrainte de mettre fin au contrat d'exercice libéral les liant, et ce, sans préavis ;
- cette décision brutale l'a privé de toute possibilité d'anticiper la fermeture de l'établissement de santé privé ;
- l'illégalité de cette décision est de nature à engager la responsabilité de l'administration ;
- le jugement attaqué méconnait l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Lyon le 11 juin 2015 ;
- il est bien fondé à demander l'indemnisation de ses préjudices résultant de la rupture brutale du contrat d'exercice libéral conclu avec la clinique, de la perte de l'indemnité de résiliation et de l'indemnité de non-respect du préavis, de la rupture de son contrat de bail professionnel, de son préjudice économique, de la perte de clientèle, du changement de lieu d'exercice, de son préjudice moral et des frais de procédure.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 octobre 2023, l'agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté conclut au rejet de la requête, ou à titre subsidiaire, à la minoration des demandes indemnitaires.
Elle soutient que :
- les préjudices allégués ne présentent pas de lien direct et certain avec l'illégalité de la décision du 26 octobre 2012 ; la brutalité alléguée de cette décision ne lui est pas imputable et M. A... ne pouvait ignorer la situation de la clinique ;
- M. A... a refusé les offres de reclassement qui lui ont été faites par la clinique et certains des préjudices allégués résultent de ses seuls choix personnels.
Par ordonnance du 6 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée le 6 novembre 2023 à 16h30.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère ;
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Lucas-Baloup, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Par jugement du tribunal de commerce de Macon du 11 juin 2010, la société Clinique de la Roseraie, située à Paray-le-Monial, a été placée en liquidation judiciaire et ses actifs ont été cédés à la société Vitalia Expansion 6 SAS devenue la SAS clinique la Roseraie VE6. Cette dernière a bénéficié, à titre exceptionnel et jusqu'à ce qu'il soit statué sur une demande définitive d'autorisation, du transfert des autorisations d'activité de soins de chirurgie auparavant détenues par l'ancienne société jusqu'au 31 octobre 2012, en vertu d'une décision du 9 juillet 2010 prise par l'agence régionale de santé (ARS) de Bourgogne. Le 28 octobre 2011, l'ARS de Bourgogne a enjoint à la SAS clinique la Roseraie VE6 de déposer une demande de renouvellement d'autorisation d'activité de soins de chirurgie en hospitalisation complète. La demande de renouvellement d'autorisation a été déposée le 27 juin 2012. Par une décision du 26 octobre 2012, prise après avis défavorable de la commission spécialisée de l'organisation des soins du 19 octobre 2012, l'ARS de Bourgogne a rejeté cette demande et a indiqué que cette décision prenait effet à la date de fin de validité de l'autorisation en cours, soit le 31 octobre 2012, entraînant la fin de validité de l'autorisation de soins de chirurgie pour la modalité de chirurgie ambulatoire à cette même date. En raison de ce refus de renouvellement d'autorisation d'activité de soins de chirurgie en hospitalisation complète et de la fin de validité de l'autorisation de soins de chirurgie ambulatoire décidés par l'ARS, la directrice de la clinique La Roseraie a, par courrier du 18 décembre 2012, signifié à M. A..., chirurgien, la résiliation du contrat d'exercice libéral conclu le 2 janvier 2001 avec cette clinique.
2. Par un arrêt du 11 juin 2015, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé la décision de l'ARS de Bourgogne du 26 octobre 2012 et a enjoint à cette dernière de réexaminer, dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt, la demande de renouvellement de l'autorisation de l'activité de soins de chirurgie en hospitalisation complète présentée par la clinique. Par un courrier du 6 juin 2019, M. A... a adressé au directeur général de l'ARS de Bourgogne Franche-Comté une demande indemnitaire tendant à la réparation des préjudices résultant pour lui de la rupture de son contrat d'exercice libéral avec la clinique en invoquant l'illégalité fautive de la décision du 26 octobre 2012. Il n'a pas été répondu à cette demande. Par courrier du 19 décembre 2019, également resté sans réponse, M. A... a demandé les motifs du rejet implicite de son recours indemnitaire préalable. M. A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler ces décisions et de condamner l'ARS de Bourgogne Franche-Comté à lui verser une indemnité de 791 470,09 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité fautive de la décision du 26 octobre 2012. M. A... relève appel du jugement du 17 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Sur la nature du litige :
3. La décision implicite par laquelle le directeur général de l'ARS de Bourgogne Franche-Comté a rejeté la demande indemnitaire préalable formée par M. A... a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de ce dernier qui, en formulant les conclusions analysées au point 2, a donné à l'ensemble de sa requête le caractère d'un recours de plein contentieux. Dès lors, les vices propres dont cette décision serait, le cas échéant, entachée sont sans incidence sur la solution du litige dont l'objet doit conduire le juge à se prononcer exclusivement sur les droits du requérant à obtenir réparation des préjudices qu'il allègue avoir subi du fait l'illégalité fautive de la décision du 26 octobre 2012.
Sur la responsabilité :
4. Aux termes de l'article L. 6122-10 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : " Le renouvellement de l'autorisation est subordonné au respect des conditions prévues à l'article L. 6122-2 et L. 6122-5 et aux résultats de l'évaluation appréciés selon des modalités arrêtées par le ministre chargé de la santé. / Il peut également être subordonné aux conditions mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 6122-7. / Le titulaire de l'autorisation adresse les résultats de l'évaluation à l'agence régionale de santé au plus tard quatorze mois avant l'échéance de l'autorisation. / Au vu de ce document et de la compatibilité de l'autorisation avec le schéma d'organisation des soins, l'agence régionale de santé peut enjoindre au titulaire de déposer un dossier de renouvellement dans les conditions fixées à l'article L. 6122-9. / A défaut d'injonction un an avant l'échéance de l'autorisation, et par dérogation aux dispositions de l'article L. 6122-9, celle-ci est tacitement renouvelée. L'avis de la commission spécialisée de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie compétente pour le secteur sanitaire n'est alors pas requis. ". Aux termes de l'article L. 6122-2 du même code : " L'autorisation est accordée lorsque le projet : / 1° Répond aux besoins de santé de la population identifiés par les schémas mentionnés aux articles L. 1434-7 et L. 1434-10 ; 2° Est compatible avec les objectifs fixés par ce schéma ; 3° Satisfait à des conditions d'implantation et à des conditions techniques de fonctionnement. (...) ". L'article R. 6122-34 de ce code indique qu'un refus de renouvellement d'autorisation peut être opposé notamment lorsque les besoins de santé définis par le schéma d'organisation des soins sont satisfaits ou lorsque le projet n'est pas compatible avec les objectifs de ce schéma d'organisation.
5. En premier lieu, la décision par laquelle l'autorité administrative refuse illégalement une autorisation ou un renouvellement d'autorisation constitue une faute de nature à engager sa responsabilité, pour autant qu'elle ait été à l'origine d'un préjudice direct et certain.
6. Si, par un arrêt du 11 juin 2015, devenu définitif, la cour a annulé pour erreur de droit la décision du directeur général de l'ARS de Bourgogne du 26 octobre 2012 portant refus de renouvellement de l'autorisation d'activité de soins en chirurgie pour la modalité d'hospitalisation à temps complet au motif qu'il s'était estimé à tort en situation de compétence liée, l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache au dispositif de cet arrêt et au motif qui en constitue le soutien nécessaire, ne fait pas obstacle à ce que cette illégalité soit regardée comme ne présentant pas de lien de causalité direct et certain avec les préjudices dont se prévaut M. A... s'il apparaît que l'autorité administrative pouvait légalement et pour un autre motif, refuser ce renouvellement d'autorisation d'activité. Dès lors, en l'espèce, que le tribunal administratif de Dijon s'est borné à statuer sur l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre l'illégalité fautive de la décision du 26 octobre 2012 et les préjudices allégués, le moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt du 11 juin 2015 doit être écarté.
7. En second lieu, il résulte de l'instruction que le chapitre 6 du schéma régional d'organisation des soins (SROS) 2006-2011, mentionnait, s'agissant du site intermédiaire du territoire sanitaire Sud Saône-et-Loire constitué de la clinique de la Roseraie et du centre hospitalier de Paray-le-Monial, " l'attribution d'une autorisation commune de chirurgie (au lieu de deux) sur le site intermédiaire, à échéance du SROS, dans le cadre d'une coopération formalisée et adaptée juridiquement entre les deux plateaux techniques public et privé du site, répondant aux préconisations réglementaires de fonctionnement ". Cet objectif a été repris dans le SROS 2012-2017, qui indique qu'un seul plateau de chirurgie doit subsister à Paray-le-Monial.
8. Ainsi que l'a jugé la cour dans un arrêt du 11 juin 2015 devenu définitif, pour rejeter la demande de renouvellement de l'autorisation de la Clinique de la Roseraie relative à l'activité de soins de chirurgie pour la modalité d'hospitalisation complète, le directeur de l'ARS de Bourgogne Franche-Comté, qui ne pouvait s'estimer lié par la seule constatation de l'absence d'une démarche de rapprochement entre le centre hospitalier de Paray le Monial et la clinique de la Roseraie, disposant tout deux d'un plateau de chirurgie, devait, pour statuer sur ladite demande, procéder à un examen particulier des mérites respectifs de chacun de ces établissements, eu égard notamment à leur niveau d'activité.
9. En se bornant à faire valoir que les réticences à mettre en œuvre une coopération public/privé émanaient principalement des praticiens hospitaliers et à invoquer le rapport de la Chambre régionale des comptes de Bourgogne du 10 juin 2010 sur la gestion du centre hospitalier de Paray le Monial, M. A... n'apporte aucun élément de nature à démontrer que la clinique de La Roseraie présentait une offre de soins, une situation financière ou des perspectives de croissance d'activité plus favorables que celles du centre hospitalier eu égard notamment à la répartition de la patientèle locale se caractérisant par un taux d'hospitalisation complète de 73 % dans les établissements de santé du département, hors Paray le Monial, ainsi que cela ressort des chiffres mentionnés dans l'avis de la commission spécialisée de l'organisation des soins en Bourgogne du 19 octobre 2012. Par ailleurs, il résulte également de cet avis que l'activité de la clinique de la Roseraie en hospitalisation complète était en baisse depuis 2010, que son offre de soins en chirurgie était réduite depuis le 3 juillet 2012, date à compter de laquelle elle n'était plus autorisée à pratiquer la chirurgie carcinologique des pathologies urologiques et digestives et, par ailleurs, qu'elle n'était pas autorisée à faire fonctionner d'équipement matériel lourd. Dans ces conditions, le directeur général de l'ARS aurait pu légalement rejeter la demande de renouvellement d'autorisation de la clinique de la Roseraie en vertu des dispositions du code de la santé publique citées au point 4, eu égard à l'objectif du SROS cité au point 7. Par conséquent, les préjudices allégués par M. A..., liés à la rupture de son contrat d'exercice libéral avec la clinique le 18 décembre 2012 consécutif à la décision de refus de renouvellement d'autorisation prise par l'ARS le 26 octobre 2012, ne saurait être regardé comme présentant un lien de causalité direct et certain avec l'illégalité fautive de cette décision. Par suite, l'illégalité fautive de la décision du 26 octobre 2012 par laquelle l'ARS de Bourgogne a refusé le renouvellement de l'autorisation d'activité de soins de chirurgie de la clinique de la Roseraie n'ouvre pas un droit à indemnisation à M. A....
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'ARS de Bourgogne Franche-Comté à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'intervention de la décision du 26 octobre 2012. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités. Copie en sera adressée à l'agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté.
Délibéré après l'audience du 4 mars 2024 à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président-assesseur,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024.
La rapporteure,
E. Vergnaud
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY03406