Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2023 par lequel la préfète du Rhône a décidé sa remise aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Par jugement n° 2308778 du 3 novembre 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a, dans un article 2, rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 4 janvier 2024, M. A... B..., représenté par Me Messaoud, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 novembre 2023 ainsi que l'arrêté susvisé ;
2°) d'enjoindre à la préfète du Rhône, à titre principal, de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile et de lui remettre un dossier de demande d'asile dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète du Rhône de réexaminer sa situation dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la préfète du Rhône s'est à tort estimée en compétence liée pour édicter l'arrêté en litige ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 2 février 2024, la préfète du Rhône conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 6 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant géorgien né le 18 août 1975, est entré irrégulièrement en France selon ses déclarations le 30 mars 2023 avec son épouse et leurs deux filles, l'une majeure et l'autre mineure. Après consultation du fichier européen Eurodac, il a été constaté que l'intéressé avait demandé l'asile en Allemagne le 11 août 2022. Les autorités allemandes, saisies d'une demande de reprise en charge de l'intéressé pour l'examen de sa demande d'asile en vertu de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'ont explicitement acceptée, le 22 mai 2023. Par un arrêté du 4 octobre 2023, la préfète du Rhône a ordonné le transfert de M. A... B... aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Ce dernier relève appel de l'article 2 du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète du Rhône se serait estimée en situation de compétence liée par la décision expresse de reprise en charge des autorités allemandes pour édicter l'arrêté en litige.
3. En deuxième lieu, si le requérant se prévaut de l'erreur manifeste d'appréciation commise par la préfète du Rhône en refusant de faire usage de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 susvisé, ce moyen doit être écarté pour les motifs retenus à bon droit par le premier juge aux points 13 et 14 du jugement attaqué.
4. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...). "
5. Si le requérant se prévaut de l'état de santé de son épouse, lequel nécessite la réalisation de trois séances d'hémodialyse par semaine en raison d'une pathologie rénale, il n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle ne pourrait être prise en charge médicalement en Allemagne ou voyager vers ce pays. En outre, il est constant que l'entrée en France du requérant est très récente et que les membres de sa famille sont dans la même situation administrative que lui puisque son épouse et sa fille majeure font également l'objet d'un arrêté portant transfert vers les autorités allemandes. Le requérant ne démontre ni son intégration sur le territoire, ni y avoir tissé des liens suffisamment intenses et stables. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant remise aux autorités allemandes porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par les stipulations précitées doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise à ce titre par la préfète du Rhône doit être écarté.
6. Il résulte de ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Les conclusions qu'il présente aux mêmes fins en appel doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Dèche, présidente,
Mme Mauclair, première conseillère,
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2024.
La rapporteure,
V. Rémy-NérisLa présidente,
P. Dèche
La greffière,
C. Driguzzi
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 24LY00022