Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 9 octobre 2020 par laquelle la cheffe du service national du renseignement pénitentiaire lui a refusé le bénéfice de la prime exceptionnelle versée à certains agents publics soumis à des sujétions exceptionnelles pour assurer la continuité des services publics dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire déclaré pour faire face à l'épidémie de covid-19 et qu'il soit enjoint à l'administration que cette prime lui soit versée à hauteur de 660 euros.
Par un jugement n° 2003083 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires enregistrés les 24 novembre et 16 décembre 2022 ainsi que le 9 juin 2023 (ce dernier n'ayant pas été communiqué), M. B..., représenté par Me Meunier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 9 octobre 2020 ;
3°) d'enjoindre à l'administration de lui verser la prime exceptionnelle en litige à hauteur de 660 euros.
Il soutient que :
- sa requête d'appel est recevable, contenant des moyens d'appel et une critique du jugement attaqué ;
- la décision contestée est entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation ;
- elle est également entachée d'une erreur de droit, la prime en litige ayant été versée au sein du service dans lequel il est affecté au regard d'un critère tiré de l'ancienneté dans les fonctions, non prévu par le décret n° 2020-570 du 14 mai 2020 ;
- elle est en outre entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, compte tenu des sujétions exceptionnelles auxquelles il a dû faire face de mars à mai 2020 ;
- elle méconnaît le principe d'égalité de traitement entre agents appartenant à un même corps, voire est discriminatoire, dans la mesure où il est le seul de son service composé de quatre personnes à ne pas avoir bénéficié de la prime en litige.
Par un mémoire enregistré le 15 mai 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable, ne contenant pas des moyens d'appel ni de critique du jugement attaqué ;
- il s'en remet pour le surplus aux écritures de première instance.
Par une ordonnance du 15 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020, et notamment son article 11 ;
- le décret n° 2020-570 du 14 mai 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chassagne, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., alors titulaire du grade de lieutenant pénitentiaire, exerce des fonctions de délégué interrégional du renseignement pénitentiaire au sein de la direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP) de Dijon devenue cellule interrégionale du renseignement pénitentiaire de Dijon. La demande qu'il a présentée le 1er septembre 2020, pour bénéficier de la prime exceptionnelle versée à certains agents publics soumis à des sujétions exceptionnelles pour assurer la continuité des services publics dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire déclaré pour faire face à l'épidémie de covid-19 a été rejetée par une décision du 9 octobre 2020 de la cheffe du service national du renseignement pénitentiaire. M. B... a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision le 13 octobre 2020, implicitement rejeté. M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Dijon qui a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 9 octobre 2020.
2. Aux termes de l'article 11 de la loi du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 : " I.-La prime exceptionnelle versée, en 2020, par les administrations publiques au sens du règlement (CE) n° 2223/96 du Conseil du 25 juin 1996 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans la Communauté, à ceux de leurs agents particulièrement mobilisés pendant l'état d'urgence sanitaire déclaré en application de l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 afin de tenir compte d'un surcroît de travail significatif durant cette période est exonérée d'impôt sur le revenu, de toutes les cotisations et contributions sociales d'origine légale ou conventionnelle ainsi que des participations, taxes et contributions prévues à l'article 235 bis du code général des impôts et à l'article L. 6131-1 du code du travail. / Cette prime est exclue des ressources prises en compte pour le calcul de la prime d'activité mentionnée à l'article L. 841-1 du code de la sécurité sociale et pour l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du même code. / II.-Les bénéficiaires, les conditions d'attribution et de versement de la prime exceptionnelle mentionnée au présent article ainsi que son montant sont déterminés dans des conditions fixées par décret, en fonction des contraintes supportées par les agents à raison du contexte d'état d'urgence sanitaire déclaré en application du chapitre Ier bis du titre III du livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique. ". Aux termes de l'article 1er du décret du 14 mai 2020 relatif au versement d'une prime exceptionnelle à certains agents civils et militaires de la fonction publique de l'État et de la fonction publique territoriale soumis à des sujétions exceptionnelles pour assurer la continuité des services publics dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire déclaré pour faire face à l'épidémie de covid-19 : " En application de l'article 11 de la loi du 25 avril 2020 susvisée, le présent décret détermine les conditions dans lesquelles l'État, (...) peuvent verser une prime exceptionnelle à ceux de leurs agents particulièrement mobilisés pendant l'état d'urgence sanitaire déclaré en application de l'article 4 de la du 23 mars 2020 susvisée afin de tenir compte d'un surcroît de travail significatif durant cette période. / Les bénéficiaires de la prime exceptionnelle sont nommément désignés à cet effet dans les conditions prévues par le présent décret. ". Aux termes de l'article 3 de ce décret : " Sont considérés comme particulièrement mobilisés au sens de l'article 1er les personnels pour lesquels l'exercice des fonctions a, en raison des sujétions exceptionnelles auxquelles ils ont été soumis pour assurer la continuité du fonctionnement des services, conduit à un surcroît significatif de travail, en présentiel ou en télétravail ou assimilé. ". Enfin, aux termes de l'article 7 du même décret : " Pour l'Etat, (...) les bénéficiaires de la prime exceptionnelle et le montant alloué sont déterminés par le chef de service (...). / Le montant de la prime est modulable comme suit, en fonction notamment de la durée de la mobilisation des agents : / - taux n° 1 : 330 euros ; / - taux n° 2 : 660 euros ; / - taux n° 3 : 1 000 euros. / La prime exceptionnelle fait l'objet d'un versement unique. ".
3. En premier lieu, à supposer même que M. B... ait entendu soulever un tel moyen, il n'apparaît pas que la décision contestée n'aurait pas été prise après un examen complet de sa situation, et notamment la réalité de son activité pendant la période de l'état d'urgence sanitaire de mars à mai 2020.
4. En deuxième lieu, s'il est vrai que le critère tenant à l'ancienneté dans les fonctions n'est pas au nombre de ceux visés par les dispositions des articles 1er et 3 du décret du 14 mai 2020 pour l'attribution de la prime en litige, il n'apparaît pas que le refus dont a fait l'objet l'intéressé aurait été opposé pour un tel motif. Le moyen doit donc être écarté.
5. En troisième lieu, pour critiquer le refus contesté, M. B... se prévaut des sujétions exceptionnelles auxquelles il a dû faire face de mars à mai 2020. Il invoque à cet égard tant l'exercice de ses fonctions en étant présent sur place et non pas en télétravail à la différence de ses collègues, que la réalisation d'heures supplémentaires et plusieurs déplacements. Rien ne permet toutefois de dire que, pendant l'état d'urgence sanitaire de mars à mai 2020, les autres délégués interrégionaux du renseignement pénitentiaire alors affectés au sein de la DISP de Dijon auraient, pour ceux qui n'étaient pas en congé maladie, exclusivement accompli leurs fonctions en télétravail. Les dispositions de l'article 3 du décret du 14 mai 2020 prévoient à cet égard que la mobilisation particulière des agents susceptible de justifier, le cas échéant, le versement de la prime peut résulter d'une activité soit en présentiel soit en télétravail ou assimilé. De plus, si M. B... se prévaut d'un surcroît d'activité pendant la période en cause avec réalisation d'heures supplémentaires, et produit à cet effet différents documents faisant effectivement état d'une augmentation de celles-ci, il apparaît cependant, au regard notamment de la fiche de situation individuelle de l'intéressé, qu'il avait débuté ses fonctions de délégué interrégional du renseignement pénitentiaire seulement depuis le 1er février 2020 et se trouvait donc de ce fait, indépendamment de l'état d'urgence sanitaire, nécessairement dans une phase d'adaptation qui pouvait exiger un complément d'activité. Par suite, et compte tenu de l'ensemble des pièces du dossier, malgré l'investissement professionnel de M. B..., en refusant de lui octroyer la prime exceptionnelle en cause, la cheffe du service national du renseignement pénitentiaire n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées du décret du 14 mai 2020.
6. En quatrième lieu, le principe d'égalité des agents appartenant à un même corps n'interdit pas de les traiter différemment lorsque des conditions différentes d'exercice de leurs fonctions le justifient. En toute hypothèse, il n'apparaît pas que M. B... se serait trouvé dans la même situation que ses collègues et que, par ailleurs, il aurait été victime de discrimination. Le moyen ne saurait donc être retenu.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le garde des sceaux, ministre de la justice, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2024 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2024.
Le rapporteur,
J. ChassagneLe président,
V-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY03447
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