Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Sous les n° 2003632 et 2100600, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 3 juin 2020 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) a rejeté son recours administratif préalable obligatoire dirigé contre la décision du 17 décembre 2019 par laquelle la commission locale d'agrément et de contrôle (CLAC) Sud-Est lui a refusé le renouvellement d'une carte professionnelle pour l'exercice d'une activité de sécurité privée.
Par un jugement n° 2003632-2100600 du 2 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 février 2023, M. B... A..., représenté par la SCP Germain-Phion et Jacquemet, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2003632 du 2 décembre 2022 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler la décision du 3 juin 2020 par laquelle la CNAC rattachée au CNAPS a rejeté son recours administratif préalable obligatoire dirigé contre la décision du 17 décembre 2019 par laquelle la CLAC Sud-Est lui a refusé le renouvellement d'une carte professionnelle pour l'exercice d'une activité de sécurité privée ;
3°) d'enjoindre au CNAPS de lui délivrer immédiatement la carte professionnelle sollicitée, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge du CNAPS une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient que :
- la matérialité des faits n'est pas établie ;
- il a agi en situation de légitime défense au sens de l'article 122-5 du code pénal auquel renvoie l'article R. 631-10 du code de la sécurité intérieure ;
- c'est par erreur de droit que le CNAPS s'est fondé sur les dispositions de l'article L. 612-20, 1° et 2°, du code de la sécurité intérieure dont les conditions ne sont pas réunies ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 mars 2023, le CNAPS, représenté par la SELARL Centaure avocats, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce que la somme de 500 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le CNAPS soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 7 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 8 avril 2024 à 16h30.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code pénal et le code de procédure pénale ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Apacheva, représentant le CNAPS.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a bénéficié de la délivrance d'une carte professionnelle pour l'exercice d'une activité de surveillance humaine et de surveillance par des systèmes électroniques de sécurité et de gardiennage, renouvelée en dernier lieu par décision du 4 novembre 2014 du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), pour une durée de cinq ans. Par décision du 17 décembre 2019, la commission locale de contrôle et d'agrément (CLAC) Sud-Est lui en a refusé le renouvellement. Par décision du 9 juin 2020, la commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC), sur recours administratif préalable obligatoire, a confirmé ce refus. Par le jugement attaqué du 2 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de cette décision du 9 juin 2020.
2. Aux termes de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure : " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 : / (...) / 2° S'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation, par des agents du Conseil national des activités privées de sécurité spécialement habilités par le représentant de l'Etat territorialement compétent et individuellement désignés, des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées (...) "
3. La CNAC a rejeté le recours administratif préalable obligatoire formé par M. A... au motif que, alors qu'il était vigile dans un magasin, il a le 12 juillet 2018 giflé et poussé violemment une cliente pour la faire sortir du magasin, entrainant une incapacité de travail n'excédant pas huit jours. La CNAC a estimé que ces faits révèlent un comportement de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes dont la protection constitue pourtant l'une des missions essentielles confiées aux agents de sécurité privée, ainsi qu'une absence de la maîtrise de soi normalement attendue dans cette activité, de telle sorte que le comportement de M. A... est apparu à la CNAC comme incompatible avec l'exercice des fonctions pour lesquelles il sollicitait une carte professionnelle.
4. En premier lieu, si M. A... soutient que la matérialité des faits ne serait pas établie, il résulte des déclarations de l'agent de police judiciaire retranscrites dans l'enquête de moralité du 4 décembre 2019 produite par le CNAPS, que M. A... a admis s'être emporté et avoir giflé une cliente en l'ayant poussé " un peu violemment ". La même enquête relève que ces faits correspondent à ce que soutenait la cliente et que l'incident a été confirmé par un témoin. Enfin, elle ajoute que le PC sécurité du centre commercial a produit un enregistrement de vidéosurveillance qui a permis à l'agent de vérifier visuellement la matérialité des faits. Il précise à cet égard que " la fin de la scène était visible et la plaignante était violemment éjectée du magasin avec une force assez conséquente, elle retombait sur la tête et le dos dans la galerie marchande ". Il est relevé que la cliente ainsi bousculée a été victime d'une incapacité temporaire totale (ITT) de six jours. En outre, M. A... admet lui-même la réalité de l'incident dans ses écritures et invoque la légitime défense. Le moyen tiré de l'inexactitude matérielle des faits doit en conséquence être écarté.
5. En deuxième lieu, M. A... invoque l'exception de légitime défense prévue par l'article 122-5 du code pénal auquel renvoie l'article R. 631-10 du code de la sécurité intérieure qui, au titre des obligations déontologiques pesant sur les personnes exerçant des activités privées de sécurité prévoit que : " Interdiction de toute violence. / Sauf dans le cas de légitime défense prévu aux articles 122-5 et 122-6 du code pénal, les acteurs de la sécurité privée ne doivent jamais user de violences, même légères (...) ". M. A... se prévaut de la circonstance, établie, que la cliente lui a elle-même infligé une gifle, et il soutient en outre, sans que cela soit établi, qu'elle aurait proféré à son encontre des injures racistes. Toutefois, aussi regrettable qu'ait pu être le comportement de la cliente, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait constitué une menace réelle pour M. A..., qui n'a d'ailleurs subi aucune séquelle, et la réaction brutale de M. A... excède manifestement ce qu'un comportement désagréable mais d'intensité limitée peut justifier. C'est à juste titre que la CNAC a relevé que son comportement manifeste en réalité une tendance à la violence et une absence flagrante de maîtrise de soi, qui ne peuvent être regardées comme une simple défense légitime. L'exception de légitime défense doit en conséquence être écartée.
6. En troisième lieu, si les dispositions précitées de l'article L. 612-20, 2° du code de la sécurité intérieure évoquent une enquête administrative, il ressort des pièces du dossier que le CNAPS a effectivement réuni des éléments utiles d'appréciation et M. A... n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article L. 612-20, 2° auraient été méconnues en l'absence d'une telle enquête. Il résulte par ailleurs de ce qui vient d'être dit sur le comportement violent et non maitrisé de M. A... qu'il constitue un risque pour la sécurité des personnes et s'avère incompatible avec l'exercice d'activités de surveillance, dont les exigences déontologiques portent particulièrement sur l'interdiction de tout acte de violence. La CNAC n'a donc commis ni erreur de droit ni erreur d'appréciation en refusant à M. A... le renouvellement de sa carte professionnelle sur le fondement de l'article L. 612-20, 2°.
7. En quatrième lieu, M. A... ne peut utilement, alors qu'il a été dit qu'il ne remplit pas les conditions requises pour l'exercice de l'activité professionnelle en litige, soutenir que la décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par le CNAPS sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le Conseil national des activités privées de sécurité sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au Conseil national des activités privées de sécurité.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.
Le rapporteur,
H. Stillmunkes
Le président,
F. Pourny
Le greffier en chef,
C. Gomez
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY00413