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29/05/2024 | FRANCE | N°22LY01519

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 29 mai 2024, 22LY01519


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure

La société Vert Marine a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le syndicat intercommunal du centre nautique Bugey Côtière à lui verser une somme de 275 000 euros, outre intérêts de droit à compter du 17 septembre 2020, capitalisés, en réparation du préjudice qu'elle a subi à la suite de son éviction irrégulière de la délégation de service public conclue pour la gestion et l'animation du centre aquatique " Espace Laure Manaudou ".



Par jugement n°

2008911 du 17 mars 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour



Par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Vert Marine a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le syndicat intercommunal du centre nautique Bugey Côtière à lui verser une somme de 275 000 euros, outre intérêts de droit à compter du 17 septembre 2020, capitalisés, en réparation du préjudice qu'elle a subi à la suite de son éviction irrégulière de la délégation de service public conclue pour la gestion et l'animation du centre aquatique " Espace Laure Manaudou ".

Par jugement n° 2008911 du 17 mars 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 18 mai 2022, la société Vert Marine, représentée par Me Boyer, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner le syndicat intercommunal du centre nautique Bugey Côtière à lui verser une somme de 275 000 euros, outre intérêts de droit à compter du 17 septembre 2020, capitalisés, en réparation de la privation de son manque à gagner ou, à titre subsidiaire, 10 000 euros en remboursement des frais de présentation de son offre ;

3°) de mettre à la charge de toute partie perdante la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le syndicat intercommunal du centre nautique Bugey Côtière, qui devait s'assurer du respect par les candidats de la législation du travail, était tenu d'écarter sans la classer l'offre du candidat retenu, la société Equalia, qui ne respectait pas la convention collective applicable, à savoir la convention collective nationale du sport ;

- l'application par le candidat retenu de la seule convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels (dite convention collective ELAC), moins onéreuse et moins contraignante, a eu des conséquences sur l'offre présentée et sur son appréciation ; en tout état de cause, et dès lors que doit être écartée toute offre qui méconnaît la législation applicable, indépendamment des conséquences de cette méconnaissance sur les caractéristiques de l'offre, le syndicat ne pouvait retenir l'offre de la société Equalia ;

- contrairement à celle de la société attributaire, sa propre offre respectait la convention collective nationale du sport ;

- elle disposait d'une chance sérieuse de remporter le contrat car son offre a été classée en deuxième position ; elle justifie de son préjudice par la production du compte d'exploitation prévisionnel remis à l'appui de son offre et par une attestation de son commissaire aux comptes ;

- sa propre offre n'était pas irrégulière pour n'avoir pas comporté les curriculum vitae de ses personnels, la production de telles pièces n'étant pas demandée et aucune observation n'ayant été formulée sur ce point ; elle n'a d'ailleurs été rejetée, selon le syndicat, que sur les critères financiers ; en tout état de cause, la circonstance que l'offre du concurrent évincé soit irrégulière ne fait pas obstacle à ce qu'il puisse se prévaloir de l'irrégularité de l'offre de la société attributaire du contrat en litige.

Par mémoire enregistré le 27 octobre 2023, le syndicat intercommunal du centre nautique Bugey Côtière, représenté par Me Petit, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société Vert Marine la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'offre de la société Vert Marine ne comportait pas les pièces requises par le règlement de consultation et l'article 6.3 du cahier des charges, lesquels exigeaient la production des curriculums vitae des salariés ;

- l'incomplétude de l'offre de la société requérante, compte tenu de l'absence de transmission de ces curriculums vitae, est de nature à la rendre irrégulière ;

- la société requérante, en tant que candidate évincée dont l'offre était irrégulière, ne justifie pas d'un intérêt lésé et n'est ainsi pas fondée à critiquer l'appréciation portée sur les autres offres ;

- elle n'établit pas que l'irrégularité, à la supposer établie, de l'offre de la société attributaire pour méconnaissance du droit du travail serait à l'origine directe de son éviction ;

- en tout état de cause, la société requérante n'établit ni que la société attributaire faisait application de la convention collective dite ELAC, ni que cette dernière n'était pas celle applicable ;

- dès lors que sa propre offre est irrégulière, la société requérante ne peut prétendre à l'indemnisation d'un préjudice résultant de son éviction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- les observations de Me Tardieu pour la société Vert Marine, et celles de Me Piechon pour le syndicat intercommunal du centre nautique Bugey Côtière.

Considérant ce qui suit :

1. Par avis publié le 8 juillet 2017, le syndicat intercommunal du centre nautique Bugey Côtière a engagé une consultation en vue de l'attribution de la délégation de service public afférente à l'exploitation du centre aquatique Espace Laure Manaudou situé à Ambérieu-en-Bugey. Deux candidates, la société Equalia et la société Vert Marine, ont été admises à présenter une offre. A l'issue de cette procédure, la société Equalia a été déclarée attributaire de la délégation. Par jugement du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de la société Vert Marine tendant à la condamnation du syndicat intercommunal du centre nautique Bugey Côtière à lui verser une somme de 275 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de son éviction. La société Vert Marine relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions indemnitaires de la société Vert Marine :

2. A l'appui de son recours, la société Vert Marine soutient que le syndicat intercommunal du centre nautique Bugey Côtière a commis une faute en attribuant la convention de délégation de service public à la société Equalia qui aurait fait application de la convention nationale collective des espaces de loisirs, d'attractions et culturels alors que la nature de l'activité exercée nécessitait qu'elle affilie son personnel à la convention collective nationale du sport. Elle en déduit que l'offre de la société Equalia étant irrégulière, cette dernière société ne pouvait être désignée attributaire et qu'elle-même ayant été classée en second rang, c'est sa propre offre qui aurait dû être retenue. Elle demande en conséquence réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de son éviction illégale.

3. D'une part, aux termes du I de l'article 1er de l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, alors applicable : " Les contrats de concession soumis à la présente ordonnance respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. / Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics ".

4. Aux termes de l'article L. 2261-15 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : " Les stipulations d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel (...) peuvent être rendues obligatoires pour tous les salariés et employeurs compris dans le champ d'application de cette convention ou de cet accord, par arrêté du ministre chargé du travail (...) ".

5. Il résulte des dispositions du code du travail citées au point précédent que les stipulations d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel rendues obligatoires par arrêté ministériel s'imposent aux candidats à l'octroi d'une délégation de service public lorsqu'ils entrent dans le champ d'application de cette convention. Par suite, une offre finale mentionnant une convention collective inapplicable ou méconnaissant la convention applicable ne saurait être retenue par l'autorité concédante et doit être écartée comme irrégulière par celle-ci.

6. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la société Equalia aurait fait mention, dans son offre ou au cours des négociations, d'une convention collective qui n'était pas applicable. Si la société Vert Marine fait valoir que sa propre offre a été rejetée pour des motifs financiers, puisque lui a été attribuée une note de 5 sur 10 au critère financier, contre une note de 9 sur 10 à la société Equalia, une telle circonstance ne suffit pas à démontrer que l'écart de prix résulterait nécessairement de la méconnaissance par la société concurrente des conditions salariales et de temps de travail fixées par la convention collective applicable, alors que les salaires ne constituent qu'un élément du coût de revient global de main d'œuvre. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'offre retenue aurait dû être écartée comme irrégulière ou inacceptable.

7. Eu égard à l'absence de faute commise par le syndicat intercommunal du centre nautique Bugey Côtière, la société Vert Marine n'est pas fondée à demander sa condamnation à lui verser la somme de 275 000 euros au titre de son manque à gagner, ni même, à titre subsidiaire, la somme de 10 000 euros au titre des frais qu'elle a engagés pour soumissionner, en réparation du préjudice subi du fait de son éviction de la procédure d'attribution de la délégation de service public en litige.

8. Il résulte de ce qui précède que la société Vert Marine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du syndicat intercommunal du centre nautique Bugey Côtière, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Vert Marine demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le paiement des frais exposés par le syndicat intercommunal du centre nautique Bugey Côtière en application de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Vert Marine est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du syndicat intercommunal du centre nautique Bugey Côtière tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Vert Marine et au syndicat intercommunal du centre nautique Bugey Côtière.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2024 à laquelle siégeaient :

M. Arbaretaz, président,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Psilakis première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mai 2024.

La rapporteure,

A. Evrard

Le président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01519


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01519
Date de la décision : 29/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02 Marchés et contrats administratifs. - Formation des contrats et marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SELARL AUDICIT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-29;22ly01519 ?
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