Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 21 septembre 2021 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Semur-en-Auxois l'a suspendue à compter du 24 octobre suivant des fonctions qu'elle exerçait en qualité de puéricultrice, au motif qu'elle ne justifiait pas de sa vaccination contre la covid-19 ou d'une contre-indication à cette vaccination.
Par un jugement n° 2103038 du 14 juin 2022, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 8 août 2022, et un mémoire en réplique enregistré le 3 décembre 2023 qui n'a pas été communiqué, Mme B..., représentée par Me Manhouli, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 14 juin 2022 ;
2°) d'annuler la décision de suspension du 21 septembre 2021 ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Semur-en-Auxois une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a pas été informée qu'elle était en droit de conserver le bénéfice de son traitement jusqu'à son retour de congé de maladie ni des conséquences du non-respect de l'obligation vaccinale sur sa situation administrative ;
- l'administration a commis une erreur de droit en s'abstenant de statuer à nouveau sur sa situation le 24 octobre 2021 ;
- la décision attaquée aurait dû conditionner la suspension dont elle a fait l'objet à l'absence de prolongation de son arrêt de maladie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2023, le centre hospitalier de Semur-en-Auxois, représenté par Me Renouard, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-l du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens présentés par Mme B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 8 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;
- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;
- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;
- le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me Mogenier, représentant le centre hospitalier de Semur-en-Auxois.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., puéricultrice en fonctions au centre hospitalier (CH) de Semur-en-Auxois, a fait l'objet d'une décision du 21 septembre 2021 par laquelle le directeur de cet établissement a prononcé sa suspension de fonctions à compter du 24 octobre suivant, au motif qu'elle ne justifiait pas de sa vaccination contre la covid-19 ou d'une contre-indication à cette vaccination. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière applicable au litige et désormais repris aux articles L. 822-1 et suivants du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire en activité à droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 42 ".
3. D'autre part, aux termes du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : / 1° Les personnes exerçant leur activité dans : / a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique (...) ". Et aux termes du III de l'article 14 de la même loi : " Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, l'agent public conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que si le directeur d'un établissement de santé public peut légalement prendre une mesure de suspension à l'égard d'un agent qui ne satisfait pas à l'obligation vaccinale contre la covid-19 alors que cet agent est déjà en congé de maladie, cette mesure et la suspension de traitement qui lui est associée ne peuvent toutefois entrer en vigueur qu'à compter de la date à laquelle prend fin le congé de maladie de l'agent.
5. En premier lieu, si Mme B... soutient qu'elle n'a pas été informée de son droit de conserver le bénéfice de son traitement jusqu'à son retour de congé de maladie ni des conséquences du non-respect de l'obligation vaccinale sur sa situation administrative, il ressort tant des termes de la décision en litige que des pièces du dossier qu'elle a été avertie, par un courrier du 27 août 2021, des conséquences que l'interdiction d'exercer ses fonctions emportait et de l'interruption du versement de sa rémunération durant la durée de suspension de fonctions. Par suite, et dès lors qu'il résulte de ces rappels que la perte de traitement encourue était attachée à la seule suspension qui ne devait entrer en vigueur qu'au terme de son congé de maladie prévu le 24 octobre 2021, ainsi que la décision en fait explicitement état, le moyen tiré du défaut d'information ne peut qu'être écarté.
6. En second lieu, aux termes de l'article 14 du décret du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière : " Sous réserve des dispositions de l'article 15 ci-dessous, en cas de maladie dûment constatée et mettant le fonctionnaire dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, celui-ci est de droit mis en congé de maladie. ". Selon l'article 15 du même décret : " (...) Les fonctionnaires bénéficiaires d'un congé de maladie doivent se soumettre au contrôle exercé par l'autorité investie du pouvoir de nomination. Cette dernière peut faire procéder à tout moment à la contre-visite de l'intéressé par un médecin agréé ; le fonctionnaire doit se soumettre, sous peine d'interruption de sa rémunération, à cette contre-visite ".
7. Il ressort de la décision attaquée que le directeur du centre hospitalier, qui n'avait pas à préciser que la suspension était conditionnée à l'absence de prolongation du congé de maladie, a décidé que la mesure en litige ne prendrait effet qu'à la date du terme prévu du congé de maladie de Mme B..., conformément aux principes rappelés au point 4 et aux motifs retenus au point 5. La circonstance, postérieure à la décision en litige du 21 septembre 2021 et à la supposer exacte, que l'administration se serait abstenue de statuer à nouveau sur la suspension de ses fonctions au terme de son congé de maladie le 24 octobre 2021 est sans influence sur la légalité de cette décision. Ce moyen doit être écarté comme inopérant.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Semur-en-Auxois, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le centre hospitalier sur le fondement de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de Semur-en-Auxois présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au centre hospitalier de Semur-en-Auxois et au ministre de la santé et de la prévention.
Délibéré après l'audience du 14 mai 2024, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
M. Joël Arnould, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mai 2024.
La rapporteure,
Emilie FelmyLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Michèle Daval
La République mande et ordonne au préfet de la Côte-d'Or en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY02487