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06/06/2024 | FRANCE | N°23LY02225

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 06 juin 2024, 23LY02225


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner l'Office national des forêts (ONF) au paiement de la somme de 116 460,12 euros, augmentée des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices causés par la sanction qui lui a été illégalement infligée.



Par un jugement n° 2101324 du 4 mai 2023, le tribunal a condamné l'Office national des forêts à verser la somme de 7 726,40 euros à M. A..., en réparation des préjudices c

ausés par la sanction qui lui a été illégalement infligée, somme assortie des intérêts au taux légal à compter d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner l'Office national des forêts (ONF) au paiement de la somme de 116 460,12 euros, augmentée des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices causés par la sanction qui lui a été illégalement infligée.

Par un jugement n° 2101324 du 4 mai 2023, le tribunal a condamné l'Office national des forêts à verser la somme de 7 726,40 euros à M. A..., en réparation des préjudices causés par la sanction qui lui a été illégalement infligée, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2021, et une somme de 1 500 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 30 juin et 9 octobre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. A..., représenté par Me Meunier, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de ses prétentions indemnitaires ;

2°) de condamner l'Office national des forêts (ONF) à lui verser la somme totale de 116 460,12 euros en réparation des préjudices subis augmentée des intérêts au taux légal ;

3°) de mettre à la charge de l'Office national des forêts (ONF) une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la sanction de déplacement d'office dont il a fait l'objet a été annulée pour disproportion par la cour administrative d'appel de Nancy, ce qui engage la responsabilité de l'administration qui a prononcé cette sanction irrégulière ;

- il peut prétendre être indemnisé des pertes de revenus durant la période de mutation, à hauteur de 53 500 euros, des frais exposés en raison de cette perte de revenus pour le rachat d'un plan épargne logement, pour 6 600 euros et d'une assurance vie, pour 4 500 euros, des frais médicaux exposés, pour un montant de 5 380 euros, pour troubles dans les conditions d'existence et préjudice moral, à hauteur de 10 000 euros, des frais de transport liés à sa mutation illégale, à hauteur de 28 127 euros et des frais de justice exposés, pour un montant de 8 353,12 euros.

Par un mémoire enregistré le 1er septembre 2023, l'ONF, représenté par Me Delvové, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la requête est irrecevable et qu'aucun moyen n'est fondé.

Par une ordonnance du 25 septembre 2023 la clôture de l'instruction a été fixée au 9 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Meunier, pour M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., technicien forestier territorial, était affecté à l'unité territoriale Autunois Morvan, qui dépend de l'agence territoriale Bourgogne-Est de l'Office national des forêts (ONF). Par un arrêté du 3 avril 2017, le directeur général de l'ONF a prononcé à son encontre une sanction de déplacement d'office avec affectation sur le poste de technicien forestier territorial à Falletans, dans le Jura, à compter du 1er juin 2017. Par arrêt du 22 décembre 2020, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé le jugement du tribunal administratif de Besançon du 4 juillet 2019 rejetant la demande d'annulation de cette décision ainsi que cette dernière. M. A... a présenté, par courrier du 18 janvier 2021, une réclamation tendant à l'indemnisation par l'ONF des préjudices subis du fait de l'illégalité fautive de la décision du 3 avril 2017. Le silence gardé par l'administration a fait naître une décision implicite de rejet. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Dijon du 4 mai 2023 en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande indemnitaire en condamnant l'ONF à lui verser une somme de 7 726,40 euros en réparation des préjudices subis et demande à la cour de porter cette somme à un montant total de 116 410,12 euros.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

2. La requête de M. A... ne se borne pas à reproduire la demande qu'il avait formulée devant le juge de première instance. Par suite, et quand bien même ne soumettrait-elle pas des éléments nouveaux au juge d'appel, cette requête, qui répond aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, est recevable.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la responsabilité :

3. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement sanctionné a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à 1'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour apprécier à ce titre l'existence d'un lien de causalité entre les préjudices subis par l'agent et l'illégalité commise par l'administration, le juge peut rechercher si, compte tenu des fautes commises par l'agent et de la nature de l'illégalité entachant la sanction, la même sanction, ou une sanction emportant les mêmes effets, aurait pu être légalement prise par l'administration. Le juge n'est, en revanche, jamais tenu, pour apprécier l'existence ou l'étendue des préjudices qui présentent un lien direct de causalité avec l'illégalité de la sanction, de rechercher la sanction qui aurait pu être légalement prise par l'administration.

4. Par son arrêt du 20 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Nancy, après avoir retenu que le comportement fautif de M. A..., qui avait débardé du bois sur son temps de travail dans une forêt privée, sans autorisation de son supérieur hiérarchique, et avait manqué à son devoir de réserve et d'obéissance en rédigeant et diffusant auprès des autres agents du service des messages qui mettaient en cause ce dernier, justifiait une sanction, a cependant jugé que le déplacement d'office prononcé par le directeur de l'ONF dans son arrêté du 3 avril 2017 était constitutif d'une sanction disproportionnée et l'a annulée. Pour exonérer l'ONF de sa responsabilité à hauteur de 20 %, les premiers juges se sont fondés sur ce comportement fautif dont M. A... ne conteste pas sérieusement la réalité. L'ONF se borne à conclure au rejet de la requête même s'il estime qu'il aurait dû être exonéré de toute responsabilité ou de sa plus grande part. Il apparaît ici que, eu égard aux faits reprochés à M. A..., en fixant à 20 % la part de responsabilité demeurant à sa charge, le tribunal s'est livré à une juste appréciation des circonstances de l'espèce.

En ce qui concerne les préjudices :

5. En premier lieu, et tout d'abord, il n'apparaît pas, comme l'a jugé le tribunal dont les motifs sur ce point doivent être adoptés, que la somme de 4 658 euros allouée à M. A... en réparation du préjudice lié aux frais de transport serait insuffisante.

6. Ensuite, l'intéressé ne justifie pas, par les pièces produites, de la réalité du préjudice lié à ses déplacements au tribunal.

7. En deuxième lieu, les éléments que l'intéressé a produits, et notamment ceux émanant de son médecin psychiatre dont il résulte qu'il a développé des troubles de l'humeur en raison de ses difficultés professionnelles, ne suffisent pas à établir que ses problèmes d'ordre psychologique et les frais que leur traitement a occasionnés, y compris les dépenses pour se rendre en consultation, seraient en lien direct avec la faute commise par l'administration. Il n'apparaît pas davantage que cette dernière serait directement à l'origine d'une aggravation de son diabète de type 1, pathologie d'origine multi factorielle, et d'une augmentation des dépenses liée à un surcroît de soins en résultant.

8. En troisième lieu, et dans le prolongement de ce qui précède, rien ne permet de dire, en l'état, que les pertes de revenus entraînées par son placement en congé pour maladie ou en disponibilité pour raison de santé ainsi que la mobilisation de son plan épargne logement (PEL) et de son assurance-vie, qui auraient pour origine la dépression et l'aggravation du diabète dont il s'est trouvé atteint, seraient directement liées à la mutation fautive prise à son encontre. La demande présentée à ce titre doit, pas adoption des motifs des premiers juges, être rejetée.

9. En quatrième lieu, il n'apparait pas ici, compte tenu notamment des déplacements que l'intéressé a dû effectuer, de l'atteinte à sa réputation et des démarches administratives et judiciaires qu'il a été contraint d'engager pour faire annuler la sanction illégale, mais sans que puissent être retenus aucun harcèlement moral ou une dégradation de son état de santé, que l'indemnité de 5 000 euros allouée par les premiers juges devrait être majorée.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée (...) ". Si les frais de justice exposés devant le juge administratif en conséquence directe d'une faute de l'administration sont susceptibles d'être pris en compte dans le préjudice résultant de la faute imputable à celle-ci, lorsque l'intéressé avait qualité de partie à l'instance, la part de son préjudice correspondant à des frais non compris dans les dépens est réputée intégralement réparée par la décision que prend le juge dans l'instance en cause.

11. Si les sommes que M. A... a obtenues au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont censées réparer intégralement la part de son préjudice correspondant aux frais non compris dans les dépens exposés au cours des instances en cause, en particulier devant la cour administrative d'appel de Nancy, il résulte de l'instruction que, dans l'instance devant le tribunal administratif de Besançon, qui a rejeté ses demandes d'annulation de l'arrêté du 3 avril 2017 et de frais irrépétibles, il a exposé des frais dont il justifie à hauteur de 2 290,08 euros et dont il n'avait pas demandé le remboursement devant la cour de Nancy. Il y a lieu, dans ces conditions, et après prise en compte de la part de responsabilité demeurant à sa charge, de lui allouer à ce titre une indemnité de 1 832,06 euros.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à demander que l'indemnité allouée en première instance soit portée à 9 558,46 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2021, date de réception de sa demande préalable.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie principalement perdante, le versement à l'ONF d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'ONF la somme de 2 000 euros à verser à M. A... au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité de 7 726,40 euros mise à la charge de l'ONF est portée à 9 958,46 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2021.

Article 2 : L'Office national des forêts versera une somme de 2 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. A... est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'ONF au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté agricole.

Copie en sera adressée à l'Office national des forêts.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N°23LY02225 2

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02225
Date de la décision : 06/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07 Fonctionnaires et agents publics. - Statuts, droits, obligations et garanties.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : ADIDA & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-06;23ly02225 ?
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