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11/06/2024 | FRANCE | N°23LY02529

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 11 juin 2024, 23LY02529


Vu la procédure suivante :





Procédures contentieuses antérieures :



Par une demande enregistrée sous le n° 2301957, Mme A... ... épouse ... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2023 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office et d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de r

sidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la not...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Par une demande enregistrée sous le n° 2301957, Mme A... ... épouse ... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2023 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office et d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Par un jugement n° 2301957 du 4 juillet 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Par une demande enregistrée sous le n° 2301956, M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2023 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Par un jugement n° 2301956 du 4 juillet 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée sous le n° 23LY02529 le 29 juillet 2023, Mme A... C... épouse D..., représentée par Me Badescu, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2301957 du 4 juillet 2023 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les décisions du 16 janvier 2023 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de son insertion dans la société française et de la situation médicale de son enfant ;

- cette décision méconnait les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatifs au droit à la vie et à l'interdiction des traitements inhumains dégradants au regard de l'état de santé de son enfant ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif au droit au respect de la vie privée et familiale ;

Sur l'obligation de quitter le territoire :

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La préfète du Rhône, régulièrement mise en cause, n'a pas produit.

Par une décision du 27 septembre 2023, Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

II. Par une requête enregistrée sous le n° 23LY02531 le 29 juillet 2023, M. E... D..., représenté par Me Badescu, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2301956 du 4 juillet 2023 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les décisions du 16 janvier 2023 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de son insertion dans la société française et de la situation médicale de son enfant ;

- cette décision méconnait les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatifs au droit à la vie et à l'interdiction des traitements inhumains dégradants au regard de l'état de santé de son enfant ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif au droit au respect de la vie privée et familiale ;

Sur l'obligation de quitter le territoire :

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La préfète du Rhône, régulièrement mise en cause, n'a pas produit.

Par une décision du 27 septembre 2023, M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vergnaud, rapporteure,

- et les observations de M. B..., élève avocat, assistant Me Badescu, représentant M. et Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D..., ressortissants algériens respectivement nés les 29 janvier 1994 et 4 février 1994, sont entrés en France le 29 août 2016 sous couvert de leurs passeports revêtus de visa court séjour. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'office français de protection des réfugiés et des apatrides du 30 décembre 2016, confirmées par la cour nationale du droit d'asile le 17 mai 2017. Ils ont bénéficié d'autorisations provisoires de séjour délivrées à raison de l'état de santé de leur fils, né le 19 juillet 2017, puis ont respectivement présenté une demande de certificat de résidence algérien sur le fondement du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par deux arrêtés du 16 janvier 2023, le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être reconduits d'office. Par les jugements attaqués du 4 juillet 2023, dont les intéressés interjettent appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées de M. et Mme D... présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Il est constant que M. et Mme D... résident régulièrement en France depuis sept ans à la date de l'arrêté contesté. Il résulte des pièces du dossier que leur fils, né en France le 19 juillet 2017, souffre d'une maladie génétique rare engendrant un retard sévère de développement et des malformations cérébrales, associés à des troubles du spectre autistique et à une scoliose, pour laquelle il est suivi, depuis sa naissance, par le service génétique du groupement hospitalier Est à Bron, que l'enfant bénéficie par ailleurs d'une prise en charge en centre d'action médico-social précoce pour un suivi en psychomotricité, orthophonie et ergothérapie, ainsi que d'une prise en charge en kinésithérapie dans le secteur libéral et qu'il est scolarisé, depuis l'âge de trois ans, à raison de 9 heures par semaine avec une assistante de vie scolaire. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que M. et Mme D... disposent d'un logement depuis septembre 2020, que M. D..., a bénéficié d'un contrat à durée déterminée de janvier à décembre 2020, puis du 15 mars 2021 au 5 janvier 2022, qu'il a obtenu un certificat de qualification professionnelle d'agent de prévention et de sécurité en février 2020 puis un diplôme d'agent des services de sécurité incendie et d'assistance à personne le 24 janvier 2022 et qu'il est titulaire d'un contrat à durée indéterminée en qualité d'agent de sécurité depuis le 7 février 2022. Au regard de l'ensemble de ces éléments, notamment la durée et les conditions de leur séjour en France, l'état de santé de leur fils et le suivi dont il fait l'objet depuis sa naissance ainsi que l'intégration professionnelle de M. D... sur le territoire national, M. et Mme D... doivent être regardés comme ayant fixé en France le centre de leurs intérêts privés et familiaux. Dans ces circonstances, en leur refusant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet a, en l'espèce, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les décisions portant refus de séjour opposées à M. et Mme D... doivent donc être annulées, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français, prises sur le fondement de ce refus de séjour, et les décisions portant fixation du délai de départ volontaire et fixation du pays de renvoi, prises pour l'application de cette mesure d'éloignement.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes, que M. et Mme D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard aux motifs sur lequel elle se fonde, l'annulation des refus de délivrance de titres de séjour opposés à M. et Mme D... prononcée par le présent arrêt, implique nécessairement la délivrance des certificats de résidence sollicités par les requérants. Il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date à laquelle la cour statue, ils auraient été mis en possession de tels titres. Par suite, il y a lieu d'enjoindre à la préfète du Rhône de leur délivrer respectivement un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de l'instance :

7. M. et Mme D... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Badescu, avocat des requérants, d'une somme globale de 2 000 euros, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DECIDE :

Article 1er : Les jugements du tribunal administratif de Lyon n° 2301957 et 2301956 du 4 juillet 2023 et les arrêtés du préfet du Rhône du 16 janvier 2023 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. et Mme D... et leur faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Rhône de délivrer respectivement à M. et Mme D..., un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Badescu, avocat de M. et Mme D..., la somme globale de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D..., à Mme A... C... épouse D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2024.

La rapporteure,

E. Vergnaud

Le président,

F. Pourny

La greffière,

B. Berger

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY02529-23LY02531


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02529
Date de la décision : 11/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Edwige VERGNAUD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : BADESCU

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-11;23ly02529 ?
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