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02/07/2024 | FRANCE | N°23LY00059

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 02 juillet 2024, 23LY00059


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme C... A... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 18 décembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération de Grand Chambéry a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal tenant lieu de programme local de l'habitat et de plan de déplacements urbains (PLUi - HD), notamment en tant qu'il classe en zone UGi les parcelles cadastrées section H nos 230, 231, 232, 234 et 358 situées sur le territ

oire de la commune de Challes-Les-Eaux.



Par un jugement n° 2006410 du 8 nov...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... A... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 18 décembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération de Grand Chambéry a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal tenant lieu de programme local de l'habitat et de plan de déplacements urbains (PLUi - HD), notamment en tant qu'il classe en zone UGi les parcelles cadastrées section H nos 230, 231, 232, 234 et 358 situées sur le territoire de la commune de Challes-Les-Eaux.

Par un jugement n° 2006410 du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 9 janvier 2023, 23 mai 2023 et 12 décembre 2023, Mme C... A... et Mme B... A..., représentées par la Selas CCMC, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 novembre 2022 ;

2°) d'annuler la délibération du 18 décembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération de Grand Chambéry a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi), ensemble la décision de rejet implicite de leur recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Grand Chambéry une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- leur requête n'est pas tardive ;

- l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme a été méconnu dès lors que les documents composant le PLUi sont inintelligibles et n'ont pas permis au public de faire valoir ses observations et d'être informé et l'enquête publique a été organisée en période estivale ;

- le classement des parcelles cadastrées section H nos 230, 231, 232, 234 et 358 situées sur le territoire de la commune de Challes-Les-Eaux est contraire aux objectifs du projet d'aménagement et de développement durables ; il est entaché d'erreur de droit au regard de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme et d'erreur manifeste d'appréciation ; il est également contraire à la définition de la zone U et à la méthode de délimitation des secteurs urbains présentée dans le rapport de présentation ; la zone agricole à fort intérêt agronomique est en voie d'urbanisation.

Par un mémoire enregistré le 24 novembre 2023, la communauté d'agglomération de Grand-Chambéry, représentée par la Selarl DL Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge des requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est tardive ; les conclusions aux fins d'annulation totale du PLUi-HD sont irrecevables, de même que le moyen tiré de l'irrégularité externe de la décision ;

- les autres moyens soulevés par Mmes A... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 30 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 27 février 2024.

Par une lettre du 13 mai 2024, les parties ont été informées, en application de l'article L. 600-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur l'irrecevabilité des conclusions d'annulation totale de la délibération du 18 décembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération de Grand Chambéry a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal dès lors que de telles conclusions sont irrecevables car nouvelles en appel, les requérantes n'ayant sollicité que l'annulation de la délibération du 18 décembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération de Grand Chambéry a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal en tant qu'elle classe en zone agricole les parcelles cadastrées section H nos 230, 231, 232, 234 et 358 situées sur le territoire de la commune de Challes-Les-Eaux et la requête d'appel n'est recevable que dans cette dernière mesure.

Mmes A... ont présenté des observations en réponse à ce moyen d'ordre public qui ont été enregistrées le 14 mai 2024 et communiquées.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Burnichon, rapporteure,

- les conclusions de Mme Mauclair, rapporteure publique,

- et les observations de Me Chopineaux, pour Mmes A..., et de Me Mouakil, substituant Me Ducroux, pour la communauté d'agglomération de Grand Chambéry.

Une note en délibéré présentée pour Mmes A... a été enregistrée le 28 juin 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 18 décembre 2019, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération de Grand Chambéry a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal valant plan local de l'habitat et plan de déplacement urbain (PLUi-HD). Mmes A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation de cette délibération, notamment en tant qu'elle classe en zone agricole les parcelles cadastrées section H nos 230, 231, 232, 234 et 358, situées sur le territoire de la commune de Challes-Les-Eaux. Elles relèvent appel du jugement du 8 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L.153-19 du code de l'urbanisme : " Le projet de plan local d'urbanisme arrêté est soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement par le président de l'établissement public de coopération intercommunale ou le maire. ". Aux termes de l'article R. 123-10 du code de l'environnement : " Les jours et heures, ouvrables ou non, où le public pourra consulter gratuitement l'exemplaire du dossier et présenter ses observations et propositions sont fixés de manière à permettre la participation de la plus grande partie de la population, compte tenu notamment de ses horaires normaux de travail. Ils comprennent au minimum les jours et heures habituels d'ouverture au public de chacun des lieux où est déposé le dossier ; ils peuvent en outre comprendre des heures en soirée ainsi que plusieurs demi-journées prises parmi les samedis, dimanches et jours fériés. / Lorsqu'un registre dématérialisé est mis en place, il est accessible sur internet durant toute la durée de l'enquête. ".

3. D'une part, l'enquête publique s'est déroulée du lundi 17 juin 2019 au jeudi 8 août suivant, soit pendant 53 jours, pour une durée conforme aux dispositions de l'article L. 123-9 du code de l'environnement. Le fait qu'elle se soit déroulée pour partie en période estivale n'est pas, en elle-même, de nature à entacher d'irrégularité la procédure. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que quatre-vingt-quatre permanences ont été programmées dans huit lieux d'enquête, le dossier y étant disponible, ainsi d'ailleurs qu'au siège du maître d'ouvrage. Il était également disponible sur un registre dématérialisé, une adresse électronique dédiée permettant au surplus de déposer des observations. Cette enquête publique a enregistré 2 255 contributions, dont 381 courriers adressés ou remis en mains propres, 369 observations déposées dans les registres d'enquête et 122 observations orales. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la participation de la population à l'enquête publique aurait été limitée ou empêchée du fait de la période durant laquelle elle s'est tenue.

4. D'autre part, si la commission d'enquête a relevé que les documents graphiques en papier du dossier d'enquête publique étaient difficiles à appréhender de même que le repérage des parcelles, à l'inverse des possibilités offertes par l'outil numérique, elle a également souligné que le dossier d'enquête publique comprenait les documents utiles à la compréhension du projet par le public ainsi qu'un résumé non technique, accompagné de " Fiches pédagogiques " par thèmes et par secteurs, permettant de ce fait une approche plus pratique du dossier d'enquête et minimisant ainsi la complexité de celui-ci. Elle a également relevé qu'un outil cartographique numérique, accessible sur internet et mis à disposition, permettait une localisation aisée des parcelles et zonages. Enfin, le nombre de permanences et de lieux d'enquête, pendant toute l'enquête publique, permettait au public ne disposant pas d'Internet de prendre connaissance du dossier et, le cas échéant, de poser des questions. Dans ces conditions, et compte tenu de l'ensemble de ces documents, des modalités d'organisation de l'enquête ou encore des possibilités d'obtenir des éclaircissements qui s'avéreraient, le cas échéant nécessaires, il ne ressort pas des pièces du dossier que le public aurait été privé de la possibilité de faire valoir ses observations au cours de l'enquête publique ou qu'il n'aurait pas disposé d'une information complète.

5. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. ". Pour apprécier la cohérence ainsi exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

6. D'autre part, l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme précise que : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. (...) ". Aux termes de l'article R. 151-22 de ce code : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ". Il résulte des dispositions de l'article R. 151-22 qu'une zone agricole, dite " zone A ", du plan local d'urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles.

7. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de définir des zones urbaines normalement constructibles et des zones dans lesquelles les constructions peuvent être limitées ou interdites. Ils ne sont pas liés par les modalités existantes d'utilisation du sol dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme ou par la qualification juridique qui a pu être reconnue antérieurement à certaines zones sur le fondement d'une réglementation d'urbanisme différente. L'appréciation à laquelle ils se livrent ne peut être discutée devant le juge de l'excès de pouvoir que si elle repose sur des faits matériellement inexacts, si elle est entachée d'erreur manifeste ou de détournement de pouvoir.

8. La partie nord du tènement situé au lieu-dit Les Teppes et appartenant aux requérantes, constituée d'une parcelle cadastrée section H n° 230, et d'une partie des parcelles cadastrées section H nos 234 et 358, supporte leur maison d'habitation et des boisements, et a été classée dans une zone UGi bâtie de faible largeur longeant la route départementale n° 5, dite " Route royale ". La partie sud de ces dernières parcelles, ainsi que celles cadastrées section H nos 231 et 232, d'une superficie s'établissant selon les requérantes à environ à 1 660 m², n'est ni bâtie ni artificialisée, a été classée en zone agricole, et supporte des boisements, en prolongement de ceux identifiés au titre des éléments de paysage à protéger par le PLU. Ce tènement est séparé par la RD n° 5 de la zone UAt située à l'ouest et qui supporte des constructions liées à des activités tertiaires. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, et plus particulièrement des plans et photographies aériennes d'ensemble, que ses parties sud et est s'inscrivent, alors même qu'elles en sont séparées par un petit chemin, dans une zone agricole constituant une poche conséquente entre des zones d'urbanisation denses débutant très largement au nord-est et se poursuivant au sud, après un rétrécissement ponctuel, par une vaste zone agricole classée essentiellement en zone Ap, dont elles font partie intégrante alors même qu'elles ne seraient pas identifiées par le règlement graphique parcellaire et ne feraient pas l'objet d'une exploitation effective pour l'agriculture et qu'elles seraient, selon les requérantes, utilisées comme jardin d'agrément. Ce classement en zone A est par ailleurs cohérent avec l'orientation n° 1 du PADD relative à une " agglomération équilibrée et organisée autour de son armature naturelle et agricole " et son objectif d'" assurer la pérennité du potentiel de production agricole et de conforter la diversité des filières à travers des choix d'aménagement durables et raisonnés " qui prévoit notamment de préserver les espaces agricoles, en particulier en fixant " des limites durables à l'urbanisation aux franges du cœur d'agglomération, des bourgs, villages et hameaux afin de limiter les conflits d'usages et la pression foncière sur les espaces agricoles ", et il ne peut, alors même que le tènement est desservi par les réseaux, être regardé comme contraire à la définition de la zone U et la méthode de délimitation des secteurs urbains faite par le rapport de présentation. Dans ces conditions, compte tenu de la situation de ces parcelles et des objectifs poursuivis par les auteurs du PLU en litige, les requérantes, qui doivent être regardées comme contestant le classement en zone agricole des parcelles précitées, ne sont pas fondées à soutenir que le classement en zone A d'une partie du tènement, qui ne méconnaît pas, ainsi qu'il a été dit, la définition des zones urbaines et naturelles donnée par le code de l'urbanisme, est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ou d'incohérence avec le PADD.

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que Mmes A... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mmes A... la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la communauté d'agglomération de Grand Chambéry dans l'instance et non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mmes A... est rejetée.

Article 2 : Mmes A... verseront à la communauté d'agglomération de Grand Chambéry la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et Mme B... A... et à la communauté d'agglomération de Grand Chambéry.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente,

Mme Aline Evrard, présidente assesseure,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.

La rapporteure,

C. Burnichon

La présidente,

M. D...La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 23LY00059 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00059
Date de la décision : 02/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Plans d'aménagement et d'urbanisme. - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU).


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: Mme MAUCLAIR
Avocat(s) : DL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-02;23ly00059 ?
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