Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. H..., M. et Mme F..., M. G..., M. I..., M. et Mme E..., M. et Mme L... et M. B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 18 décembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Grand Chambéry a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) en tant qu'il institue les emplacements réservés " Sal 20 " et " Sal 26 " sur le territoire de la commune de Saint-Alban-Leysse et qu'il ne classe pas l'espace naturel en aval du chemin rural des Pailles en espace boisé classé.
Par un jugement n° 2007335 du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a donné acte du désistement de M. et Mme L..., a annulé la délibération du 18 décembre 2019 par laquelle la communauté d'agglomération Grand Chambéry a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal (PLU-i) en tant qu'elle institue l'emplacement réservé " Sal 26 " et a rejeté le surplus des conclusions.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 janvier 2023 et le 12 décembre 2023, M. K... H..., M. A... et Mme D... F..., M. C... G..., M. C... et Mme J... E... et M. K... B..., représentés par Me Chopineaux, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif du 8 novembre 2022 en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 18 décembre 2019 ;
2°) d'annuler la délibération du 18 décembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Grand Chambéry a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal " au titre des vices affectant l'enquête publique " et en tant qu'il institue l'emplacement réservé Sal 20 ;
3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Grand Chambéry une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la requête d'appel n'est pas tardive ;
- l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme a été méconnu dès lors que les documents composant le PLUi arrêté sont inintelligibles et n'ont pas permis au public de faire valoir ses observations et d'être informé et l'enquête publique a été organisée sur la période estivale ;
- l'emplacement réservé " Sal 20 " est entaché d'illégalité en ce qu'il a vocation à supprimer un sentier traversant un espace naturel pour créer une voirie qui ne présente aucune utilité justifiée ; l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme ne permet pas d'instaurer un emplacement réservé pour élargir des chemins ruraux qui ne sont pas des voies publiques ; en tout état de cause, aucun objectif ni projet d'intérêt général, même dans de grandes lignes, n'est avancé pour déterminer l'intention de Grand Chambéry justifiant son institution ; l'emplacement réservé en litige procède d'un détournement de procédure compte tenu du régime des chemins ruraux ; l'emplacement réservé Sal 20 est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et n'est pas cohérent avec le projet d'aménagement et de développement durables (PADD) ; il constitue une atteinte illégale et disproportionnée à la propriété privée dès lors qu'il affecte la constructibilité, l'usage et la jouissance des lots du lotissement Les Terrasses de Montermino, de ses espaces communs appartenant à l'ASL et la propriété de M. G... et les époux E..., sans être justifié par un motif ou un besoin ressortissant de l'intérêt général ; le règlement de la zone N ne permet pas d'instaurer un emplacement réservé de création de voie de circulation automobile.
Par un mémoire enregistré le 24 novembre 2023, la communauté d'agglomération Grand-Chambéry, représentée par la Selarl DL Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel est tardive ;
- les conclusions nouvelles aux fins d'annulation totale du PLUi-HD, présentées devant le tribunal et la cour postérieurement à l'expiration du délai de recours contentieux le 24 août 2020, sont irrecevables, de même que, en application de la jurisprudence " Intercopie ", le moyen nouveau tiré de l'irrégularité externe de la délibération ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 30 janvier 2021, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 27 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère,
- les conclusions de Mme Mauclair, rapporteure publique,
- et les observations de Me Chopineaux, représentant M. H... et autres, et de Me Mouakil, substituant Me Ducroux, représentant la communauté d'agglomération Grand Chambéry.
Une note en délibéré présentée pour M. H... et autres a été enregistrée le 28 juin 2024.
Considérant ce qui suit :
1. M. H... et autres ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 18 décembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Grand Chambéry a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi-HD) en tant qu'il institue les emplacements réservés " Sal 20 " et " Sal 26 " sur le territoire de la commune de Saint-Alban-Leysse et qu'il ne classe pas l'espace naturel en aval du chemin rural des Pailles en espace boisé classé. Par un jugement n° 2007335 du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a donné acte du désistement de M. et Mme L... et a annulé la délibération du 18 décembre 2019 par laquelle la communauté d'agglomération Grand Chambéry a approuvé le PLUi-HD en tant qu'elle institue l'emplacement réservé " Sal 26 ". M. H... et autres relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande.
Sur la régularité de l'enquête publique :
2. Aux termes de l'article L. 153-19 du code de l'urbanisme : " Le projet de plan local d'urbanisme arrêté est soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement par le président de l'établissement public de coopération intercommunale ou le maire. ". Aux termes de l'article R. 123-10 du code de l'environnement : " Les jours et heures, ouvrables ou non, où le public pourra consulter gratuitement l'exemplaire du dossier et présenter ses observations et propositions sont fixés de manière à permettre la participation de la plus grande partie de la population, compte tenu notamment de ses horaires normaux de travail. Ils comprennent au minimum les jours et heures habituels d'ouverture au public de chacun des lieux où est déposé le dossier ; ils peuvent en outre comprendre des heures en soirée ainsi que plusieurs demi-journées prises parmi les samedis, dimanches et jours fériés. / Lorsqu'un registre dématérialisé est mis en place, il est accessible sur internet durant toute la durée de l'enquête. ".
3. D'une part, l'enquête publique s'est déroulée du lundi 17 juin 2019 au jeudi 8 août suivant soit pendant 53 jours, pour une durée conforme aux dispositions de l'article L. 123-9 du code de l'environnement. Le fait qu'elle se soit déroulée pour partie en période estivale n'est pas, en elle-même, de nature à entacher d'irrégularité la procédure. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que quatre-vingt-quatre permanences ont été programmées dans huit lieux d'enquête, le dossier y étant disponible, ainsi d'ailleurs qu'au siège du maître d'ouvrage. Il était également disponible sur un registre dématérialisé, une adresse électronique dédiée permettant au surplus de déposer des observations. Cette enquête publique a enregistré 2 255 contributions, dont 381 courriers adressés ou remis en mains propres, 369 observations déposées dans les registres d'enquête et 122 observations orales. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces des dossiers que la participation de la population à l'enquête publique aurait été limitée ou empêchée du fait de la période durant laquelle elle s'est tenue.
4. D'autre part, si la commission d'enquête a relevé que les documents graphiques en papier du dossier d'enquête publique étaient difficiles à appréhender de même que le repérage des parcelles, à l'inverse des possibilités offertes par l'outil numérique, elle a également souligné que le dossier d'enquête publique comprenait les documents utiles à la compréhension du projet par le public ainsi qu'un résumé non technique, accompagné de " Fiches pédagogiques " par thèmes et par secteurs, permettant de ce fait une approche plus pratique du dossier d'enquête et minimisant ainsi la complexité de celui-ci. Elle a également relevé qu'un outil cartographique numérique, accessible sur Internet et mis à disposition, permettait une localisation aisée des parcelles et zonages. Enfin, le nombre de permanences et de lieux d'enquête, pendant toute l'enquête publique, permettait au public ne disposant pas d'Internet de prendre connaissance du dossier et, le cas échéant, de poser des questions. Dans ces conditions, et compte tenu de l'ensemble de ces documents, des modalités d'organisation de l'enquête ou encore des possibilités d'obtenir des éclaircissements qui s'avéreraient, le cas échéant nécessaires, il ne ressort pas des pièces du dossier que le public aurait été privé de la possibilité de faire valoir ses observations au cours de l'enquête publique ou qu'il n'aurait pas disposé d'une information complète.
Sur la légalité de l'emplacement réservé Sal 20 portant sur l'élargissement du chemin des Pailles :
5. Aux termes de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme : " " Le règlement peut délimiter des terrains sur lesquels sont institués :/1° Des emplacements réservés aux voies et ouvrages publics dont il précise la localisation et les caractéristiques ;/2° Des emplacements réservés aux installations d'intérêt général à créer ou à modifier ; /(...) ".
6. En premier lieu, le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de la communauté d'agglomération de Grand Chambéry a institué un emplacement réservé " Sal 20 " au bénéfice de la commune de Saint-Alban-Leysse, et il porte sur l'élargissement du chemin des Pailles, pour une surface de 4 965,69 m², qui a été au demeurant ramenée à 4 732,11 m² par la modification n°2 du PLUi approuvée par délibération du 30 novembre 2022. Cet emplacement, alors même qu'il porte sur un chemin rural, qui ne serait au surplus que partiellement carrossable, pouvait légalement être fondé sur les dispositions du 1° de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme.
7. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du code rural doit être écarté par les motifs retenus par les premiers juges, qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.
8. En troisième lieu, l'appréciation à laquelle se livrent les auteurs d'un plan local d'urbanisme lorsqu'ils décident de créer des emplacements réservés ne peut être discutée devant le juge de l'excès de pouvoir que si elle repose sur des faits matériellement inexacts, si elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ou si elle procède d'un détournement de pouvoir. En outre, l'intention d'une commune de réaliser un aménagement sur une parcelle suffit à justifier légalement son classement en tant qu'emplacement réservé sans qu'il soit besoin pour la commune de faire état d'un projet précisément défini. Enfin, il n'appartient pas au juge d'apprécier l'opportunité du choix de la localisation d'un emplacement réservé par rapport à d'autres localisations possibles.
9. Si l'emplacement réservé emporte un élargissement d'un chemin existant et que les requérants soutiennent que cet aménagement traduit la création d'une nouvelle voie ouverte à la circulation publique d'une largeur de 9 à 10 mètres avec un élargissement projeté de 5 mètres, il ressort des pièces du dossier et notamment du compte-rendu de la réunion organisée le 29 novembre 2020 entre le représentant des requérants et le maire de la commune de Saint-Alban-Leysse, que l'assiette de cet emplacement réservé n'est pas encore connue et que les études ne sont pas encore assez avancées pour connaître les emprises nécessaires de part et d'autre du chemin existant, et il y est également relevé qu'" il est rappelé que la commune s'oriente vers une voie d'environ 4 mètres de large, en sens unique sortant uniquement, pour desservir plus aisément les constructions de Monterminod le bas (notamment en hiver). En aucun cas il ne s'agit d'une voie dont l'objectif serait de desservir de nouvelles constructions, non encore réalisées ou prévues à ce jour ". Il est constant que ce chemin n'est carrossable qu'en ses extrémités est et ouest, ne permettant pas ainsi d'assurer la continuité du parcours sur tout son tronçon, et son élargissement s'inscrit dans l'intérêt général s'attachant à une amélioration de la circulation du secteur et il ne ressort pas des pièces du dossier, en tout état de cause, qu'il aurait vocation à desservir le lotissement contigu qui dispose de sa propre voie. Les circonstances que certaines constructions seraient déjà desservies de manière satisfaisante par d'autres voies ou encore qu'aucun projet d'urbanisation ne serait encore envisagé ne sont pas de nature à établir l'absence de caractère réel de l'intention de la commune de procéder à cet élargissement, ni l'erreur manifeste d'appréciation alléguée. Il suit de là qu'en procédant à la mise en place de cet emplacement réservé, la communauté d'agglomération Grand Chambéry n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
10. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'emplacement réservé en litige n'est pas incohérent avec, d'une part, l'orientation n° 1 du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) relative à une agglomération intense et renouvelée et notamment le cadre de vie de proximité et la fixation des limites durables avec l'urbanisation, l'établissement de ce seul emplacement réservé n'emportant pas, par elle-même une nouvelle urbanisation, et, d'autre part, l'orientation n° 3 relative à une agglomération mobile, équilibrée et connectée, compte tenu de l'objet même de cet emplacement. Par suite, le moyen tiré de l'incohérence entre la création de l'emplacement réservé " Sal 20 " et ces orientations du PADD doit être écarté.
11. En cinquième lieu, les dispositions précitées du code de l'urbanisme ont pour objet de permettre aux auteurs d'un document d'urbanisme de réserver certains emplacements à des voies et ouvrages publics, à des installations d'intérêt général ou à des espaces verts, le propriétaire concerné bénéficiant en contrepartie de cette servitude d'un droit de délaissement lui permettant d'exiger de la collectivité publique au bénéfice de laquelle le terrain a été réservé qu'elle procède à son acquisition, faute de quoi les limitations au droit à construire et la réserve ne sont plus opposables. S'il est généralement recouru à ce dispositif pour fixer la destination future des terrains en cause, aucune disposition ne fait obstacle à ce qu'il soit utilisé pour fixer une destination qui correspond déjà à l'usage actuel du terrain concerné, le propriétaire restant libre de l'utilisation de son terrain sous réserve qu'elle n'ait pas pour effet de rendre ce dernier incompatible avec la destination prévue par la réservation. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'emplacement réservé en litige, qui est prévu par la loi et répond à un but d'intérêt général, porterait une atteinte disproportionnée au droit à la propriété privée.
12. En sixième lieu, l'emplacement réservé en litige ne fait pas obstacle à la préservation et à la vocation de la zone et aucune disposition législative ou règlementaire ne fait obstacle à son institution en zone naturelle du PLUi-HD en litige.
13. En dernier lieu, le détournement de procédure allégué n'est pas démontré.
14. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que M. H... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 18 décembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Grand Chambéry a approuvé le PLUi-HD en tant qu'il institue l'emplacement réservé " Sal 20 ". Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. H... et autres la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la communauté d'agglomération Grand Chambéry dans l'instance et non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. H... et autres est rejetée.
Article 2 : M. H... et autres verseront à la communauté d'agglomération Grand Chambéry la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. K... H..., représentant unique, et à la communauté d'agglomération Grand Chambéry.
Délibéré après l'audience du 18 juin 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente,
Mme Aline Evrard, présidente assesseure,
Mme Claire Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.
La rapporteure,
C. Burnichon
La présidente,
M. M...La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 23LY00060 3
N° 23LY00060 2