La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/07/2024 | FRANCE | N°22LY01693

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 09 juillet 2024, 22LY01693


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La société Choun a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 septembre 2020 par lequel le directeur de l'établissement public foncier de l'Ain a exercé, sur délégation de la commune de Saint-Didier-de-Formans, le droit de préemption urbain dont dispose la commune sur un ensemble immobilier comprenant une maison d'habitation et ses terrains attenants, cadastré section C nos ... sur le territoire de ladite commune.



P

ar un jugement n° 2007350 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête. ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Choun a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 septembre 2020 par lequel le directeur de l'établissement public foncier de l'Ain a exercé, sur délégation de la commune de Saint-Didier-de-Formans, le droit de préemption urbain dont dispose la commune sur un ensemble immobilier comprenant une maison d'habitation et ses terrains attenants, cadastré section C nos ... sur le territoire de ladite commune.

Par un jugement n° 2007350 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 30 mai 2022, 26 février 2024 et 26 mars 2024, la société Choun, représentée par Me Mazoyer, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) avant dire droit, d'ordonner à l'établissement public foncier de l'Ain de produire des actes de procédure de première instance dans le cadre de la procédure jugée par le juge de l'expropriation du Tribunal de Grande Instance de Bourg-en-Bresse (conclusions et BCP des parties, jugement), des actes de procédure d'appel dans le cadre de la procédure jugée par la cour d'appel de Lyon le 7 novembre 2023 (conclusions et BCP des parties et arrêt) ;

2°) avant dire droit, d'ordonner à la commune de Saint-Didier-de-Formans de produire tous documents relatifs à l'affichage de la délibération du 21 août 2020 et notamment le registre imposé par l'article R. 2122-7 du code général des collectivités territoriales, ainsi que tous échanges de correspondances entre le 21 août et le 18 septembre 2020 afférents à l'affichage de la délibération ;

3°) avant dire droit, d'ordonner au préfet du département de l'Ain de produire la communication de tous éléments transmis par la commune de Saint-Didier-de-Formans permettant de vérifier la date à laquelle le décision du 21 août 2020 a été affichée ainsi que la communication des correspondances adressées dans ce dossier à l'EPF de l'Ain entre le 21 août et le 18 septembre 2020 et tous éléments permettant de vérifier comment la date de l'affichage du 24 août 2020 a été communiquée à l'EPF de l'Ain ;

4°) d'annuler ce jugement du 5 avril 2022 du tribunal administratif de Lyon ;

5°) d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2020 par lequel le directeur de l'établissement public foncier de l'Ain a exercé, sur délégation de la commune de Saint-Didier-de-Formans, le droit de préemption urbain dont dispose la commune sur un ensemble immobilier comprenant une maison d'habitation et ses terrains attenants, cadastré section C nos ... ;

6°) de mettre à la charge de l'établissement public foncier de l'Ain une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune de Saint-Didier-de-Formans, par sa délibération du 21 août 2020, a elle-même décidé d'exercer la préemption du bien et la délégation accordée à l'établissement public foncier (EPF) de l'Ain ne peut s'entendre que pour la mise en œuvre de la préemption décidée par la commune ;

- à supposer que la délibération du 21 août 2020 ait délégué valablement le droit de préemption à l'EPF de l'Ain, l'arrêté du 18 septembre 2020 a été notifié hors délai légal dès lors que la délibération du 21 août 2020 n'était pas exécutoire lors de la demande de visite et de pièces complémentaires du 24 août 2020 ; cette demande n'a pas pu suspendre le délai de deux mois à compter de la DIA dès lors que cette demande a été effectuée par la commune de Saint-Didier-de-Formans alors qu'elle avait délégué son droit de préemption à l'EPF de l'Ain ; il n'est pas démontré qu'au jour de la visite la commune était toujours titulaire du droit de préemption ; l'attestation du maire de Saint-Didier-de-Formans du 22 juin 2021 quant à l'affichage de la délibération du 21 août 2020 est un faux et cette délibération est devenue exécutoire le 24 août 2020 ;

- la décision de préemption du 18 septembre 2020 pour le montant de 850 000 euros est illégale dès lors que le délégant avait décidé du prix de façon expresse et à 1 250 000 euros ;

- il n'est pas fait mention de l'affichage et de la publicité de la décision instituant le droit de préemption urbain du 14 mars 2017, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 211-2 du code de l'urbanisme ; le certificat d'affichage du maire de Saint-Didier-de-Formans du 7 mars 2024 relatif à l'affichage de la délibération du 14 mars 2017 instituant le droit de préemption urbain ne peut être considéré comme probant au regard des dispositions de l'article R. 2122-7 du code général des collectivités territoriales ;

- la délibération du 21 août 2020 et la décision de l'établissement public foncier de l'Ain du 18 septembre 2020 ne font pas mention de l'existence du contrat mentionné à l'article L. 211-2-3 et à l'article L. 300-9 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires en défense enregistrés les 26 janvier 2024 et 11 mars 2024, l'établissement public foncier (EPF) de l'Ain, représenté par la Selarl BG Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 28 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 12 avril 2024.

Par des courriers du 23 mai et 17 juin 2024, la cour administrative d'appel, dans le cadre des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, a demandé à la commune de Saint-Didier-de-Formans et à l'établissement public foncier de l'Ain, de produire tous documents relatifs à l'affichage de la délibération du 21 août 2020 et notamment le registre imposé par l'article R. 2122-7 du code général des collectivités territoriales, ainsi que tous éléments afférents à l'affichage de cette délibération.

L'établissement public foncier (EPF) de l'Ain, par l'intermédiaire de ses conseils, a informé la cour, par un courrier enregistré le 18 juin 2024 et communiqué, que les délibérations de la commune de de Saint-Didier-de-Formans ne sont pas répertoriées dans un registre.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère,

- les conclusions de Mme Mauclair, rapporteure publique,

- et les observations de Me Mazoyer représentant la société Choun et de Me Gautier représentant l'Etablissement public foncier de l'Ain.

Considérant ce qui suit :

1. La société Choun, en sa qualité d'acquéreur évincé, relève appel du jugement du 5 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 septembre 2020 par lequel le directeur de l'établissement public foncier (EPF) de l'Ain a exercé, sur délégation de la commune de Saint-Didier-de-Formans, le droit de préemption urbain sur un ensemble immobilier comprenant une maison d'habitation et ses terrains attenants, cadastré section C nos ... et situé sur le territoire de ladite commune.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme : " Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. Cette déclaration comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée ou, en cas d'adjudication, l'estimation du bien ou sa mise à prix, ainsi que les informations dues au titre de l'article L. 514-20 du code de l'environnement. Le titulaire du droit de préemption peut, dans le délai de deux mois prévu au troisième alinéa du présent article, adresser au propriétaire une demande unique de communication des documents permettant d'apprécier la consistance et l'état de l'immeuble, ainsi que, le cas échéant, la situation sociale, financière et patrimoniale de la société civile immobilière. / (...) / Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration mentionnée au premier alinéa vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. / Le délai est suspendu à compter de la réception de la demande mentionnée au premier alinéa ou de la demande de visite du bien. Il reprend à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption, du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d'un mois pour prendre sa décision. Passés ces délais, son silence vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. / (...).". Il résulte de ces dispositions que le propriétaire qui a décidé de vendre un bien susceptible de faire l'objet d'une décision de préemption doit savoir de façon certaine, au terme du délai de deux mois imparti au titulaire du droit de préemption pour en faire éventuellement usage, s'il peut ou non poursuivre l'aliénation entreprise. La réception de la décision par le propriétaire intéressé dans le délai de deux mois, à la suite de sa notification, constitue, par suite, une condition de la légalité de la décision de préemption. Le délai de deux mois ouvert au titulaire du droit de préemption est suspendu lorsque celui-ci formule une demande unique de documents complémentaires ou une demande de visite des lieux.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 213-3 du code de l'urbanisme, dans sa version alors en vigueur : " Le titulaire du droit de préemption peut déléguer son droit à l'Etat, à une collectivité locale, à un établissement public y ayant vocation ou au concessionnaire d'une opération d'aménagement. Cette délégation peut porter sur une ou plusieurs parties des zones concernées ou être accordée à l'occasion de l'aliénation d'un bien. Les biens ainsi acquis entrent dans le patrimoine du délégataire. /Dans les articles L.211-1 et suivants, L. 212-1 et suivants et L. 213-1 et suivants, l'expression " titulaire du droit de préemption " s'entend également, s'il y a lieu, du délégataire en application du présent article. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa version alors applicable : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'État dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. (...) Le maire peut certifier, sous sa responsabilité, le caractère exécutoire de ces actes. /(...) / La publication ou l'affichage des actes mentionnés au premier alinéa sont assurés sous forme papier. La publication peut également être assurée, le même jour, sous forme électronique, dans des conditions, fixées par un décret en Conseil d'Etat, de nature à garantir leur authenticité. Dans ce dernier cas, la formalité d'affichage des actes a lieu, par extraits, à la mairie et un exemplaire sous forme papier des actes est mis à la disposition du public. La version électronique est mise à la disposition du public de manière permanente et gratuite. ". Aux termes de l'article R. 2121-9 du même code, dans sa version alors en vigueur : " Les délibérations du conseil municipal sont inscrites sur un registre coté et paraphé par le maire, quel que soit le mode de transmission de ces délibérations au préfet. / Les affaires venant en délibération au cours d'une même séance reçoivent un numéro d'ordre à l'intérieur de la séance. (...) ". Un certificat émanant du maire d'une commune, autorité publique attestant de l'affichage régulier et, par suite, du caractère exécutoire d'arrêtés à caractère réglementaire ou de délibérations de la collectivité publique concernée, ne fait foi que jusqu'à preuve du contraire.

4. Il ressort des pièces du dossier que, par la délibération du 21 août 2020 précitée, la commune de Saint-Didier-de-Formans a délégué l'exercice de son droit de préemption à l'établissement public foncier (EPF) de l'Ain. Si cette délibération a été transmise en préfecture le 24 août 2020 comme l'indique le tampon qui y est apposé, elle ne comporte aucune indication quant à sa date d'affichage en mairie, et tant le compte rendu de la réunion du conseil municipal du 21 août 2020 que l'arrêté attaqué du 18 septembre 2020 mentionnent une publication le 24 août 2020. Dans ces conditions, et en l'absence du registre répertoriant les délibérations de la commune de Saint-Didier-de-Formans prévu par les dispositions de l'article R. 2121-9 du code général des collectivités territoriales, le seul certificat du maire de la commune du 22 juin 2021, établi plus de huit mois après cette délibération et qui contredit les mentions précitées, ne peut à lui seul établir que cette délibération aurait été affichée le 26 août 2020 en mairie. Il ne ressort enfin pas des pièces du dossier que d'autres modalités de publication auraient été mises en place. Il suit de là que la délibération précitée doit être regardée comme ayant été publiée le 24 août 2020, date de transmission en préfecture et date de publication indiquée dans l'arrêté en litige. Dans ces conditions, le droit de préemption était délégué à l'EPF de l'Ain à la date du 24 août 2020 et la commune de Saint-Didier-de-Formans ne disposait plus de sa compétence en la matière lors de l'envoi des demandes de communication de documents et de visite des lieux le 24 août 2020, par un courrier envoyé par signification d'huissier le même jour. Il en résulte que ces demandes du 24 août 2020 n'ont pas pu suspendre le délai de préemption de deux mois fixé par les dispositions de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme. Par suite, compte tenu de la date de notification de la déclaration d'intention d'aliéner de l'ensemble immobilier en cause à la commune de Saint-Didier-de-Formans, soit le 25 juin 2020, la décision de préemption du 18 septembre 2020 de l'EPF de l'Ain est intervenue tardivement. La société Choun est dès lors fondée à en demander l'annulation.

5. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est susceptible de fonder l'annulation de la décision attaquée.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Choun est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande et à demander pour ce motif, l'annulation de la décision de préemption du 18 septembre 2020.

7. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'établissement public foncier de l'Ain le versement à la société Choun de la somme de 2 000 euros. Ces mêmes dispositions font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée par l'EPF de l'Ain, partie perdante, sur ce même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2007350 du 5 avril 2022 du tribunal administratif de Lyon et l'arrêté du 18 septembre 2020 par lequel le directeur de l'établissement public foncier de l'Ain a exercé, sur délégation de la commune de Saint-Didier-de-Formans, le droit de préemption urbain dont dispose la commune sur un ensemble immobilier comprenant une maison d'habitation et ses terrains attenants, cadastré section C nos ... sont annulés.

Article 2 : L'établissement public foncier de l'Ain versera à la société Choun la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'établissement public foncier de l'Ain tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Choun, à l'établissement public foncier de l'Ain et à la commune de Saint-Didier-de-Formans.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente,

Mme Christine Psilakis, première conseillère,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2024.

La rapporteure,

C. Burnichon

La présidente,

M. A...La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 22LY01693 2

9


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01693
Date de la décision : 09/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Procédures d'intervention foncière. - Préemption et réserves foncières.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: Mme MAUCLAIR
Avocat(s) : MAZOYER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-09;22ly01693 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award