Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures
M. C... D... et Mme B... F... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble, chacun en ce qui le concerne, d'annuler les arrêtés du 1er décembre 2022 par lesquels le préfet de l'Isère leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2300017, 2300018 du 1er février 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal a annulé la décision qui fixe le pays à destination duquel Mme F... peut être éloignée d'office en tant qu'elle comprend le pays dont elle a nationalité, à savoir la Gambie, et rejeté le surplus de leurs demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 9 mai 2023, Mme F... et M. D..., représentés par Me Guerault, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de leurs demandes ;
2°) à titre principal, d'annuler les arrêtés du 1er décembre 2022 ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner la suspension de la mise à exécution des arrêtés du préfet de l'Isère du 1er décembre 2022 jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile pour leur fille A... D... ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci ;
4°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer leur situation et, dans l'attente, de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les quinze jours suivant la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à leur conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- les éléments qu'ils produisent sont suffisamment sérieux pour qu'il soit fait droit à leur demande de suspension, présentée sur le fondement de l'article L. 542-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'exécution des arrêtés litigieux jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile se prononce sur le recours présenté pour leur fille contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 18 octobre 2022 ayant rejeté comme irrecevable sa demande de réexamen ;
- les décisions du 1er décembre 2022 méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination de M. D... méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Le préfet de l'Isère auquel la requête a été communiquée n'a pas présenté d'observations.
Mme F... et M. D... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme F..., ressortissante gambienne née le 11 décembre 1998, et M. D..., ressortissant sénégalais né le 3 avril 1994, sont arrivés en France respectivement selon leurs déclarations les 14 janvier et 28 février 2019, en provenance d'Italie où ils s'étaient rencontrés. Leurs demandes d'asiles ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis la Cour nationale du droit d'asile. Par une décision du 18 octobre 2022, l'Office français de protection des réfugiés a rejeté comme irrecevable la demande de réexamen du statut de réfugié présentée pour leur fille mineure en retenant que les risques d'excision ne sont pas avérés au Sénégal contrairement à la Gambie. Par arrêtés du 1er décembre 2022, le préfet de l'Isère leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé leurs pays de destination. Par jugement du 1er février 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision qui fixe le pays à destination duquel Mme F... peut être éloignée d'office en tant qu'elle comprend le pays dont elle a nationalité, à savoir la Gambie. Mme F... et M. D... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs demandes.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Les requérants reprennent en appel les moyens tirés de ce que les obligations de quitter le territoire français et les décisions fixant leur pays de destination, à savoir pour Mme F... tout pays dans lequel elle serait légalement admissible et pour M. D... H..., pays dont il a la nationalité ou tout pays dans lequel il serait légalement admissible, méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation. Mme F... continuant à se borner à faire valoir en appel, sans en justifier, qu'elle ne serait pas légalement admissible au Sénégal, pays dont ses enfants peuvent revendiquer la nationalité, il y a lieu, par adoption des motifs du tribunal d'écarter ces moyens.
3. Pour les mêmes motifs que ceux retenus par le tribunal, qu'il y a lieu d'adopter, les obligations de quitter le territoire français ne méconnaissent pas l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
4. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en fixant comme pays de destination de Mme F... tout pays dans lequel elle est légalement admissible et de M. D... H... ou tout pays dans lequel il serait légalement admissible, ces décisions auraient pour effet de séparer les enfants de l'un de leurs parents au motif que les parents sont de nationalité différente, alors qu'il est constant que chacun des enfants peut revendiquer la nationalité de chacun des deux pays et que rien ne permet de dire que Mme F... ne serait pas légalement admissible au Sénégal. Dès lors, le préfet de l'Isère n'a pas méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant en fixant les pays à destination desquels les requérants peuvent être reconduits d'office.
5. Aux termes aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " [...] Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
6. Pour justifier qu'il encourrait des risques en cas de retour dans son pays d'origine, M. D... produit à l'appui de son parcours un certificat médical du 16 février 2022 émanant du centre médecine et droit d'asile de la maison médicale de Vaise selon lequel ses cicatrices corroborent son récit de violences diverses dans un contexte de quasi esclavage alors qu'il était très jeune. Toutefois ces éléments ne suffisent pas à justifier qu'il encourrait des risques personnels, actuels et réels de mauvais traitements en cas de retour dans son pays d'origine alors qu'au demeurant, par décision du 7 mai 2021, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 23 mai 2022, l'Office français pour la protection des réfugiés et des apatrides a rejeté sa demande d'asile. Dès lors, le préfet de l'Isère n'a méconnu ni l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en fixant son pays de destination.
Sur les conclusions à fin de suspension de la décision d'éloignement :
7. Aux termes de l'article L. 542-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des b, c ou d du 1o de l'article L. 542-2, l'étranger peut demander la suspension de l'exécution de la décision d'éloignement. / Cette demande est présentée dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 752-5 à L. 752-12 lorsque le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des b ou d du 1° de l'article L. 542-2. (...) " Aux termes de l'article L. 752-11 de ce code : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné, saisi en application des articles L. 752-6 ou L. 752-7, fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la Cour nationale du droit d'asile. ".
8. La demande d'asile présentée pour A... D..., fille des requérants, a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 7 mai 2021, confirmée le 24 avril 2021 par la Cour nationale du droit d'asile. Saisi d'une demande de réexamen, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté cette demande comme irrecevable. Les éléments dont les requérants se sont prévalus pour demander la suspension des mesures d'éloignement, qui sont les mêmes que ceux dont ils se sont prévalus devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, notamment deux certificats médicaux émis les 20 et 24 juin 2022 par un médecin généraliste exerçant au Sénégal, attestant de l'excision de fillettes de la famille de l'intéressée, mais qui sont dépourvus de garantie d'authenticité, n'auraient pas été de nature à justifier leur maintien sur le territoire durant l'examen du recours de leur fille par la Cour nationale du droit d'asile. Leurs demandes de suspension doivent, et alors qu'en tout état de cause la Cour nationale du droit d'asile a rejeté la demande de réexamen A... par ordonnance du 24 avril 2023, être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme F... et de M. E..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions des intéressés tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de préfet de l'Isère de réexaminer leur situation doivent être rejetées.
Sur les frais d'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par les requérants au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme F... et M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... F..., M. G... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
Mme Boffy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.
La rapporteure,
A. Duguit-LarcherLe président,
V-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY01601
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