Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer sans délai un titre de séjour mention " vie privée et familiale " avec autorisation de travail.
Par un jugement n° 2300387 du 28 avril 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 septembre 2023, M. A... D..., représenté par Me Alampi, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2300387 du 28 avril 2023 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler les décisions du 19 décembre 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer, sans délai, un titre de séjour mention " vie privée et familiale " avec autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
- il n'a pas bénéficié du droit à être entendu préalablement à l'intervention de cette décision en méconnaissance des stipulations de la charte des droits de l'Union ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis une erreur manifeste d'appréciation.
Le préfet de l'Isère, régulièrement mis en cause, n'a pas produit.
Par une décision du 16 août 2023, M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant algérien né le 26 janvier 1982, est entré en France en 2015 selon ses déclarations. Le 28 février 2020, le préfet de l'Isère a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un jugement du 3 mars 2020, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions et a enjoint au réexamen de la situation de M. D.... Le 3 juin 2022, ce dernier a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence algérien en qualité de salarié. Par un arrêté du 19 décembre 2022, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par le jugement attaqué du 28 avril 2023, dont M. D... interjette appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur les moyens communs à l'ensemble des décisions contestées :
2. En premier lieu, l'arrêté du 19 décembre 2022 a été signé par Mme C... B..., attachée principale, cheffe du service de l'immigration et de l'intégration, qui, en vertu d'un arrêté du 26 juillet 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du même jour, disposait d'une délégation du préfet de l'Isère à l'effet de signer les décisions contestées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de ces décisions doit être écarté.
3. En deuxième lieu, l'arrêté du 19 décembre 2022 mentionne, avec une précision suffisante, les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de chacune des décisions contestées. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation des décisions portant refus d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français doivent être écartés.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. M. D... se prévaut de sa présence sur le territoire français depuis 2015, de la présence en France d'un de ses frères ayant acquis la nationalité française et de la circonstance qu'il dispose d'un contrat à durée indéterminée dans le secteur de la boulangerie depuis le 4 novembre 2019. Il est cependant constant que M. D... est célibataire et sans famille à charge sur le territoire français. S'il se prévaut de la présence en France d'un frère de nationalité française chez qui il réside, il n'établit pas être dépourvu de toute attache en Algérie, pays dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 33 ans au moins et où il ne conteste pas que résident ses parents. Par ailleurs la seule circonstance qu'il disposait d'un contrat à durée indéterminée avec la société Sila depuis le 4 novembre 2019 n'est pas de nature à démontrer une insertion professionnelle particulière et durable en France, dès lors notamment qu'il s'agit d'un emploi pour des fonctions d'employé polyvalent et pour une durée de dix heures par semaine, quand bien même il aurait travaillé de nuit et/ou sur une amplitude plus longue pendant la période de confinement. En outre, la circonstance qu'il dispose d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel depuis le 19 juin 2023, soit postérieurement à la date de la décision contestée, et d'une promesse d'embauche pour un contrat à durée indéterminé de 35 heures en qualité de chef d'équipe dans une entreprise du bâtiment à compter du 1er août 2024, est sans incidence sur cette appréciation. Dans ces conditions, le préfet de l'Isère n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et en lui faisant obligation de quitter le territoire français. Par suite, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
6. En quatrième lieu, il ne résulte ni des termes de la décision contestée ni des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen attentif de la situation personnelle et professionnelle de M. D....
7. En cinquième lieu, compte tenu de ce qui a été exposé aux points 5 et 6 du présent arrêt, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Isère aurait entaché les décisions contestées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son pouvoir de régularisation.
Sur le moyen propre à la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu, avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour, faire valoir auprès de l'administration toute observation utile, au besoin en faisant état, au cours de l'instruction de sa demande, d'éléments nouveaux.
9. En l'espèce, le préfet a statué sur une demande de délivrance d'un titre de séjour formée par M. D..., qui a ainsi été en mesure d'exposer tout élément utile de nature à s'opposer à ce qu'une mesure d'éloignement soit prise à son encontre. En tout état de cause, il ne fait valoir aucun élément utile et pertinent qu'il n'aurait pas été mis en mesure de porter à la connaissance de l'autorité préfectorale et qui aurait été susceptible d'influer sur le sens de la décision contestée. Le moyen tiré de la violation de son droit à être entendu doit donc être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 2 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président-assesseur,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.
La rapporteure,
E. Vergnaud
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY02948