Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. E... B... et Mme D... A..., épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble, chacun pour ce qui le concerne, d'annuler les arrêtés du 8 août 2023 par lesquels le préfet de la Haute-Savoie les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2305582-2305583 du 2 octobre 2023, le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour
I. Par une requête, enregistrée le 3 janvier 2024 sous le n° 24LY00010, M. B..., représenté par Me Lefort, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté le concernant du 8 août 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de procéder, dans le délai d'un mois, au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dans sa réponse au moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- cette décision est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision relative au délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision désignant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 33 de la convention de Genève relative au statut des réfugiés.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.
II. Par une requête, enregistrée le 3 janvier 2024 sous le n° 24LY00011, Mme B..., représentée par Me Lefort, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté la concernant du 8 août 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de procéder, dans le délai d'un mois, au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dans sa réponse au moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- cette décision est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision relative au délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision désignant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 33 de la convention de Genève relative au statut des réfugiés.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.
M. et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 novembre 2023.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Pruvost, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B..., ressortissants turcs nés respectivement le 14 avril 1994 et le 22 juillet 1993, sont entrés en France le 3 juillet 2022 selon leurs déclarations. Leurs demandes d'asiles ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 22 février 2023. Par des arrêtés du 8 août 2023, le préfet de la Haute-Savoie les a obligés à quitter le territoire français sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a fixé le pays de destination. Ils relèvent appel du jugement susvisé du 2 octobre 2023 par lequel le président du tribunal administratif de Grenoble, après les avoir jointes, a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
2. Les requêtes enregistrées sous les n° 24LY00010 et 24LY00011 sont dirigées contre le même jugement et les mêmes décisions, et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
Sur la régularité du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. "
4. Le président du tribunal administratif de Grenoble a répondu, de manière suffisamment motivée, au moyen tiré de ce que la décision désignant le pays de destination l'administration méconnaissait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au point 13 du jugement attaqué. Par suite, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que ce jugement est entaché d'irrégularité.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne les obligations de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, les moyens tirés de l'insuffisante motivations des décisions portant obligation de quitter le territoire français et de l'erreur de droit commise par le préfet en l'absence d'examen particulier de la situation personnelle de M. et Mme B... doivent être écartés par adoption des motifs retenus par le premier juge au point 6 du jugement attaqué.
6. Le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français, qui ne désignent le pays à destination duquel M. et Mme B... doivent être renvoyés.
En ce qui concerne les décisions relatives au délai de départ volontaire :
7. Les décisions obligeant M. et Mme B... à quitter le territoire français n'étant pas illégales, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces décisions, soulevé à l'encontre des décisions fixant le délai de départ volontaire, ne peut être accueilli.
En ce qui concerne les décisions désignant le pays de destination :
8. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
9. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Savoie a décidé le renvoi de M. et Mme B... à destination de la Grèce ou de tout autre pays dans lequel ils seraient légalement admissibles, à l'exclusion de la Turquie, les intéressés ayant été admis au statut de réfugiés par la Grèce, qui leur a délivré un titre de séjour en cette qualité, valable du 5 juin 2022 au 4 juin 2025. Il ressort également des pièces du dossier que l'Office de protection des réfugiés et apatrides a rejeté comme irrecevable la demande d'asile de M. et Mme B... en raison de la protection qui leur a été accordée par les autorités grecques après avoir estimé qu'ils ne démontraient pas que celle-ci n'était pas effective.
10. M. et Mme B... soutiennent que les conditions de vie des réfugiés en Grève sont précaires, en se prévalent de rapports établis par des organisations internationales. Ils font également état, au travers d'articles de presse, des risques encourus dans ce pays, du fait de la répression transfrontalière menée par les autorités turques, des risques d'enlèvement des dissidents politiques du fait de la proximité géographique entre la Grèce et la Turquie et de la pratique des autorités grecques de refoulement de personnes admises au séjour. Toutefois, les intéressés n'apportent, au-delà de ces considérations générales, aucun élément de nature à démontrer que la protection dont ils bénéficient en Grèce ne serait pas effective, ainsi que l'a relevé l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et qu'ils seraient personnellement exposés à un risque d'enlèvement ou de refoulement en cas de retour dans ce pays. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions et stipulations énoncées au point 8 doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de la Haute-Savoie a méconnu les stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés.
11. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, doivent également être rejetées leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'allocation de frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et à Mme D... A..., épouse B....
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2024.
Le président-rapporteur,
D. Pruvost
Le président-assesseur,
X. Haïli
La greffière,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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Nos 24LY00010 - 24LY00011