Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La commune de Bellerive-sur-Allier a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner solidairement, sur le fondement de la responsabilité décennale, les sociétés des Anciens Etablissements Reolon (SAER), Aca Architectes, Dekra Industrial et Eiffage Travaux Publics à lui verser la somme de 339 457,41 euros en réparation des préjudices résultant des désordres affectant les douves du château du Bost dont elle est propriétaire.
Par jugement n° 2001653 du 31 mars 2022, le tribunal n'a fait droit à cette demande qu'à hauteur de la somme de 211 860,54 euros qu'il a mise solidairement à la charge des sociétés Aca Architectes, Dekra Industrial et SAER. Le tribunal a, en outre, statué sur les appels en garantie présentés par les défendeurs.
Procédure devant la cour
I - Par requête, enregistrée le 24 mai 2022 sous le n° 22LY01579, la société Aca Architectes, représentée par la SELARL Tournaire Meunier, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en tant qu'il la condamne et de rejeter les demandes présentées contre elle devant le tribunal ;
2°) subsidiairement de condamner les sociétés Eiffage Travaux Publics, Dekra International et SAER à la garantir de la totalité des condamnations ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Bellerive-sur-Allier ou tout autre succombant la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les désordres ne lui sont pas imputables car ils sont étrangers à ses missions ;
- la commune a commis une faute totalement exonératoire de sa responsabilité ;
- le quantum des travaux de remédiation indemnisés doit être limité à la somme de 67 351,08 euros qui correspond au second devis de travaux d'enrochement ; les travaux consistant en la mise en œuvre de béton banché pour un montant de 275 157,91 euros constituent une amélioration de l'ouvrage et ne sauraient être indemnisés ;
- les désordres trouvent uniquement leur origine dans le curage des douves réalisé par la société Eiffage Travaux Publics qui est seule responsable au titre de la garantie décennale ;
- subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour maintiendrait sa condamnation solidaire au titre de la décennale, cette dernière ainsi que les sociétés SAER, qui a accepté de mettre en œuvre une solution de reprise du mur à minima et Dekra Industrial, contrôleur technique devraient la garantir intégralement de toute condamnation ; sa quote-part de responsabilité ne saurait en tout cas excéder 16 % ;
- elle n'a commis aucune faute de sorte que les appels en garantie dirigés contre elle doivent être intégralement rejetés.
Par mémoire enregistré le 28 juillet 2022, la société Eiffage Routes Centre-Est, venant aux droits de la société Eiffage Travaux Publics, représentée par la SELARL Lexavoue Riom-Clermont, conclut au rejet de la requête et des conclusions dirigées contre elle et à ce que la partie perdante lui verse la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le curage qu'elle a effectué n'était qu'une simple opération d'entretien sans intervention sur l'ouvrage et ne saurait engager ainsi sa responsabilité décennale ;
- les désordres sont imputables à la société SAER, qui est intervenue sur le mur des douves après curage du lit des douves, et de manière prépondérante, à la commune, qui a refusé une solution technique proposé par le maître d'œuvre ;
- elle n'a commis aucune faute dans l'exécution des missions de curage qui lui ont été confiées ;
- dans l'hypothèse où sa responsabilité devait être engagée, sa quote-part de responsabilité ne saurait excéder 16 % et le montant du préjudice indemnisé à la commune ne saurait excéder la somme que la commune a initialement accepté d'engager pour la réfection du mur des douves, soit 15 308,80 euros, le reste constituant une amélioration de l'ouvrage.
Par mémoire enregistré le 13 septembre 2022, la commune de Bellerive-sur-Allier, représentée par la SELARL Teillot et associés, conclut au rejet de la requête de la société Aca Architectes et demande à la cour :
1°) d'une part que la condamnation d'Eiffage Routes Centre-Est soit condamnée à l'indemniser, solidairement avec les autres constructeurs condamnés en première instance, d'autre part, que le montant de cette condamnation solidaire soit porté à 339 457,41 euros ;
2°) que soit mise à la charge des parties perdante la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les désordres sont imputables à la société ACA Architectes, dont les missions incluaient un diagnostic technique et le suivi des travaux sur les douves ;
- la société SAER a accepté les travaux à minima alors qu'elle savait qu'un simple remaillage des pierres, avec rejointoiement était insuffisant comme l'atteste son devis de reprise totale avec support en béton armé du 29 avril 2013 ;
- les désordres sont imputables à la société Eiffage routes centre-est car elle a fragilisé l'ouvrage en curant les douves au-dessous du niveau bas du mur ;
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, elle n'a commis aucune faute ;
- la réparation intégrale de son préjudice inclut les travaux de reprise dont le coût réel est supérieur aux estimations de l'expert, auxquels il faut ajouter la somme de 16 509,50 euros au titre des frais d'expertise ;
- l'indemnisation des travaux ne saurait se limiter à la somme de 67 351,08 euros TTC laquelle résulte de travaux d'enrochement inesthétiques et insusceptibles de rendre l'ouvrage conforme à sa destination.
Par mémoire enregistré le 2 juin 2022, la société Dekra Industrial, représentée par Me Chautemps, conclut au rejet des conclusions dirigées contre elle et demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en ce qu'il l'a condamnée à indemniser la commune de Bellerive-sur-Allier et subsidiairement à être intégralement garantie de toute condamnation ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Bellerive-sur-Allier, solidairement avec toute autre partie perdante, la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les désordres ne lui sont pas imputables et sont étrangers à ses missions de contrôle technique, notamment la mission LE qui n'incluait pas l'état des murs des douves ni les travaux de curage réalisés par la société Eiffage routes centre-est ;
- le quantum indemnisable de la commune doit être ramené à la somme maximale de 67 351,08 euros correspondant aux travaux d'enrochement, les travaux de reprise en béton banché allant au-delà des travaux nécessaires à la remédiation des désordres ;
- la réfection de la terrasse n'étant pas incluse dans les travaux initialement prévus au lot n° 1, les travaux de reprise de la terrasse constituent des travaux d'amélioration qui ne sauraient être indemnisés ;
- la commune a volontairement minimisé les travaux de reprise sur le mur des douves et a entièrement concouru aux désordres ;
- elle n'a commis aucune faute dans l'exercice de ses missions ;
- il n'y a pas lieu de retenir un chiffrage toutes taxes comprises ;
- subsidiairement, sa responsabilité ne saurait excéder une quote-part de 3 % ;
- elle doit être intégralement garantie par les sociétés Eiffage routes centre-est, ACA Architectes et SAER dont les fautes sont à l'origine des désordres ;
- les appels en garantie dirigés contre elle ne sont pas fondés et doivent être rejetés.
II - Par requête enregistrée le 30 mai 2022 sous le n° 22LY01682, la société SAER, représentée par la SELARL Huguet-Barge-Caiserman-Fuzet, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en tant qu'il la condamne et de rejeter les demandes présentées contre elle devant le tribunal ;
2°) subsidiairement de condamner les sociétés Eiffage Travaux Publics, Dekra International et SAER à la garantir de la totalité des condamnations ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Bellerive-sur-Allier ou de qui mieux la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle fait valoir que :
- les désordres en cause ne lui sont pas imputables et résultent exclusivement du curage trop profond des douves effectué par Eiffage TP et de la mise en place sur la terrasse à l'arrière du château d'un remblai de 70 cm d'épaisseur par la société André Espaces Verts ;
- la commune de Bellerive-sur-Allier a commis une faute exonératoire de responsabilité en refusant son devis du 29 avril 2013 par lequel elle préconisait, eu égard à la fragilité du mur, une réfection complète ;
- subsidiairement, si sa responsabilité décennale devait être retenue, sa quote-part de responsabilité devrait être réduite ;
- le quantum des préjudices indemnisés doit être limité de la somme de 67 351,08 euros correspondant aux travaux d'enrochement ;
- compte tenu des fautes commises par les sociétés ACA Architectes, Dekra Industrial, Eiffage route centre-est et par la commune de Bellerive-sur-Allier, celles-ci doivent la garantir intégralement.
Par mémoire enregistré le 28 juillet 2022, la société Eiffage Routes Centre-Est, venant aux droits de la société Eiffage Travaux Publics, représentée par la SELARL Lexavoue Riom-Clermont, conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que son mémoire en défense produit à l'instance n° 22LY01579 et à ce que toute partie perdante lui verse la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par mémoire enregistré le 13 septembre 2022, la commune de Bellerive-sur-Allier, représentée par la SELARL Teillot et associés, conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que son mémoire en défense produit à l'instance n° 22LY01579 et à ce que toute partie perdante lui verse la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par mémoire enregistré le 2 juin 2023, la société Dekra Industrial, représentée par Me Chautemps, conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que son mémoire en défense produit à l'instance n° 22LY01579 et à ce que toute partie perdante lui verse la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La clôture de l'instruction a été fixée au 4 mars 2024 par ordonnance du même jour, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bertrand Savouré, rapporteur,
- les conclusions de Mme Christine Psilakis, rapporteure publique,
- les observations de Me Meunier pour la société Aca Architectes, de Me Roy pour la commune de Bellerive-sur-Allier, de Me Gutton pour la société Eiffage Routes Centre-Est et Me Sadek pour la société Dekra Industrial ;
Vu la note en délibéré présentée par la commune de Bellerive-sur-Allier le 27 septembre 2024 ;
Considérant ce qui suit :
1. En 2010, la commune de Bellerive-sur-Allier a engagé des travaux de rénovation et de reconversion en hôtel-restaurant du château de Bost dont elle est propriétaire, incluant en particulier l'aménagement d'une terrasse devant être constituée dans sa partie centrale par un apport de remblai soutenu par l'ancien mur de douves. La maîtrise d'œuvre de l'opération a été confiée, par acte d'engagement du 20 mars 2010, à un groupement solidaire composé, notamment, de la société ACA Architectes, devenue depuis société ACA Architecture Conservat Aménagement (société ACA). Le contrôle technique (mission Hand, LE, LP, Ph et SEI) a été confié à la société Dekra Industrial. Le lot n° 1 " maçonnerie " a été confié à la société SAER et le lot n° 13 " aménagements extérieurs " à la société André Espaces Paysages. Parallèlement à ce marché, la société Eiffage Travaux Publics, aux droits de laquelle a succédé la société Eiffage Routes Centre-Est, s'est vue confier la réalisation de travaux de curage des douves du château ainsi que l'évacuation des boues résultant de cette opération.
2. Le 5 mai 2016, la société Lilylola, bénéficiaire depuis le 23 mai 2012 d'un bail emphytéotique en vue d'exploiter le site, a constaté l'effondrement du mur de douves et le dénivellement du remblai, rendant la terrasse dangereuse et inutilisable. Sur demande de cette dernière, le juge des référés du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a ordonné une expertise le 2 août 2016. Au regard des conclusions du rapport, déposé le 12 décembre 2018, la société Lilylola a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande indemnitaire à l'encontre de la commune de Bellerive-sur-Allier, laquelle a été rejetée par un jugement n° 1902342 du 31 mars 2022, devenu définitif.
3. La commune de Bellerive-sur-Allier a, quant à elle, demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand la condamnation des sociétés ACA, Dekra Industrial, SAER et Eiffage routes centre-est à lui verser la somme de 339 457,41 euros au titre de la garantie décennale. Par un jugement n° 2001653 du 31 mars 2022, le tribunal, après avoir mis hors de cause la société Eiffage routes centre-est et retenu une faute exonératoire de responsabilité de la commune à hauteur de 30 %, a condamné les sociétés ACA, Dekra Industrial et SAER à lui verser la somme de 211 860,54 euros. Il a en outre condamné, en premier lieu les sociétés SAER et Dekra Industrial à garantir la société ACA à concurrence respectivement de 30 % et 20 % de sa condamnation, en deuxième lieu les société ACA et Dekra Industrial à garantir la société SAER à concurrence respectivement de 50 % et 20 % de sa condamnation et en troisième lieu les sociétés ACA et SAER à garantir la société Dekra Industrial à concurrence de 50 % et 30 % de sa condamnation.
4. Par les requêtes enregistrées respectivement sous le n° 22LY01579 et sous le n° 22LY01682, la société ACA, d'une part, et la société SAER, d'autre part, interjettent appel de ce jugement. La commune de Bellerive-sur-Allier conteste le jugement en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à sa demande. Les autres parties, auxquelles le jugement n'a pas été régulièrement notifié, ont produit en cours d'instance et interjettent appel de ce jugement en tant qu'il leur est défavorable. La société Eiffage Route Centre-Est, qui conclut à ce que le jugement qui l'a mis hors de cause soit confirmé, appelle en garantie à titre subsidiaire les autres personnes mises en cause. Ces deux requêtes, dirigées contre un même jugement, présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.
Sur la garantie décennale :
5. Il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.
6. En l'espèce, il n'est pas contesté que les désordres sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination.
En ce qui concerne l'imputabilité des désordres :
7. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, sur devis accepté par la commune en dehors des marchés publics de maîtrise d'œuvre, de contrôle technique et de travaux portant sur le château et la terrasse, la société Eiffage Route Centre-Est a procédé au curage du fond des douves s'étant traduit par des affouillements en pied de mur. Si cette dernière fait valoir que cette opération ne fait pas appel à des techniques de construction et procède d'une simple opération d'entretien courant, il ressort du rapport d'expertise qu'en supprimant l'assise de ces murs de pierre, l'entreprise est intervenue directement sur l'ouvrage, provoquant la déstabilisation des douves, phénomène aggravé par l'assèchement de l'assise jusqu'alors constamment immergée. Il suit de là, d'une part, que la société Eiffage Route Centre-Est doit être regardée comme un constructeur débiteur de la garantie décennale et, d'autre part, que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les désordres sont imputables à son intervention.
8. En deuxième lieu, si la société SAER est intervenue sur le mur qui s'est effondré, il résulte de l'instruction qu'elle s'est bornée à rejointoyer les pierres et que cette opération n'a ni provoqué ni aggravé la ruine des douves résultant exclusivement de la perte d'assise du soutènement. D'ailleurs, la partie du mur située au niveau de la prairie s'est effondrée avant toute intervention de sa part, à la suite du curage réalisé par la société Eiffage. Ainsi, les désordres en litige ne sont pas imputables à la société SAER.
9. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que la mission DIAG confiée à la société ACA n'incluait pas le mur des douves, contrairement à ce qu'a affirmé l'expert. En outre, ce maître d'œuvre ne saurait être mis en cause au titre de sa mission de direction et d'exécution du lot n° 1 dès lors qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, ni le marché de travaux de ce lot ni le marché de maîtrise d'œuvre ne portaient sur la réhabilitation des douves. L'effondrement du mur des douves trouvant sa cause exclusive dans l'intervention d'Eiffage Route Centre-Est, dont la direction n'était pas incluse dans la mission confiée au groupement de maîtrise d'œuvre, les dommages ne peuvent être regardés comme étant imputables à la société ACA. Par suite, alors même qu'elle a adressé de manière officieuse au maître d'ouvrage qui l'avait sollicitée son avis sur l'opération de curage, en dehors de toute mission et de toute rémunération supplémentaire et alors qu'Eiffage Route Centre-Est était déjà intervenue et que des désordres s'étaient déjà manifestés, elle doit être mise hors de cause.
10. En quatrième lieu, la mission de type LE (solidité des existants), concernant un " contrôle construction " dans le cadre d'une mission " bâtiments et génie civil ", confiée à la société Dekra Industrial, portait sur la réhabilitation du château et de sa terrasse, à l'exclusion des douves. Dès lors qu'ils sont étrangers à sa mission de contrôleur technique, les désordres litigieux ne peuvent être regardés comme lui étant imputables.
11. Il résulte de ce qui précède que la commune de Bellerive-sur-Allier est seulement fondée à demander la condamnation de la société Eiffage Route-Centre Est et que les sociétés ACA, SAER et Dekra Industrial sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal les a condamnées à indemniser la commune de Bellerive-sur-Allier.
En ce qui concerne la faute exonératoire :
12. Il résulte de l'instruction que la société Eiffage Centre-Est est intervenue sur les douves sans précaution ni étude préalable et n'a pas informé la commune de Bellerive-sur-Allier des risques que comportait une telle opération sur un ouvrage ancien et immergé. Les conseils donnés par le maître d'œuvre consistant à reconstruire un mur de soutènement sont postérieurs à l'intervention de la société Eiffage-Centre-Est et revenaient à proposer une solution aux désordres consécutifs à celle-ci. Lesdits désordres ne peuvent ainsi être regardés comme ayant été causés, même partiellement, par une faute exonératoire de responsabilité de la société Eiffage Route-Centre-Est.
Sur le montant de l'indemnisation :
13. En premier lieu, le montant du préjudice dont le maître d'ouvrage est fondé à demander la réparation aux constructeurs à raison des désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection. Ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), élément indissociable du coût des travaux, à moins que le maître d'ouvrage ne relève d'un régime fiscal lui permettant normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'il a perçue à raison de ses propres opérations.
14. Alors que les travaux de rénovation en litige sont destinés à permettre une exploitation commerciale de l'ouvrage et ne relèvent donc pas d'une activité bénéficiant d'une présomption de non assujettissement en application de l'article 256 B du code général des impôts, la commune de Bellerive-sur-Allier ne justifie pas relever d'un régime fiscal ne lui permettant pas de déduire tout ou partie de la TVA grevant l'opération. Par suite, cette dernière ne peut prétendre à une indemnisation des travaux à réaliser que sur la base d'un montant hors taxe (HT).
15. En premier lieu, les travaux de reprise des douves ont été chiffrés par l'expert à 111 853,62 euros HT, incluant la construction d'un mur de soutènement en béton pour un montant de 99 376,24 euros. Toutefois, il résulte de l'instruction que la construction du mur de soutènement était dès l'origine nécessaire à la réalisation d'un ouvrage conforme aux règles de l'art. Par suite, ce poste de dépense constitue une plus-value non indemnisable. Doit également être écarté le devis de 56 125,90 euros HT proposé en défense pour la réalisation d'un simple enrochement qui ne permettrait pas de restituer les murs dans leur aspect originel. En revanche, dès lors que les désordres en litige ont provoqué les dégâts sur la passerelle, les travaux de réfection de cette dernière, chiffrés à 12 477,38 euros HT, doivent être indemnisés. Il n'y a pas lieu de retenir l'actualisation des désordres proposés par l'expert, dès lors que l'aggravation des désordres sur le mur en litige, qui porte désormais sur 18 mètres linéaires au lieu des 11 mètres linéaires pris en compte dans le devis, ne fait que renchérir le devis de construction d'un mur de soutènement non indemnisable ainsi qu'il vient d'être dit, que l'aggravation liée à l'apparition de désordres " côté prairie " sur 10 mètres linéaires concerne une partie de l'ouvrage qui n'est pas incluse dans le présent litige et que les travaux de confortement de la passerelle évoqués par l'expert ne sont pas justifiés.
16. En deuxième lieu, les désordres impliquent également une réfection de la terrasse. Il y a lieu de retenir le montant indiqué par l'expert, et non contesté, soit 15 325 euros HT.
17. En troisième lieu, comme l'a relevé l'expert, les travaux impliquent des prestations de maîtrise d'œuvre correspondant à un montant correspondant à environ 10 % du prix des travaux indemnisés. Il y a lieu de fixer le montant de ce préjudice à 3 000 euros.
18. En quatrième lieu, les frais d'expertise engagés devant le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand, qui n'ont pas donné lieu à l'introduction d'une instance devant ce tribunal et ne sont pas compris dans les dépens de la présente instance, ont été engagés en raison de la survenance des désordres en litige et sont par conséquent indemnisables. Il ressort de l'ordonnance de taxation que ces opérations ont donné lieu à l'engagement de frais d'un montant hors taxe de 14 583,20 euros.
19. Il résulte de ce qui précède que le montant de l'indemnité que la société Eiffage Route-Centre Est doit être condamnée à verser à la commune de Bellerive-sur-Allier doit être fixé à 45 385,58 euros.
Sur les appels en garantie :
20. Il résulte de ce qui a été dit plus haut que les désordres ne résultent d'une faute ni de la société ACA, ni de la société Dekra Industrial, ni de la société SAER, lesquelles ne sont pas condamnées au titre de la garantie décennale. Par conséquent, les appels en garanties de la société Eiffage Route Centre-Est contre ces constructeurs doivent être rejetés.
21. En revanche, et par voie de conséquence de l'annulation de la condamnation solidaire mise à leur charge par le tribunal les sociétés ACA, SAER et Dekra Industrial sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal les a condamnées à se garantir de cette condamnation solidaire.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
22. Les conclusions présentées par la société Eiffage Routes Centre-Est, partie perdante, doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des autres parties.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2001653 du 31 mars 2022 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.
Article 2 : La société Eiffage route centre-est est condamnée à verser à la commune de Bellerive-sur-Allier la somme de 45 385,58 euros.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Eiffage route centre-est, Dekra Industrial, ACA et SAER et à la commune de Bellerive-sur-Allier.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Arbarétaz, président
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
M. Bertrand Savouré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.
Le rapporteur,
B. Savouré
Le président,
P. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au préfet de l'Allier, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Le greffier,
2
Nos 22LY01579, 22LY01682